Il y a une «compromission» d'un certain nombre de théologiens «autoproclamés ou proclamés par leurs ouailles qui souffrent d'une absence de légitimité». Aucun texte religieux ne justifie l'acte suicidaire, et encore moins de tuer les membres de sa propre communauté. C'est ce qu'a déclaré, hier, l'islamologue Malek Chebel, s'exprimant au sujet des attentats kamikazes ayant endeuillé, il y a une semaine, Alger. Connu par ses analyses pertinentes sur l'Islam, Malek Chebel, dans un entretien à la Radio algérienne, estime qu' «il n'y a aucune raison qui justifie le suicide dans la mesure où la vie d'un être humain est supérieure à toutes les autres valeurs». Cette intervention, faut-il le rappeler, intervient après celle du mufti d'El Azhar qui a, vivement condamné les attentats d'Alger de mercredi dernier. «Le suicide, l'acte kamikaze n'a aucune évaluation ou correspondance spirituelle», laissa entendre Malek Chebel. Ce dernier ira encore plus loin. Il considère, sur sa lancée, que la guerre sainte «était une manoeuvre tout simplement, une usurpation». Ainsi, l'islamologue a, par conséquent, fait une fetwa pour que «la notion même de guerre sainte ne soit plus utilisée». Et qu «aucune guerre ne peut être sainte». Plus explicite que jamais, Malek Chebel ajoute, «toutes les guerres sont légitimes si elles sont des guerres de résistance». Cela dit, l'interviewé de la Radio nationale estime qu'il y a une sorte d'aplatissement dans la mesure où une guerre initiée par une autorité religieuse musulmane est considérée par des combattants de l'Islam, parfois des soldats perdus comme une guerre lancée au nom de Dieu. A ce propos, Malek Chebel a appelé à faire le distinguo entre «l'autorité religieuse qui préconise le bien et qui milite pour l'affirmation d'un Islam des lumières, un Islam positif, sain et serein et une autorité religieuse dévoyée». Il y a quelques semaines, peu avant les attentats d'Alger, Yusuf El Qardaoui, le Cheikh d'El Azhar, avait soutenu, même tardivement, le projet de «réconciliation nationale». Viendra ensuite, comme pour se refaire une virginité après son silence durant les années de sang et de feu, sa condamnation des attentats kamikazes d'Alger. Pour Malek Chebel, il existe bel et bien un usage dévoyé de la notion de sainteté et de la notion de guerre. L'islamologue a appelé, dans la foulée, à la mobilisation, à la fois, des autorités, des musulmans, des représentants de l'Islam, des imams, et des théologiens pour «s'établir une ligne de conduite et montrer quelle est la ligne rouge qu'il ne faut pas dépasser pour que la guerre garde son sens sans qu'elle soit la tombe des musulmans». Malek Chebel brise un autre tabou, celui d'une «compromission» d'un certain nombre de théologiens «autoproclamés ou proclamés par leurs ouailles qui souffrent d'une absence de légitimité». Malek Chebel dénonce, par ailleurs, l'utilisation de la religion à des fins politiques. «L'usage politique de la religion est aujourd'hui, désuet hors champ, qui n'a pas lieu d'être». Et dire que des mosquées constituent toujours, dans certains Etats, une tribune d'expression politique.