Tous les avocats ont salué la maîtrise et le professionalisme de la présidente. La plaidoirie de la défense a été caractérisée mercredi notamment par l'intervention d'une dizaine d'avocats, plaidant pour plusieurs accusés pour les délits de corruption et trafic d'influence en général. Comme dans les séances marathoniennes d'hier, beaucoup d'énergie a été consommé, tant d'arguments ont été avancés pour s'efforcer de prouver la bonne volonté de leurs clients et leur innocence en cassant les chefs d'accusation. Partant de ce constat et cette plaidoirie, ils demandent la compréhension de la présidente pour tenir compte des circonstances et obtenir l'acquittement dans la plupart des cas. Ainsi le défilé des avocats qui recourent à tous les subterfuges et astuces dont ils détiennent seuls le secret, a été très animé en tenant en haleine l'assistance. Il y a lieu notamment de noter l'intervention de Maître Dechicha plaidant pour Tchoulah, ex-président de la mutuelle des Pet T et de Benacer, ex-directeur général de la Cnas, tous les deux accusés de corruption et trafic d'influence. L'avocat Ksentini a aussi plaidé pour Tchoulah et Berbère de la mutuelle des Pet T, Me Ménacéria pour Telli, ex-DG de l'Agence du développement social, Me Bounab pour Boukerma, chauffeur à la direction de la Banque Khalifa. D'emblée, le premier avocat de la journée, en l'occurrence Maître Dechicha, commença sa plaidoirie pour saluer en préambule, tradition oblige, le travail de la juge avant de changer de cap en imitant notamment Me Brahimi, en insinuant que les vrais coupables ne sont jamais inquiétés. «En France, des ministres défilent à la barre et sont poursuivis dans le cas échéant.» Bref, l'avocat s'est montré par ailleurs contre le fait que le liquidateur puisse se constituer partie civile alors que l'opération de liquidation n'avait pas encore pris fin. «Le liquidateur qui chapeaute encore l'opération de liquidation ne peut pas se constituer partie civile selon la loi en vigueur», dira-t-il en insistant qu'il devait tout d'abord (le liquidateur) récupérer tout ce qui est récupérable pour rembourser les clients. L'avocat Meziane avait déclaré, lors de sa défense en plaidant pour le liquidateur en tant que partie civile, que le tribunal devait avoir recours à une jurisprudence pour mieux trancher dans ce cas encore «flou». Retournant à son client Benacer, ex-directeur général de la Cnas, maître Dechicha considère que le dépôt à terme de l'argent de cette Caisse estimé à 8 milliards de DA, était une démarche «purement» économique. «Tout d'abord la banque Khalifa était agréée, ensuite son P-DG a été élu à une certaine période meilleur manager de l'année, et surtout elle offrait des taux d'intérêts très attractifs», dira-t-il. Il se demande toutefois comment se fait-il que son client est poursuivi pour trafic d'influence alors qu'il avait exécuté l'ordre du président du conseil d'administration qui est Abdelmadjid Sidi-Saïd. Il insiste également qu'il est tout à fait illogique que le dépôt de tous ces milliards ait eu lieu juste pour que son client bénéficie de minables cartes de voyage et de thalassothérapie. «Si c'était vraiment le cas, mon client aurait plus que ça puisque une carte de gratuité ne vaut absolument rien devant 8 milliards déposés.» Ce fut le tour de Maître Ksentini de présenter sa plaidoirie, qui, comme ses autres confrères commença son intervention par des éloges envers le tribunal en saluant professionnellement le travail de la justice tout en reconnaissant que beaucoup de choses ont évolué dans le sens positif. Par la suite, et avant de parler de son client, Maître Ksentini fera une «mise au point» relative à la rumeur qui circule faisant état de l'aspect politique de l'affaire Khalifa. «Certes, on est face d'une affaire financière et de mauvaise gestion. Toutefois, le débat social ne doit pas remplacer le débat juridique. Le réquisitoire du procureur général avait une certaine perception des choses, aujourd'hui nous devons jouer notre mission de défenseurs avec l'avantage relatif au fait que les accusés bénéficient de la présomption d'innocence». Maître Ksentini s'est montré toutefois désagréablement surpris par les déclarations de Abdelmoumen Khalifa sur la chaîne Al Jazeera en les jugeant d'un niveau très bas. «En regardant l'ex-président-directeur général du groupe Khalifa sur cette chaîne, il n'a nullement fait allusion aux accusés qui comparaissent aujourd'hui devant le tribunal. Même pas une compassion à leur douleur», dira t-il en ajoutant: «Durant ma vie, j'ai vu des personnes sans scrupules et sans état d'âme toute mais pas autant que Abdelmoumen, jamais». Abordant le dépôt des entreprises publiques au niveau d'El Khalifa Bank, il dira: «Abdelmoumène était présenté comme un modèle de réussite et il ne lui manquait qu'une statue sur la place publique tellement on parlait de lui dans les quartiers. Franchement, il a su tirer profit de tout cela n'hésitant pas à arnaquer son monde avec des intérêts alléchants. Il donnait l'image d'un bienfaiteur qui répondait aux besoins des nécessiteux et même des clubs de football ont eu leur part. Il insiste, lui aussi, que le dépôt en lui même n'est pas interdit par la loi et que le délit de trafic d'influence dont ses clients sont accusés, n'est pas fondé. Dans ce sens, il évoque une chanson de Charles Trénet Que reste-t-il de nos amours». Il interpelle la juge pour que ses clients bénéficient de circonstances atténuantes. En sommes comme dit l'adage bien de chez nous dans ce branle-bas combat entre le représentant du ministère public et les chevronnés avocats, ce que «le loup dit, le sloughi l'apprend par coeur.»