Redha Malek a longuement abordé les discussions qui ont eu lieu entre la délégation algérienne et ses interlocuteurs français. Il est quasi impossible de parler aujourd'hui des accords d'Evian, ayant conduit l'Algérie au recouvrement de son indépendance, sans évoquer le nom de Krim Belkacem. L'homme qui a apposé sa signature, aux cotés de celles des trois ministres français, concluant les accords d'Evian, a «fait voir aux négociateurs français des vertes et des pas mûres», a souligné M.Rédha Malek, hier, lors de la conférence animée au forum du quotidien El Moudjahid, à l'occasion de la célébration du quarante-cinquième anniversaire de la fête de la Victoire, coïncidant avec le 19 mars de chaque année. Des montagnes du Djurdjura, en Kabylie, à Evian, en Suisse, Krim Belkacem passait sans faire de transition aucune. Rédha Malek, qui était le porte-parole de la délégation du FLN à Evian, a longuement abordé les discussions marathoniennes qui ont eu lieu entre la délégation algérienne, conduite par Krim Belkacem, et ses interlocuteurs français. «On a dû interrompre les discussions à plusieurs reprises, à cause, notamment des différends ayant opposé les deux délégations» souligne le conférencier. Celui-ci indique que, en proposant de se mettre à la table des négociations avec le FLN, Charles de Gaulle aspirait à décrocher uniquement le cessez-le feu sans que l'Algérie arrache son indépendance. «Cela relève de la stratégie adoptée par De Gaulle dans sa politique appelée la paix des braves, à travers laquelle il ne visait qu'à éteindre les feux de la Révolution qui ont poussé l'armée française à se rétracter et à se confiner dans ses bases» a fait remarquer le conférencier. Néanmoins, les dirigeants de la Révolution ont flairé un danger dans cette proposition qui, de surcroît, n'offrait qu'une seule garantie aux maquisards, à savoir celle de leur accorder la liberté après le dépôt des armes. «Accepter une proposition pareille n'était autre que de livrer la Révolution aux Français pour l'étrangler tranquillement. C'était un suicide!» indique Rédha Malek qui ne manque pas de revenir sur l'appel lancé par Charles de Gaulle aux chefs du FLN pour régler «la crise algérienne». «A l'époque, Abdelhamid Mehri a eu l'idée de riposter en lui demandant de négocier avec les cinq délégués du FLN détenus en France, depuis 1956, à savoir Aït Ahmed, Boudiaf, Khider, Ben Bella et Lacheraf». Ceci, selon Rédha Malek, n'est pas sans susciter les critiques de la presse américaine et anglaise à l'égard de la politique suivie, jusqu'alors, par De Gaulle qui a essuyé des échecs face à une Révolution qui n'avait de cesse de redoubler de férocité. Et ce n'est qu'en janvier 1961, que le FLN a décidé de négocier. Cette tâche a été confiée, bien sûr, à Krim Belkacem qui, n'étaient les assurances de Saâd Dahlab, n'aurait jamais accepté cette mission. «Certains, à l'instar de Houari Boumediene ont cru bon de ne pas aller aux négociations, parce que à leur avis, le moment n'était pas encore venu et que le Gouvernement provisoire de la République algérienne, (Gpra) traversait une crise interne des plus aiguës. Mais Krim leur a répondu qu'il vaut mieux saisir cette occasion maintenant plus que jamais, quant aux problèmes internes, on aura assez de temps pour les étudier plus tard». Ainsi, dès les premiers rounds, les négociations avaient butté contre un problème crucial: celui du Sahara algérien. Les deux délégations, algérienne et française, campaient chacune sur sa position. Pour la délégation algérienne, il n'est pas question de recouvrer son indépendance sans le Sahara, alors que la délégation française, elle, refuse d'abdiquer sur ce point précis. Et c'est ainsi que les négociations ont été rompues. Les pourparlers ne reprendront que quelques mois plus tard, pour se terminer par la signature des accords d'Evian. Dans ce contexte, Rédha Malek ne va pas sans rappeler que le dernier round a duré treize jours, alors que la délégation française avait cru qu'il se déroulerait en deux ou trois jours seulement. «La délégation algérienne tentait d'étudier et pour ainsi dire réviser les accords avec une fine précision» souligne le conférencier. Celui-ci refuse enfin de revenir sur les conditions de l'assassinat de Krim en Allemagne en 1969. «Pour cela, il faudra plusieurs séminaires et autant de livres, et encore...», s'est-il contenté de souligner à la fin de la conférence.