L'organisation bute depuis sa création sur les humeurs de ses dirigeants, responsables des retards accumulés. «L'Union du Maghreb arabe est un projet réel», c'est ce que nous avait déclaré le chef de la diplomatie algérienne, Abdelaziz Belkhadem, lors d'un entretien qu'il avait accordé à notre journal il y a quelques mois de cela. Il doit y croire dur comme fer puisqu'il avait annoncé en prévision de la tenue du Sommet de la Ligue arabe qui se tiendra les 22 et 23 mars prochains que des consultations en marge de la rencontre auront lieu entre les concernés et doivent contribuer à mettre sur la table les causes qui entravent cette institution et l'empêchent d'être au diapason des aspirations des peuples, comme le justifie sa création le 17 février 1989 «L'Union du Maghreb arabe est venue consolider les aspirations des peuples et des dirigeants maghrébins à édifier un ensemble régional intégré».Cette ambition est contenue dans le Traité de Marrakech qui déterminait «les liens solidaires qui unissent les peuples du Maghreb arabe, liens fondés sur la communauté de l'histoire, de la religion et de la langue». Il s'agissait alors de réaliser le rêve des générations maghrébines d'édifier le Grand Maghreb. Une union qui consacre, affirme le document de Maraakech «une communauté complémentaire qui coopère avec des institutions régionales similaires, une communauté participant à l'enrichissement du dialogue international et mettant ses potentialités au service du renforcement de l'indépendance des Etats parties de l'Union et à la sauvegarde de leurs acquis, oeuvrant avec la communauté internationale pour l'instauration d'un ordre mondial où prévalent la justice, la dignité, la liberté, les droits de l'homme». Seulement seize ans après, ce projet piétine toujours, les responsables maghrébins ayant été dans l'incapacité de réaliser les objectifs assignés et énoncés dans le document fondateur, l'UMA reste de fait otage des enjeux politiques qui la handicape et l'empêche de prendre son envol. Le conflit du Sahara occidental en est un des écueils à concrétiser cet édifice, quoique l'Algérie a toujours soutenu que cette question qui relève de la décolonisation est prise en charge par les instances onusiennes. Problème qui néanmoins, empoisonne les relations bilatérales entre l'Algérie et le Maroc. L'autre point d'achoppement réside dans le duel à fleurets mouchetés entre la Mauritanie et la Libye. Pour rappel, la Mauritanie a accusé la Libye d'avoir été partie prenante dans une tentative de putsch à Nouakchott. Ce qui a exacerbé la crise entre les deux pays. D'autres enjeux d'ordre économique et politique ne sont pas dévoilés. Toujours est-il que cette union peine à trouver un terrain d'entente qui l'aidera à transcender ses divergences. Tout au début du projet, il était même question d'aller vers la concrétisation d'une union plus vaste pouvant accepter d'autres pays arabes et africains. Parmi les missions de ce regroupement régional figurait l'aspect économique auquel on accordait une grande importance. La stratégie globale dans ce sens portait sur «la libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux entre les pays membres, la mise en oeuvre de politiques communes assurant le développement industriel, agricole, commercial et social des Etats membres, la réalisation de projets communs et l'élaboration de programmes» stipule le texte fondateur. On envisageait la création d'une zone de libre-échange pour tous les produits d'origine maghrébine, ainsi que pour d'autres secteurs dont, en particulier, les services. Les résolutions ont également porté sur une «nomenclature douanière commune inspirée du système harmonisé» qui a été adoptée à cet effet dès décembre 1991, d'une convention portant sur les échanges de produits agricoles (entrée en vigueur le 14/7/1993), qui se fixe pour objectif de promouvoir les potentialités agricoles et favoriser l'écoulement des produits agricoles de base au niveau maghrébin, dans le but de parvenir à assurer la sécurité alimentaire pour l'ensemble de la population maghrébine. Sur le plan institutionnel, une convention maghrébine a été adoptée en mars 1991 en vue de mettre sur pied une «Banque maghrébine d'investissement et de commerce extérieur, chargée de mobiliser les fonds nécessaires au développement économique au niveau régional et de financer ou participer au financement de projets d'investissements maghrébins et d'opérations de commerce extérieur». L'UMA a adopté d'autres conventions complémentaires en matière de transport terrestre et de transit (23/7/1990) ou en matière d'assurance et de réassurance (1994). Elle a en outre initié divers programmes dans le domaine des infrastructures de base visant à renforcer les moyens de transport et de communication. Deux pays de l'UMA, le Maroc et la Tunisie, ont signé des accords «euroméditerranéens d'association» allant bien au-delà de la simple libéralisation des échanges telle qu'initiée dès la fin des années 1960 dans le cadre des premiers accords commerciaux euro-maghrébins. Des négociations ont été aussi finalisées entre l'Algérie et l'Union européenne. Cette nouvelle forme de coopération Nord-Sud vise à établir une zone de libre-échange euroméditerranéenne à l'échéance 2010. Elle se fait avec l'assistance financière européenne à la restructuration des économies méditerranéennes au travers de l'enveloppe financière définie dans le cadre du programme Meda. Cependant, en dépit des différentes rencontres qui ont eu lieu entre partenaires maghrébins, les retards étaient considérables. Il a fallu trois années après la création du bloc pour mettre en place les institutions devant constituer les structures essentielles tels le Conseil des ministres des affaires étrangères, le Comité de suivi, secrétariat général, le conseil consultatif et les commissions ministérielles spécialisées. Lesdites commissions sont à l'origine de l'élaboration des 37 conventions et accords, chartes et protocoles conclus dans le cadre de l'UMA entre 1990 et 1994. Toutefois, bon nombre d'entre eux n'ont pas été à ce jour ratifiés ou entrés en vigueur. L'institutionnalisation des relations maghrébines a permis la tenue de réunions au niveau politique et technique. L'absence de structure administrative stable a cependant retardé la mise en oeuvre du projet d'intégration. Force est également de constater que les problèmes politiques intermaghrébins ont différé la mise en oeuvre de la stratégie maghrébine d'intégration.