La Palestine, le Liban, l'Irak et le Darfour sont les dossiers majeurs qu'ils auront à traiter. Le sommet des chefs d'Etat arabes qui se tient demain 28 et le 29 mars 2007 à Riyad en Arabie Saoudite est considéré par les observateurs comme celui de la tentative de redéploiement de la diplomatie saoudienne dans la région et de nouveau, une épreuve pour tous les pays arabes face aux dossiers sensibles auxquels ils font face sans grande efficacité. Alors que depuis septembre 2001 l'Arabie était dans une position défensive, l'étape actuelle de la vie politique et sécuritaire de la région lui donne l'occasion d'essayer de rebondir. D'autant que la proposition de paix arabe adoptée en 2002 à Beyrouth et confirmée au Sommet d'Alger en 2004 émanait d'une initiative de ce pays, puissance financière controversée pour ses liens supposés avec l'extrémisme politico-religieux. Le dossier politique majeur qui est la situation tragique en Palestine, puis celui de l'Irak, et ensuite la crise persistante du Liban, et le problème du Darfour au Soudan, figurent en premier plan de l'ordre du jour en 17 points, ainsi que la poursuite des réformes de la Ligue arabe que l'Arabie temporise pour les aspects politiques mais soutient pour les questions économiques. L'activisme iranien dans la région sera indirectement une des données qui influeront. La diplomatie du Royaume de l'Arabie se veut modérée, cherchant à allier la stabilité de son régime, ses valeurs traditionnelles rigoristes et ses intérêts économiques, à ceux de ses alliés stratégiques dans le monde. Malgré les multiples contraintes, ce pays arabe influent tente de préserver une certaine marge de manoeuvre. Sa diplomatie a marqué des points non négligeables, notamment après l'accord de La Mecque entre les deux principales forces palestiennes. Rendre justice au peuple palestinien Le sujet majeur, depuis des décennies, reste donc celui du conflit israélo-arabe qui aura soixante ans l'année prochaine (1948-2008). La détérioration sur le terrain, en particulier l'apartheid qu'Israël impose au peuple palestinien et la paralysie des pays arabes en sont le reflet. L'Egypte et la Jordanie sont les seuls pays arabes à avoir signé un accord de paix avec Israël, mais d'autres pays arabes entretiennent plus ou moins des relations de représentation commerciale ou autres, dont l'intensité varie en fonction de la conjoncture. Les Etats-Unis comptent s'appuyer sur eux, et sur l'Arabie Saoudite ainsi que les autres pays du Golfe, pour amener le reste de la Ligue arabe à rouvrir le dialogue avec l'Etat hébreu sur la base d'une discussion de la proposition de Beyrouth de 2002. La Ligue des Etats arabes y proposait la paix et la reconnaissance à Israël en échange du retrait des territoires occupés depuis 1967, de l'instauration d'un Etat palestinien ayant El Qods-Est pour capitale et du retour des réfugiés palestiniens. L'Etat hébreu qui, avec les Etats-Unis, avait toujours rejeté une solution diplomatique et le plan, tactiquement, a, récemment, semblé s'y intéresser pour tenter peut-être de le vider de son contenu, à tout le moins annuler le point sensible relatif au retour des réfugies et revoir les frontières de 1967. Pourtant les peuples de la région aspirent à la paix et refusent les murs de séparation. La secrétaire d'Etat américaine, effectue, actuellement, une tournée dans la région à la veille du sommet. Elle discute avec les autorités arabes, notamment jordaniennes, saoudiennes, emiraties et palestiniennes, qui forment une sorte de Quartette arabe, pour qu'elles laissent ouvertes la possibilité d'un aménagement de la résolution de 2002. La secrétaire d'Etat a annoncé que les Etats-Unis pourraient proposer leurs propres solutions aux principaux points de désaccord entre Israël et les Palestiniens, qui auraient demandé à Washington de s'impliquer dans le processus. Même si certains aspects peuvent êtres discutés, vu le rapport de force et le nécessaire réalisme, l'immense majorité des pays arabes s'oppose en principe aux pressions pour qu'ils édulcorent le plan adopté au sommet de Beyrouth et confirmé au Sommet d'Alger en 2004. Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, effectue lui aussi une tournée au Proche-Orient. Au Caire il a rencontré le président Moubarak, ensuite les autorités israéliennes à El Qods occupé puis dans les Territoires occupés pour rencontrer le président Abbès. Point incompréhensible, il n a pas rencontré le Premier ministre palestinien Ismaïl Haniyeh, du Hamas. Pourtant le rôle de la principale Organisation internationale est d'écouter toutes les parties. D'autant que, sans aucun doute, le sommet de Riyad entérinera l'accord sur un gouvernement d'Union nationale entre le Hamas et le Fatah du président Mahmoud Abbas conclu sous l'égide de l'Arabie Saoudite, le mois dernier, à La Mecque. Le sommet arabe va appeler la communauté internationale à traiter avec ce gouvernement légitime, sans faire de distinction selon que ses ministres appartiennent ou non au Hamas. Dans ce sens, à juste titre, le sommet va réclamer la levée du blocus financier imposé de manière illégale et immorale, il y a un an, à l'encontre du peuple palestinien et du gouvernement dominé par le Hamas. Restera à mettre en application ces impératifs en pesant de tout le poids que peut représenter le monde arabe, en coordination avec les puissances soucieuses de paix, de justice et d'équilibre. La crise du Liban sera l'autre dossier sensible pour la stabilité de la région. L'intervention de l'Arabie et ses consultations avec l'Iran, la poursuite du dialogue entre le président du Parlement libanais Nabih Berry et Saad Hariri en cinq rencontres a permis de redonner l'espoir, mais sans encore parvenir à une entente définitive. La médiation du secrétaire général de la Ligue arabe et les efforts des autres parties ne seront pas de trop pour calmer les esprits et entamer une sortie de crise. Le froid régnant entre Riyad et Damas, selon certains observateurs, ne facilite pas la tâche. Les vues restent divergentes en ce qui concerne le Liban. Moderniser la Ligue des Etats arabes Depuis le premier Sommet qui s'est tenu en Egypte le 28 mai 1946, les six secrétaires généraux qui se sont succédés (Abderrahman Azzam 1945-1952; Abdelkhalek Hassouna 1952-1972; Mahmoud Riadh 1972-1979; Chedly Klibi 1979-1990; Ahmad Ismat Abdelméjid 1991-2001; et actuellement Amr Moussa depuis 2001) l'idée de reforme politique de fond de la Ligue a rarement été débattue. Il a fallu l'après-guerre du Golfe de 1991 pour que l'idée commence à mûrir et la réunion extraordinaire du Caire en 2000 pour que les dirigeants arabes acceptent de commencer à sortir de la léthargie et adoptent une annexe à la Charte, laquelle a prévu des réunions périodiques au Sommet comme instance supérieure de la Ligue. Ces réformes ont commencé à prendre forme de manière décisive au Sommet d'Alger en 2004, sous l'impulsion de l'Algérie. La déclaration d'Alger, fruit des efforts gigantesques de la diplomatie algérienne, est fort éloquente: «La poursuite des efforts tendant à développer et à moderniser la Ligue des Etats arabes, dynamiser ses mécanismes en vue de s'adapter aux évolutions mondiales accélérées, poursuivre l'édification d'une société arabe complémentaire de par ses ressources et potentialités, la réalisation du développement global durable, et permettre à la Ligue arabe et à l'ensemble de ses instances et structures de développer les méthodes de travail, promouvoir ses performances et assumer les exigences et les aspirations des peuples arabes à une plus grande interdépendance des intérêts et à l'adaptation aux développements sur les scènes arabe et internationale.» La plus importante d'une vingtaine de décisions concerne la fin des décisions à l'unanimité sauf pour certaines questions, afin de sortir des situations de minorités de blocage, des impasses et des paralysies. L'économie est l'un des secteurs les plus importants auxquels la Ligue accorde désespérément un intérêt prioritaire. Son objectif est de promouvoir une politique économique fondée sur la difficile complémentarité entre pays arabes. Elle mène son action dans ce domaine selon certains principes qu'elle s'est donnés, comme celui de tenir les questions économiques et sociales à l'écart des divergences politiques entre pays arabes. En application de la résolution de la réunion extraordinaire du Caire en 1996, le Conseil économique et social a été chargé de créer la Grande zone arabe de libre échange qui a commencé à fonctionner en 1998 et qui devait aboutir en 2005 à la libération totale des échanges commerciaux entre Etats arabes, mais des retards et pesanteurs persistent, faute de discipline stricte, de complémentarité et d'équilibre économique. En 2003, puis au Sommet d Alger a été mis au point un plan de restructuration du Conseil économique et social visant à le rendre à même de diriger l'effort économique collectif. Le sommet arabe discutera donc de sujets qui, dans l'ensemble, reviennent sur les grandes lignes de l'action économique arabe commune et du développement arabe régional. Un rapport sur la fondation d'une union douanière arabe en exécution d'un projet discuté à Alger, repris comme résolution par le dernier Sommet arabe à Khartoum (2006), et les recommandations prises par le Conseil économique et social arabe au sujet des certificats d'origine détaillés des marchandises arabes, point d'achoppement, seront étudiés. Dans tous les cas de figure, la diplomatie algérienne, se présentera, sans doute, à ce sommet, sereine, comme force du juste milieu, respectée et écoutée. Elle se tient prudente à distance, à la fois, des positions extrêmes, de l'activisme et de l'instrumentalisation de la cause arabe par certains. Elle peut contribuer de manière pragmatique, de par son expérience, au rapprochement des positions, car attachée aux principes et en même temps soucieuse de résultats et de progrès pour consolider l'action arabe commune. Les différents émissaires arabes qui se rendent à Alger et l'attention portée à notre pays en sont les signes. La crise du monde arabe est profonde. La sagesse et la vision prospective s'imposent pour tenter de faire face aux agressions multiples et à l'acharnement que le monde arabe subit, de la part de puissances qui, profitant de ses faiblesses et ses contradictions internes, le ciblent de manière outrancière, sans doute, de par ses richesses énergétiques et ses valeurs si méconnues et encore vivantes qui font figure de contre-modèle occidental. A la croisée des chemins? Sans doute. Mais la nature de la plupart des régimes en place ne présage pas de perspectives historiques. Cependant, il n y a pas d'alternative à l'action arabe commune et à la Ligue des Etats arabes.