L'entraîneur des Verts estime que le train est lancé et que ceux qui n'ont pas pris le bon wagon risquent de perdre beaucoup. Dans une semaine, l'équipe nationale de football disputera son troisième match de la phase de qualification pour la CAN-2008 contre l'équipe du Cap-Vert. Nous avons, pour cela, approché, l'entraîneur national, Jean-Michel Cavalli, qui a choisi notre quotidien pour s'exprimer pour la première fois avant un match important. L'Expression: Depuis la dernière sortie des Verts contre la Libye, peut-on savoir en quoi a consisté votre travail? J.M.Cavalli: Dans un premier temps, il y a eu la visualisation de ce match-là sur cassette vidéo car il y a toujours des enseignements à en tirer. J'ai dû le revoir sept ou huit fois et passer près de douze heures sur la cassette, sur plusieurs jours, bien entendu. Ensuite, il y a eu la supervision de joueurs locaux avec leurs clubs en championnat. Il faut savoir que je vois un maximum de matches sur le terrain mais aussi par le biais de la télévision car je suis bien équipé en matière de chaînes sur satellites. J'ajoute que je reste informé sur tous nos joueurs de l'étranger grâce à Internet. Je suis pas à pas chacun de ces joueurs. Tout en restant en contact avec eux. Ah oui, tout le temps, sans arrêt. Avec Madjid Bouguerra en dernier, car comme vous le savez, il relève de blessure et j'apprends qu'il pourrait reprendre la compétition avec son club ce dimanche. Il fallait que je sache où il en était. Pour le match contre le Cap-Vert, il risque d'être juste et on s'en remettra à la décision de notre staff médical. Et puis, les joueurs aiment, eux aussi, m'appeler, pour prendre des nouvelles et donner des leurs. Comme vous le voyez, le contact est permanent. Lors des deux matches contre la Gambie et contre la Libye, l'équipe nationale a péché par un manque d'efficacité sur le plan offensif. C'est vrai, mais je retiens que l'animation à ce niveau, nous l'avons. Ce qui est intéressant, c'est que nous nous créons beaucoup d'occasions de buts. Nous jouons en attaque et nous sommes attirés par le but adverse, mais je reconnais que là où il y un petit souci, c'est qu'on ne parvient pas à concrétiser nos actions. Cela est dû à des maladresses, parfois à de la précipitation mais aussi à la qualité du gardien adverse quand ce n'est pas quelques-uns de ses défenseurs qui viennent le suppléer sur la ligne, comme ce fut le cas contre la Gambie. Vous savez, le football international n'a rien à voir avec celui que vous pratiquez à l'échelle nationale. Il est reconnu que les équipes faibles n'existent plus à ce niveau et des occasions de buts à ce niveau, il n'y en a pas à la pelle. Alors, une parade du gardien, un tir dévié sur la ligne, un ballon qui heurte un poteau, un ou deux ratés par ci par là, cela fait beaucoup et à la fin, vous vous contentez du minimum, mais un minimum gagnant. C'est ce qui est important. Si vous vous rappelez au mois de septembre dernier, après le match nul obtenu en Guinée, j'avais fait part de ma déception de ce résultat car, à mon avis, l'équipe nationale avait été celle qui avait raté le plus d'occasions. Nous étions passés à côté d'une victoire importante car si nous avions gagné ce jour-là, le match du 24 mars contre le Cap-Vert serait devenu déterminant, voire décisif pour la qualification. J'avais, déjà, fait le constat de ce manque d'efficacité et cela s'est poursuivi face à la Gambie devant laquelle nos joueurs sont tombés, en plus, sur un grand gardien. D'autant que le but de la victoire contre la Gambie était venu sur un penalty alors qu'il aurait dû être inscrit sur l'action qui avait amené cette sanction. Exactement, mais je crois qu'on s'était un peu trop précipité pour juger cette action. J'ai pu la revoir plusieurs fois à la télévision et je me suis aperçu qu'au moment où le ballon parvenait à Saïfi, il a eu un très léger rebond. Du terrain on ne voit rien et on se demande pourquoi Saïfi n'a pas exploité ce ballon en or. Mais à la télévision, ce rebond explique pourquoi il a cherché à contrôler et non pas à tirer rapidement. S'il l'avait fait, il n'est pas du tout certain qu'il mette le ballon au fond des filets. Mais si le ballon lui était parvenu à ras de terre sans rebond, je suis sûr que Saïfi l'aurait repris de plein fouet. A la suite de tous les matches que vous avez pu voir, ne pensez-vous pas que le joueur algérien manque de confiance en ses moyens? Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un manque de confiance. Je parlerais plutôt d'un manque de repères. Quand je suis arrivé ici, la première réflexion que j'ai entendue au sujet de cette équipe est, quand on prend un but, on panique. Le premier match contre le Gabon à Aix avait été le déclic pour moi. Nous avions pris un but et nous avions été incapables d'égaliser. Nous en avions pris un autre, on aurait pu en prendre un troisième, voire un quatrième et pour corser le tout, nous avions fini à neuf. Ce jour-là, j'avais appris beaucoup de choses. C'était ma première sortie avec les joueurs émigrés et quelques joueurs locaux. Je m'étais aperçu qu'ils manquaient de repères, de discours entre eux. Vous savez, lorsqu'on joue en équipe nationale, on doit en tirer une énorme fierté. Quand on y parvient, il faut considérer cela comme le bâton de maréchal d'un joueur. C'est la consécration. Donc, pour jouer dans cette équipe nationale, il faut le mériter. Il faut prendre conscience que lorsqu'on est sélectionné ce n'est pas juste pour satisfaire une obligation. C'est pour cela que je dis que la sélection en équipe nationale requiert de la qualité, de la responsabilité mais également de l'exemplarité. On ne peut pas se permettre de jouer en équipe nationale et de laisser ses camarades terminer le match à dix parce qu'on disjoncte, parce qu'on conteste l'arbitrage. On ne peut se permettre, parce qu'on prend un but, d'attaquer à tout-va jusqu'à oublier de défendre. Non, non, non! Il faut être beaucoup plus sérieux que ça. Il faut avoir une philosophie de travail et c'est tout un labeur de onze mois qui nous a amené aujourd'hui à avoir de la solidité, à avoir une équipe ou plus simplement un groupe depuis le match contre la Libye. Donc, ce qui manquait à cette équipe, c'est un discours adéquat qui lui fixe des objectifs et une ligne de conduite pour qu'elle puisse, au moins, dans un premier temps, finir ses matches à onze. Une équipe, c'est onze bonhommes sur un terrain et il faut faire en sorte de rester tous là. Ça, c'est de la solidité. Ensuite, il faut avoir une philosophie de jeu, attaquer, défendre. Puis il y a les objectifs. Depuis que je suis entraîneur de cette équipe, on ne peut pas dire que je suis le champion du monde des matches amicaux mais ceux-ci m'ont servi de laboratoire. Je préfère perdre dix matches amicaux et en gagner un seul qui soit officiel plutôt que le contraire. Et le match contre la Libye a été celui qui nous a le plus servi car il nous a permis de dégager le groupe sur lequel on se basera pour mener l'opération de la qualification à la CAN et pour la première fois, l'équipe est parvenue à renverser la situation en sa faveur après avoir été menée au score. Cela voudrait-il dire que vous connaissez déjà le Onze qui sera aligné contre le Cap-Vert? Tout entraîneur a son idée sur la question bien des jours à l'avance. Oui, dans mon esprit, je sais qui va jouer. Mais comme vous le savez, il y a les impondérables, l'incident qui peut vous obliger à revoir votre copie. Il y a un week-end compétitif qui va avoir lieu, je préfère, donc, attendre de voir comment les joueurs vont passer ce cap. Je croise les doigts pour qu'il n'y ait aucun blessé. Dans votre quête de sélectionnés, quels sont les grands problèmes auxquels vous vous heurtez? Aucun. Tous mes choix, je les fais, en mon âme et conscience, en fonction des critères que je vous ai cités. J'ajoute que je suis la régularité de chaque joueur dans son championnat et l'efficacité qu'il développe à son poste. En tout cas, il faut bien comprendre que l'équipe nationale n'appartient pas aux joueurs. Ce sont ceux-ci qui appartiennent à l'équipe nationale. Je veux dire que pour mettre les pieds en équipe nationale, il faut avoir un statut. Pour moi, tous les joueurs, qu'ils soient locaux ou émigrés, sont sélectionnables. Ils appartiennent tous à l'équipe nationale et c'est à celle-ci de décider. Pour la mériter, il faut avoir un statut qui fasse appel à l'efficacité, la régularité et à l'exemplarité tout en ayant une ligne de conduite. Ça se respecte une équipe nationale. Vous savez, ce n'est pas mon pays mais lorsqu'avant un match, j'entends votre hymne national, j'ai la chair de poule. C'est à ce moment-là que l'on se rend compte des responsabilités qui nous incombent. L'effectif que vous comptez convoquer pour le match contre le Cap-Vert sera-t-il à forte proportion de joueurs émigrés? Je ne peux vous répondre car je suis dans l'attente des matches qui vont avoir lieu ce week-end. Les convocations sont parties, mais cela ne veut pas dire que tout le monde sera là. Je préfère ne pas vous dévoiler de nom car si je le faisais et qu'un joueur venait à se blesser entre-temps, celui auquel je ferais appel pour le remplacer pourrait mal prendre la chose. Il peut mal l'interpréter, alors que, comme je vous l'ai dit, l'équipe nationale doit être une sorte d'apothéose. Ma philosophie est de laisser tout le monde bien concentré avec son club jusqu'au dernier moment. Des critiques n'ont pas manqué de vous cibler à propos de vos choix. Cela ne vous affecte-t-il pas? Pas du tout. A partir du moment où je suis tranquille avec ma conscience, on peut raconter n'importe quoi à mon sujet. Nul ne peut se targuer de faire l'unanimité et je ne veux pas la faire car cela voudrait dire que je suis en train de me faire des copains. C'est normal qu'un entraîneur n'aie pas de copains. Il est là pour faire des choix et ceux-ci ne sont pas toujours acceptés. L'essentiel c'est qu'il les fasse sans calcul, en son âme et conscience. On est tenu à une obligation qui veut qu'il n'y ait pas plus de 18 joueurs inscrits sur la feuille de match. Si on pouvait en mettre 25, on le ferait mais leur sélection obéira aux critères que je vous ai cités tout à l'heure. Parmi ces critiques, il y en a qui sont venues d'un joueur, à savoir Hocine Achiou, qui s'en est pris à vous après vos déclarations sur lui lors de votre dernière conférence de presse. Qu'avez-vous à dire sur ce sujet? Très sincèrement, je ne suis pas au courant. La seule chose que je peux vous en dire c'est que moi je vous ai donné ma version, mais professionnellement. Je n'avais pas à la donner car un entraîneur n'est pas tenu d'expliquer constamment ses choix. Un entraîneur sélectionne et doit se concentrer sur cette liste-là sans se soucier de ce qui se dit ça et là. Mais, dans un climat de bonne foi, pour que la confiance mutuelle se rétablisse dans un climat de convivialité, j'avais expliqué que sur huit mois de compétition, il n'avait joué que deux mois. Ça devait s'arrêter là. Malheureusement, par la suite, on avait extrapolé mes dires. En effet, si on revient sur ce que j'avais déclaré et sur ce qui avait été écrit, on se serait aperçu que ça avait été extrapolé et même agrandi. A partir de là, toute question non fondée est insignifiante et sa réponse avec. Car je me dis qu'il n'a peut-être pas dit tout ce qui a été rapporté, comme on l'a fait pour moi. La réponse devenant insignifiante je préfère la laisser de côté. Moi ce que je sais, c'est que la porte n'est fermée à personne. Je continue sur ma ligne de conduite et dans mon travail. Ce qui veut dire que la porte reste ouverte même à Achiou? Et pourquoi pas? S'il redevient efficace, quelqu'un de prépondérant pour l'équipe, pourquoi lui fermer la porte? Peut-on croire que, face au Cap-Vert, on va découvrir de nouvelles têtes? Je ne pense pas. En tout cas, il ne pourrait pas y avoir un joueur auquel on n'a jamais fait appel jusqu'ici. Ce qui veut dire que tout ce qui a été dit sur Hemdani ou Madouni, ce n'étaient que des rumeurs. Là aussi, très sincèrement, je ne suis au courant de rien au sujet de ces deux joueurs. Pour ce qui est de Hemdani, vous me surprenez. Quant à Madouni, j'en avais déjà parlé et fait savoir qu'il n'était pas prêt à revenir en sélection. Entre-temps, il y a des joueurs qui suent et souffrent pour cette équipe nationale. Je me dois de me focaliser sur eux et ne pas m'éparpiller sur d'autres sujets. Il fallait savoir monter dans le train lorsqu'il était accidenté. Maintenant, il est lancé et ceux qui sont derrière, ils vont avoir du mal à s'accrocher à un wagon. Aujourd'hui, il est très difficile de venir perturber un groupe performant, qui vit une histoire et qui se connaît. Ce n'est pas qu'on veuille écarter un tel ou un autre. Il y a des joueurs qui n'étaient pas prêts et qui aujourd'hui le sont, cela ne nous oblige pas à les prendre pour qu'ils éjectent de leurs postes des joueurs qui ont donné entière satisfaction. Il y a le cas concernant deux joueurs qui ne sont plus en équipe nationale et dont on dit qu'ils méritent la sélection. Nous voulons parler de Boutabout et de Hadj Aïssa. Je vous répète ce que je vous ai dit à propos de Achiou: la porte reste toujours ouverte. A chaque fois que je serai convaincu qu'un joueur est efficace pour l'équipe nationale, il sera dans cette équipe nationale sauf s'il ne veut pas de la sélection. Je ne vais tout de même pas obliger un joueur à venir s'il dit ne pas être intéressé par l'équipe nationale. Alors, je vous le dis: si demain je m'aperçois qu'il y a un joueur qui est capable de faire gagner l'équipe nationale, je le prendrai. Je n'ai pas d'état d'âme. Je suis quelqu'un d'ambitieux dans mon métier et pour cela je mets de mon côté tous les meilleurs atouts. Si vous deviez craindre le match du Cap-Vert, votre crainte se situerait où? Je dirais l'inconnue que revêt cette équipe et le peu d'informations qu'on a sur elle. Mais dans le fond, je n'ai pas de crainte car je sais que nous avons une bonne équipe. Nous allons jouer au stade du 5-Juillet et aujourd'hui cette équipe dispose d'une autre grande force qui est le public qui est derrière elle. Avec un public comme celui que nous avons eu contre la Gambie, je n'ai pas de raison de craindre quiconque. Nous aurons une équipe sur le terrain et elle saura ce qu'il faudra faire. Maintenant, le football reste le football et un accident n'est jamais à écarter, mais ce que je sais, c'est que nous avons travaillé pendant six mois après la Gambie pour être prêts face au Cap-Vert. Est-ce le match à ne pas rater? Sûrement, mais il y en aura d'autres à ne pas rater. Ce qui est sûr aujourd'hui, c'est que dans ce groupe, on perturbe tout le monde. C'est au Cap-Vert de nous craindre. Dans ce genre de match, le baromètre, c'est le sélectionneur. Si lui fait état de crainte, je vois mal les joueurs s'engager avec volonté. Non, ce match, nous jouerons pour le gagner et nous ferons tout pour aller vers cet objectif. D'après vous, est-ce que l'équipe d'Algérie dispose de moyens adéquats pour préparer ses échéances? En tout cas, elle se donne tous les moyens. Avec ce qu'elle peut, elle se les donne. On a des terrains d'entraînement qui ont été mis à notre disposition par des gens qui nous ont bien accueillis depuis le début, pour que l'on puisse travailler dans de bonnes conditions. On nous a donné les moyens de faire du scouting pour aller superviser les joueurs. On s'en contente bien et on en est arrivé là. Dans la vie, il faut toujours être optimiste. Quel va être le programme de préparation du match contre le Cap-Vert? Le regroupement débutera le 20 mars à l'hôtel Hilton. D'ailleurs, ce jour-là, à 11 heures, j'animerai une conférence de presse. Nous aurons un entraînement le 20, deux séances le 21, une seule le 22 et une autre le 23. Le 24, ce sera le match à 20h30, au stade du 5-Juillet.