Les pouvoirs publics hésitent à financer la mise à niveau de cette branche stratégique. Le Conseil de gouvernement de mercredi dernier a “planché” sur l'évolution du secteur industriel. Dans la communication sur le développement des filières industrielles à l'horizon 2010, présenté au cours de cette réunion par le ministre de l'Industrie, il ressort des besoins en investissements locaux et investissements directs étrangers cumulés de 570 milliards de dinars à l'horizon 2010, soit environ 8 milliards de dollars, l'équivalent de plus d'un milliard de dollars/an. La présentation s'appuie sur une étude relative à l'évolution des filières industrielles et leur développement à cette échéance. Elle a pour objectifs de fournir une base d'informations actualisées sur l'état de l'industrie nationale, établir des diagnostics de filières, recenser les filières porteuses de croissance. L'industrie reste dominée par les hydrocarbures “L'étude, qui a porté notamment sur l'analyse du cadre macroéconomique et de la politique industrielle ainsi que l'évaluation du potentiel de croissance et de compétitivité, a mis en exergue, lit-on dans le communiqué, les caractéristiques de l'industrie algérienne dominée par les hydrocarbures. Le schéma de développement des filières préconise pour les industries stratégiques, l'encouragement du partenariat avec les grands groupes industriels et de l'investissement direct étranger pour les industries à vocation régionale ainsi que l'apport en capitaux au profit de petites et moyennes industries. Elle préconise également des mesures visant à améliorer l'environnement institutionnel, fiscal et bancaire et la mise en place de mécanismes d'aide aux choix de technologies et de partenariat”. Ce communiqué lacunaire élude l'importance de ce secteur en termes d'évaluation des progrès en matière de réformes structurelles. Cette branche reste le véritable baromètre de la santé de l'économie. Aujourd'hui très fragile en dépit des 34 milliards de réserves de change, des recettes record à l'exportation et des excédents successifs de la balance des paiements. La stagnation des exportations hors hydrocarbures dénote des difficultés à diversifier l'économie et partant à réduire la dépendance à l'égard des prix du brut, malgré plus de dix ans de réformes accélérées par le plan d'ajustement de 94-98 dont l'un des principaux objectifs était de rompre justement avec une telle dépendance. L'économie navigue à vue Six ans après sa sortie du programme, les exportations hydrocarbures constituent toujours 97% des ventes à l'étranger de l'Algérie. Les résultats du secteur industriel sont en décroissance depuis des années en raison du boulet représenté par le secteur public déficitaire. Du reste, fortement concurrencé par le secteur privé, le secteur étatique dans différents segments a perdu d'importantes parts de marché en particulier dans l'agroalimentaire et les industries manufacturières. Il n'a d'autres choix pour éviter la fermeture que la vente de ses actifs, du moins l'ouverture du capital des entreprises publiques à de véritables repreneurs. La pause dans les réformes ne pourra être ainsi prolongée, eu égard du reste, aux impératifs de l'ouverture induite par l'accord d'association avec l'Union européenne et l'adhésion de l'Algérie à l'OMC. Cette menace, sur la pérennité de pans entiers de l'industrie nationale dans le scénario d'une réaction passive de l'Etat, contraint les pouvoirs publics à mobiliser des financements et instituer des facilitations pour la mise à niveau de l'appareil de production sans lequel, il est vain de s'attendre à ce qu'il soit compétitif par rapport à l'importation encouragée par le progressif démantèlement tarifaire. Sur ce point, ce qui inquiète, ce sont les hésitations actuelles des pouvoirs publics à financer de façon massive la mise à niveau. Si pour des raisons d'efficacité et des limites budgétaires, ces tergiversations peuvent se justifier, en revanche, cette excessive prudence n'est guère de mise lorsqu'il s'agit d'entreprises dynamiques, en constante amélioration, détenant un marché et susceptibles de créer beaucoup d'emplois et de richesses. Il s'agit donc de cibler les aides en fonction du professionnalisme des entreprises, de leur potentiel de croissance interne et à l'export, ainsi que les chances à moyen et long terme de compétitivité du secteur où activent de telles sociétés. C'est pourquoi la visibilité en la matière restera une condition de la croissance des investissements nationaux et des Ide. Le nouveau programme présidentiel veut justement gommer ce handicap. Mais pour l'instant, l'économie navigue à vue, entre les récifs des menaces sur le secteur public, de la vulnérabilité du secteur privé et les vagues du démantèlement tarifaire. Sans qu'aucune stratégie de renforcement de l'efficacité des entreprises locales n'est venue jusqu'ici apaiser les inquiétudes, réduisant de facto les temps nécessaires aux préparatifs à une ouverture tous azimuts du marché algérien. N. R.