L'Algérien est différent du Scandinave, du Français, des autres peuples arabes, mais se rapproche du Grec et du Portugais, voire du Japonais. On a fait tout faux. C'est en substance la conclusion qu'on peut tirer de l'enquête menée sur les relations entre la culture et la gestion en Algérie. On a fait tout faux comment? Il ressort de l'enquête en question que l'Algérien a un penchant pour les petites et moyennes entreprises, qu'il est pour le dialogue social avec le chef, qu'il recherche la sécurité avant tout, (arrive avant le salaire), qu'il a un rapport plutôt mitigé par rapport à la hiérarchie, qu'il recherche la sécurité dans le travail, aime les tâches bien définies dans lesquelles il peut s'investir à fond, reste peu réceptif à la bureaucratie où il y a trop d'écrit sans que soient précisées ses missions. Par contre, les différents régimes algériens avaient opté pour des entreprises mastodontes, dominées par la culture de l'écrit dans laquelle les prérogatives et les tâches sont mal définies, une culture dans laquelle le dialogue et l'oralité sont évacués. Malgré l'existence de grands îlots de sub-cultures (Kabylie, Aurès, monts de Tlemcen, M'zab, etc), qui ont leurs propres particularismes, il n'en reste pas moins qu'il y a des fondamentaux qui font que l'Algérien est le même d'un point à l'autre du territoire, se différenciant nettement du Scandinave, du Français, des autres peuples arabes, mais se rapprochant du Grec et du Portugais, voire du Japonais. Les quatre dimensions de l'Algérien sont le communautarisme, la masculinité, une distance hiérarchique faible, et un désir de contrôle de l'incertitude. L'Algérien est en harmonie avec la nature, il a une vision plutôt optimiste. On n'est pas dans une culture du faire (Suède), ou de l'être, mais dans une attitude de contrôle. L'Algérien au travail a peur du risque. Il aime travailler en groupe, il aime les autres. Fidèle à sa famille, à soi-même, à son groupe social, il est plutôt étapiste (aimant faire les choses par étapes et en ne manipulant pas suffisamment le temps). Il est difficile de présenter brièvement au lecteur un tel travail, qui a été réalisé vers 1993 par une équipe dirigée par Daniel Mercure, Baya Harricane, Smaïl Seghir et André Steenhaut. Le livre a été publié par l'Anep sous le tire Culture et gestion en Algérie. Le grand sociologue français Renaud Sainsaulieu en a rédigé la préface. Et Smaïl Seghir, consultant en stratégie et communication, et co-auteur de l'ouvrage, en a fait une présentation exhaustive, avant-hier, à la Bibliothèque nationale du Hamma. On ne peut que recommander la lecture d'un tel livre à tous les managers et décideurs, comme aux chercheurs et universitaires, parce qu'il révèle une face cachée de l'Algérien au travail. Le législateur, le ministère du Travail et Abdelhamid Temmar, qui est en train d'élaborer une nouvelle stratégie industrielle pour l'Algérie, à l'horizon 2020, devraient également s'inspirer des conclusions de cette enquête. Certaines caractéristiques, qui sont positives, devraient être encouragées ou mises en valeur, d'autres sont plutôt handicapantes, comme la peur de la mobilité ou de la prise du risque. On ne peut pas tout avoir. Culture et gestion en Algérie Par Daniel Mercure, Baya Harricane, Smaïl Seghir, André Steenhaut, Anep éditions. 2007.