Le grand projet d'Orascom d'investir dans l'hôtellerie risque d'être détourné soit vers le Maroc, soit vers la Tunisie. Alors que l'affaire opposant Djezzy à l'Autorité de régulation de la poste et des télécommunications (Arpt) ne semble pas connaître son dénouement, voilà que l'un des opérateurs étrangers en Algérie, Lacom, dans lequel Orascom est actionnaire, vient d'exprimer son courroux en retirant 20 millions de dollars. Ce coup de semonce permet d'exprimer des inquiétudes quant aux investissements que veut réaliser le groupe Orascom dans divers secteurs en Algérie. Ainsi, les injonctions de l'Arpt ont amené un responsable financier d'Egypte Télécom (ET) à annoncer, jeudi, sur la chaîne de télévision, Al Jazeera, que le groupe a l'intention de réviser à la baisse le montant de ses investissements en Algérie. Dans ce contexte, il souligne qu'ET va réduire à 40 millions de dollars l'enveloppe injectée dans le marché algérien, au lieu des 62 millions prévus préalablement. Ce recul est dû aux «obstacles» rencontrés sur le terrain. Le consortium constitué par Orascom et Egypte Télécom, les deux principaux actionnaires du nouvel opérateur de téléphonie fixe en Algérie, Lacom, n'a pas pour autant divulgué la nature des problèmes rencontrés sur le terrain. Notons que ce n'est pas la première fois que ce groupe affiche publiquement son mécontentement. L'on est aujourd'hui loin des 300 millions de dollars d'investissement prévus initialement. Paradoxalement, du côté des officiels algériens, l'on continue à nier le problème. En effet, les autorités n'ont rien fait jusqu'à présent pour encourager Lacom à investir en Algérie même si le ministre de la Poste et des Technologies de l'information, M.Haïchour, a soutenu, récemment qu'«il n'y a aucun problème avec l'opérateur de téléphonie fixe Lacom en Algérie, et tout ce qui se dit, dans ce sens, n'est que pure affabulation». Il a même déclaré que les deux parties entretiennent des relations amicales. «Je peux vous assurer que je n'ai pas été interpellé par cette entreprise sur une quelconque décision de retrait du marché algérien», a dit, pour sa part, le premier responsable de l'Arpt. Tout en assurant que les parties concernées vont travailler ensemble pour trouver des solutions aux problèmes qui pourraient survenir. Pourtant, l'Arpt a clairement ordonné au premier opérateur de téléphonie en Algérie, Djezzy, (plus de dix millions d'abonnés) de maintenir les prix initiaux après qu'OTA ait proposé, en date du 4 février 2007, de baisser ses tarifs. Ainsi, cas de figure unique, l'institution de régulation chargée par l'Etat, au lieu de veiller dans la transparence, à une saine concurrence entre les opérateurs au bénéfice exclusif des consommateurs, est intervenu, au contraire, pour priver les usagers d'un tel bénéfice. Aussi, la dernière injonction de l'Arpt reflète la volonté de revenir en arrière. Il y a là manifestement un délit d'initié, qui s'accompagne d'un déni de justice, aux dépens d'OTA. Bien évidemment, l'opérateur Orascom Télécom Algérie se sent lésé dans cette opération. Les clients de la puce Allô OTA également. N'est-ce pas grâce à Djezzy que la téléphonie mobile s'est généralisée et démocratisée en Algérie? En adressant à Orascom Télécom Algérie une directive lui ordonnant d'augmenter ses prix, l'Arpt a, ou bien outrepassé ses prérogatives, ou bien mal interprété sa mission. Dans les deux cas, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, et OTA avait bien raison de s'indigner. C'est le moins qu'on puisse dire. Or, ce n'est pas la première fois que l'Arpt vient s'immiscer dans la gestion de Djezzy, et donc l'on peut se demander ce qui se cache derrière ce parti pris flagrant. La première conséquence de ces injonctions se fait d'ores et déjà annoncer par le retrait par Lacom de 20 millions de dollars du montant qu'il devait initialement investir en Algérie. Ce n'est là qu'un avertissement. Et la suite risque d'être plus conséquente. En effet, après avoir conquis les télécommunications, l'Egyptien Naguib Sawaris, patron d'Orascom, a clairement exprimé ses objectifs d'investissement, il y a une année, en Algérie. Il était prêt, avait-il souligné, à investir dans la promotion hôtelière. Il dispose aux bords de la mer Rouge en Egypte une grande station balnéaire, appelée, El-Gouna, qui attire chaque année des milliers de richissimes touristes. Cependant, au vu des derniers soubresauts, son projet d'investir dans l'hôtellerie risque d'être détourné soit vers le Maroc, soit vers la Tunisie apprend-on si les difficultés de Djezzy que lui crée l'Arpt persistent. Et dire que le groupe Orascom s'est investi corps et âme en Algérie par la réalisation d'une cimenterie à M'sila (ACC), contribuant grandement à réduire la pression sur ce matériau de construction stratégique. De pays importateur, l'Algérie a programmé l'exportation de 700.000 tonnes pour une valeur d'environ 40 millions de dollars. Le groupe a un autre projet de production de ciment blanc dans la wilaya de Mascara à l'ouest du pays. Il compte exporter pour une valeur de 50 millions de dollars/an en ciment blanc, 40 millions de dollars en ciment ordinaire et jusqu'à 60 millions de dollars en ciment gris. Et tout dernièrement, le groupe a passé un accord d'association avec la compagnie nationale des hydrocarbures Sonatrach, pour la réalisation et l'exploitation d'une usine d'ammoniac et des engrais chimiques à Arzew. Ce qui démontre l'importance du groupe Orascom, tout en soulignant les difficultés auxquelles il fait face actuellement, sans raison, sauf à considérer que l'un des investisseurs arabes qui a répondu à l'appel du président Bouteflika de venir investir en Algérie, se voit mettre des bâtons dans les roues, en contradiction avec les lois en vigueur et l'esprit de compétitivité qui doit caractériser le climat des affaires en Algérie. Ce qui laisse craindre une fuite des investisseurs arabes en Algérie alors que le chef de l'Etat, lors du Sommet arabe des investisseurs, n'a cessé d'inviter les opérateurs économiques à venir investir en Algérie. Apparemment, entre la théorie et la pratique, il y a plein d'embûches.