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Utilisation confiante du capital national
STRATEGIE INDUSTRIELLE
Publié dans L'Expression le 01 - 03 - 2007

«Il est plus que temps de rompre avec la dépendance des hydrocarbures pouvant nous entraîner irrémédiablement au déclin.»
C'est avec la plus grande satisfaction que la Cgea a pris connaissance de la mise en discussion de la politique industrielle nationale et de la tenue de la présente conférence dont elle salue l'initiative.
Le débat sur ce sujet majeur pour l'économie participera nécessairement à l'élargissement de la visibilité des politiques gouvernementales pour les années à venir et apportera certainement des réponses urgentes aux difficultés récurrentes depuis plus de 2 décennies dans lesquelles se trouve plongée l'industrie algérienne, toutes filières confondues.
Il aurait été utile d'en faire l'état des lieux pour éclairer judicieusement les orientations à lui imprimer ainsi que les stratégies sur lesquelles elles s'appuieraient.
Dans cet ordre d'idées, l'inventaire des capacités industrielles nationales comporte aussi - et pour une part significative, apparente et plus souterraine - le potentiel des PME et PMI dont un grand nombre active depuis 15 à 30 années.
Définir la place et le rôle des PME et PMI, non seulement en termes globaux et incidents mais en prise avec les choix essentiels des branches et des filières, est indispensable pour donner sens aux 3 grandes options affichées dans les propositions gouvernementales:
La spécialisation dans le cadre de la mondialisation des échanges et de la globalisation de l'économie mondiale, appuyée sur un bon positionnement dans l'échelle des valeurs, La remobilisation des industries hautement capitalistiques, adossées à un secteur public et semi-public renforcé,
L'ouverture totale à l'investissement direct étranger comme facteur de rattrapage des retards et d'actualisation technologique.
La Cgea partage l'essentiel de l'analyse développée dans l'avant-projet soumis à l'examen des présentes assises.
Il en est particulièrement du défi de l'insertion de notre pays dans l'économie mondiale où il est plus que temps d'y prendre une place qualifiante et de rompre avec la dépendance des hydrocarbures pouvant nous entraîner irrémédiablement au déclin si on ne construit pas l'appareil industriel de substitution.
Les PME-PMI et la crise
Si nous convenons que le retard de développement -même relatif- est causé d'abord par la faiblesse du capital financier local, qu'il soit public ou privé, la question centrale est celle de la mobilisation et du bon usage de toutes les ressources nationales pour affronter dans les conditions les moins défavorables la puissance des capitaux multinationaux dominant l'économie mondiale.
La rupture avec la marginalisation, voire l'exclusion, dans le passé, du capital privé national, apportée par les réformes depuis 1989, n'a pas encore produit les effets suffisants pour l'utilisation effective, confiante et durable du capital national au service de la consolidation de son assise économique, de son investissement dans l'agriculture et l'industrie.
Il a réussi à prendre une place dans le Btph et dans plusieurs domaines du secteur des services qui lui ont donné la part croissante au fil des ans et dominante aujourd'hui, dans la création de la valeur ajoutée hors hydrocarbures.
Mais il demeure encore majoritairement orienté vers le commerce, mettant à profit l'explosion de la demande sociale, accentuée ces dernières années, par l'augmentation de la dépense publique et des transferts sociaux.
Les PME et PMI industrielles nationales existantes ont été durement frappées par la crise des années 90, entraînant leur recomposition totale (textiles-habillement, cuir, plastiques, mécanique, matériaux de construction, bois, agroalimentaire) alors que paradoxalement, ces mêmes années ont vu l'émergence spectaculaire d'unités et d'ensembles prenant la place des entreprises publiques en extinction (agroalimentaire, matériaux de construction, chimie, médicament, Btph essentiellement).
Les entreprises travaillant en aval des productions des grandes entreprises publiques ont subi les conséquences les plus lourdes par les pertes de commandes, entraînant leur fermeture quasi totale.
Aujourd'hui, le secteur des PME et PMI industriel présente une configuration et une situation très contrastée au plan de sa composition en capital et en technologie, de ses productions, de ses effectifs et de son impact sur l'économie.
On retiendra principalement que, depuis 20 ans, les PME et PMI industrielles et du Btph sont marquées par une faible volatilité, à l'inverse de celles du secteur du commerce et des services, ce qui exprime bien le souci de leurs promoteurs de durer dans le temps et donc, de participer effectivement à la résistance contre le déclin industriel en espérant son renouveau.
Le débat d'aujourd'hui sur les politiques et stratégies industrielles peut répondre à cette espérance s'il est tenu compte de cette composante incontournable de l'industrie et de l'économie que sont les PME et PMI.
En premier lieu, il s'agit de dépasser, une fois pour toutes, le débat public, privé comme s'il s'agissait d'un enjeu de société alors que ce dernier est bien celui de comment sortir de la stagnation et d`organiser la croissance durable.
Les éléments soumis dans le document focalisent la mobilisation des ressources sur l'affectation des moyens financiers de l'Etat et le recours aux capitaux étrangers pour les entreprises publiques et semi-publiques, existantes ou à créer, retenues dans les choix de filières à consolider et à développer.
En se concentrant sur leurs métiers de base, elles permettraient de se positionner doublement contre la concurrence, sur le marché intérieur pour satisfaire une demande croissante (d'où l'intérêt pour les étrangers, d'investir dans ces entreprises et directement) et pour l'exportation-substitution à la faveur d'avantages (énergie, main-d'oeuvre et expertise potentielle) et de facilités.
Il s'agit d'une part, de valoriser le potentiel de la grande industrie assise sur les entreprises publiques dans les filières aptes à se développer en y amarrant le capital extérieur, ses ressources et ses moyens, d'autre part, de lui faire exploiter directement le potentiel en ressources naturelles et en marchés pour lesquels le pays (Etat et opérateurs économiques) ne dispose pas de capital à investir.
Etant entendu que les conditions préalables de la stabilité politique, de la sécurité (générale et des investissements) de la bonne gouvernance ont déjà été réunies, que le système bancaire est déjà suffisamment performant.
Il s'agit donc bien de l'attractivité du pays. Celle-ci est probablement établie maintenant, même si des réticences persistent.
Encore faut-il que les entreprises offrent elles aussi l'attractivité suffisante pour en permettre le redéploiement et leur insertion dans des ensembles et groupes multinationaux dans un rapport négocié et surtout pérenne.
L'action des pouvoirs publics pour traduire l'attractivité du pays en attractivité des entreprises décidera en définitive de la concrétisation de la stratégie industrielle préconisée.
La dissémination dans le monde du capital financier et la maîtrise des marchés des biens ne sont pas le fait des seuls groupes financiers et des multinationales.
«L'externalisation», depuis 20 ans, des industries allemande, italienne, espagnole, belge, française et en grande partie américaine, est aussi conduite par des PMI.
Celles-ci représentent dans ces pays la part majoritaire des entreprises, de l'emploi et, selon les filières, de la production. Elles tiennent une place privilégiée dans les politiques de leurs gouvernements et aussi de celles du FMI, de la BM, de l'OMC.
Pour l'Algérie, il s'agit bien d'un effort exceptionnel à faire dans leur direction pour inclure celles qui existent dans les politiques industrielles et de mettre en place et d'appliquer une vraie stratégie de promotion de la PMI intégrée à la stratégie industrielle.
En effet, l'attractivité des grandes entreprises tient également à leur capacité à fournir l'ensemble des éléments des facteurs de production aux conditions les plus avantageuses.
Parmi ceux-ci, la disponibilité à temps des matières, demi-produits et produits finis et services concourant à leur activité.
Sur ce plan, les PMI disposent également de l'avantage «pays»: coût de l'énergie. relativement de la main-d'oeuvre, de la compétence, et surtout de la proximité géographique interne et avec les marchés d'Europe.
Les programmes de développement des infrastructures et des communications renforcent encore plus l'aptitude au «juste à temps».
La crainte de la Cgea est qu'en l'absence d'une stratégie concertée et admise de promotion des PMI, le renforcement du potentiel tourné vers les seules grandes entreprises ne conduise à nouveau qu'à l'aggravation des importations au détriment de l'exploitation des possibilités locales.
En effet, la question se pose: comment et à quel prix le redéploiement des grands ensembles industriels sera-t-il obtenu?
Les retombées vont-elles entraîner l'expansion industrielle ou bien assurer seulement la croissance?
Enfin, dans le schéma du partenariat avec l'étranger, faut-il exclure de fait les PMI des pays qui externalisent leur industrie, ou bien faut-il aussi leur faire une place avec les PMI nationales?
La Cgea considère nécessaire une bonne répartition du risque dans les relations avec les partenaires étrangers en mettant l'appareil industriel national plus ou moins à l'abri des perturbations secouant régulièrement les grandes firmes industrielles mondiales. Dans ce cadre, une action soutenue des pouvoirs publics pour crédibiliser les PMI nationales et les conforter dans leurs efforts de structuration financière et économique, ouvrira la porte aux investissements des PMI étrangères et à des partenariats plus équilibrés. Le problème le plus inquiétant pour les PMI reste celui de leur capacité de capitaliser. Les obstacles à leur structuration et à leur stabilité ont été souvent et largement exposés, depuis les assises de la PME jusqu'à récemment le Pacte économique et social. Il ne s'agit pas aujourd'hui de faire l'inventaire de ce qui n'a pas été fait, mais de souligner avec insistance que des politiques et une stratégie industrielle ne peuvent pas ignorer la place et le rôle des PMI dans leur élaboration et leur conduite.
Nous ne répéterons pas ici les propositions de mesures énoncées en accord entre toutes les organisations patronales, tant pour les PMI publiques que privées. La plupart d'entre elles dépendent étroitement de la mise en adéquation de l'environnement général de l'activité industrielle: législation et réglementation, l'accès au foncier, conditions d'accès au crédit et réforme du système bancaire, efficacité de la formation professionnelle, régulation du marché du travail, égalité de traitement et transparence dans les marchés publics, accompagnement dans le démantèlement tarifaire, fluidité du fonctionnement des institutions et organismes d'encadrement économique, pour l'essentiel. Toutes ces questions ont fait l'objet de propositions de mesures concrètes. Des dispositifs partiels ont été mis en place, mais le cadre général reste encore insuffisamment cohérent pour donner un socle à l'activité des PMI.
Conditions attractives
Il manque notamment le dispositif de soutien à long terme pour stabiliser et structurer le secteur de la PME-PMI.
Frappées d'ostracisme, la PME industrielle et celle du BTPH portent le fardeau de tous les maux atteignant le système de gestion de l'économie nationale: informelle ou souterraine, elle échappe aux impôts, aux charges sociales, détourne l'application de la législation, sous-paie les salariés, fraude sur les produits, etc.
Certes, c'est une partie de la réalité. L'autre partie et la plus importante est faite d'entreprises au capital principalement familial, peinant à s'adapter à des règles et normes conçues en dehors d`elles. Par la part qu'elles ont aujourd'hui dans la production et l'emploi, elles ne peuvent être ignorées et les mesures de leur intégration progressive dans la norme nationale doivent être prises d'urgence.
Il faut aussi leur rendre les conditions attractives pour leur redéploiement, tout comme il est fait pour les grandes entreprises et les investisseurs étrangers. C'est ainsi que les PME se consacreront à capitaliser et à épargner pour se structurer, se renforcer et se développer.
Les propositions de redéploiement des filières gagneraient à être complétées par l'inscription des champs et opportunités ouverts pour les PME avec une évaluation des effets d'entraînement attendus:
Quels effets pour la production de substitution à l'importation?
Quelles dimensions des marchés ouverts?
Quels types d'investissements sont attendus (technologies, produits, montants)?
Quels moyens l'Etat mettra à court et moyen terme dans la consolidation de ce segment essentiel de l'industrie nationale?
La Cgea préconise 4 types de mesures pour compléter les principales conclusions gouvernementales:
1-placer sous une autorité gouvernementale unique la politique industrielle
2-faire l'évaluation chiffrée du coût immédiat que paiera la collectivité nationale au redéploiement des entreprises
3-faire l'évaluation du capital étranger attendu
4-intégrer la PME-PMI dans 1e programme de redéploiement.


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