Répondre à l'appel de quelle sirène: à la couronne impériale romaine ou à sa terre natale? C'est l'un des conflits intérieurs majeurs qui a le plus occupé et préoccupé, certes différemment, les représentants successifs de la Rome impérialiste, qu'elle ait été d'abord en «Afrique ancienne», qu'elle y ait ensuite créé une «Afrique nouvelle» ou qu'elle y ait établi un royaume maurétanien auquel Auguste a semblé rendre l'apparence d'un Etat indépendant en l'an 25. C'est, à bien des égards, ainsi, à partir de 23 après J.-C., l'histoire de Ptolémée de Maurétanie, le dernier pharaon que publient Josiane Lahlou et Jean-Pierre Koffel. Car, sans doute, quand Octave a pris le nom d'Auguste, il a immédiatement donné à son protégé Juba II les instruments de la royauté en Maurétanie et, par sa volonté, il lui a fait épouser Cléopâtre Séléné, fille de Cléopâtre et de Marc Antoine. Voilà donc que, par ce mariage, des éléments égyptiens et, par son éducation, sa formation et son attachement à la famille impériale, des éléments romains ont permis à Juba II d'être un serviteur de Rome et un courtisan de l'empereur Auguste. Son fils Ptolémée va nécessairement hériter de tout cela. Effectivement, il y a eu, de conséquence, dans le royaume de Maurétanie, commencées par Juba II, de longues chevauchées romaines à travers champs aux paysages divers colorés de politique, d'art, d'architecture, d'économie, d'actions militaires avec des batailles acharnées pour contenir les tribus berbères et les populations «des régions voisines du désert» que l'on groupe sous le nom de Gétules. Cette chevauchée, si fantastique qu'elle soit pour les conquérants, a un goût de sang et a continué avec Ptolémée, fils de Juba II, à la mort de celui-ci en 23 après J.-C. Le poète latin, Némésien (iiie siècle après J.-C.) pouvait alors chanter, faisant l'éloge du cheval de bataille: «Tu peux posséder encore, pourvu qu'il soit bien de race pure, le coursier aux sabots bruyants en provenance de Maurétanie...et ne te laisse pas détourner par la laideur de leur tête, par leur ventre sans élégance, leur refus du frein...Ils ont tous deux l'amour de la liberté»... Une énigme pointe ici. Au vrai, qui sont ces «tous deux» qui ont «l'amour de la liberté»? L'histoire, d'autre part, nous fait retenir le nom d'un Numide, nommé Tacfarinas qui, après avoir servi l'armée romaine, la déserte afin de la combattre avec ses troupes levées parmi les tribus assujetties et afin de libérer les terres spoliées par les conquérants. Mais sous Ptolémée, l'armée romaine de Maurétanie, après sept ans de campagnes contre «l'insurgé» Tacfarinas, le surprend enfin dans son camp près d'Auzia (aujourd'hui Sour el Ghozlane); il est vaincu et tué...Mais Ptolémée, invité à venir à Rome, lui aussi sera victime, d'une bien plus cruelle façon, d'un «guet-apens», camouflé sous un brillant accueil d'honneur, préparé par Caligula; n'ayant pas laissé d'héritier, il aura été le dernier pharaon. Comme quoi «Nul n'échappe à César». Lahlou et Koffel nous proposent une tranche d'histoire peu connue de notre pays; et romancée, elle est d'une excellente facture. Sans rien abandonner de ce qu'exige la difficile écriture des faits historiques et la scabreuse peinture des personnages -héros ou anti-héros- les auteurs, déjà riches de leurs oeuvres précédentes, différentes mais complémentaires, ont conservé leur allant c'est-à-dire leur goût du juste et du logique, «tous deux leur amour de la liberté» pour expliquer ce qu'il faut apprendre de l'histoire d'un pays pour comprendre ce pays.