Les Accords d'Evian, que des concessions dommageables à la souveraineté nationale ou dernier acte de la Révolution algérienne ? 48 ans après leur ratification, le 18 mars 1962, les Accords d'Evian suscitent encore la polémique et alimentent la controverse. A la veille de la Fête nationale de la victoire, le forum (expurgé du débat contradictoire) d'El Moudjahid a donné hier sa « lecture des Accords d'Evian ». L'animateur de la conférence, Abdelmadjid Chikhi, directeur général des Archives nationales, défenseur des accords et de ses négociateurs, a d'emblée regretté le fait que les Accords d'Evian aient été davantage « dénigrés » que « critiqués ». Une pratique d'« autoflagellation » dont la nation se délecte, selon lui, depuis 1962 (indépendance). Les Accords d'Evian qui font figure d'un des « actes fondateurs de l'Etat algérien moderne » devraient, à ses dires, être décryptés non sous le prisme des « concessions », des « arrangements », des « garanties » concédés à l'occupant français, mais à l'aune des objectifs tracés par le mouvement de libération nationale. « Certains prétendent que l'indépendance nous a été offerte, un cadeau (…), d'autres disent que les négociateurs d'Evian n'ont pas été à la hauteur, qu'ils ont fait trop de concessions (…) Le constat est là : les Accords d'Evian ont eu pour conséquence directe l'indépendance. L'objectif tel qu'il avait été défini par la proclamation du 1er Novembre 1954 a été amplement atteint », déclare le gardien des archives. Dans son bref et laminaire exposé, Abdelmadjid Chikhi s'est attelé à défendre le bilan (et la mémoire) des négociateurs du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA). Des négociateurs qui n'étaient pas « diplômés de grandes universités, ni fait les prestigieuses académies militaires, mais ils étaient un pur produit du mouvement national. Ils avaient une longue expérience de la pratique politique, une connaissance parfaite du fonctionnement du système colonial. Ils étaient rusés et chevronnés, assez pour parer les coups tordus préparés par la délégation des négociateurs français (…) ». Saâd Dahleb (membre de la délégation), raconte Chikhi, a été à l'origine de la suspension des négociations. « Lorsque Jean de Broglie (négociateur français) a évoqué la question de la souveraineté française sur le Sahara, Saâd Dahleb a demandé, sur le ton de l'ironie, à rejoindre la délégation des négociateurs français. « Je suis originaire du sud de l'Algérie, je demande à ce titre à vous rejoindre », a répondu Dahleb. Les négociations ont de suite été suspendues et ne reprendront que lorsque de Gaulle s'est résigné à lâcher du lest sur la question du Sahara.Hommage est donc rendu à Krim Belkacem, le patron de la délégation algérienne à Evian II, (assassiné à Frankfurt en 1970 par le régime de Boumediène), aux membres de la délégation du FLN qui comprend aussi Saâd Dahleb, Benmostefa Benaouda, Lakhder Bentobal, Taïeb Boulahrouf, Mohamed Seddik Ben Yahia et Redha Malek). Fonction officielle oblige, Chikhi n'évoquera pas, une seule fois, les fameuses « clauses secrètes » des Accords d'Evian. Des « garanties », explique-t-il ont été exigées à la partie algérienne pour la mise en œuvre des Accords d'Evian et la protection des Français d'Algérie. « Des garanties sujettes à polémique jusqu'à aujourd'hui (…) Les négociateurs français ont demandé à ce que le gouvernement algérien ratifie la Déclaration universelle des droits de l'homme. Or, l'esprit de la déclaration a inspiré dès la fin des années 1940 des partis du mouvement national, dont le Parti du peuple algérien (PPA). » Autre exigence : l'orientation libérale du système politique algérien. Krim Belkacem, scrupuleux sur les questions de souveraineté, affirme le directeur des Archives nationales, s'est emporté à l'évocation de ce point. « En quoi le choix du système politique de l'Algérie indépendante vous concerne-t-il ? », aurait-il répliqué.