Il est dans la nature des choses, à plus d'un titre, que le FLN s'intéresse aujourd'hui à la question des droits de l'Homme. Ce concept, aux contours séducteurs pour la grande majorité des profanes, exerce sur l'opinion publique des sentiments mitigés alors que pour certaines formations politiques, il constitue l'épée de Damoclès brandie au dessus de la tête d'un Etat délétère. En politique, l'amalgame et la manipulation semblent permis faute d'argumentation dans le débat démocratique plus ou moins clos ou plus ou moins largement ouvert, la préoccupation essentielle étant de s'assurer et de sauvegarder son existence sur le champ politique. En face, une frilosité patente de l'Etat sur la question des droits de l'Homme et du citoyen, traitée par la Constitution de 1996 dans le chapitre IV dans pas moins de 31 articles, mais qu'il ne peut garantir, eu égard à une situation politique exacerbée par l'obligation sécuritaire imposant des limites qui ne peuvent, en aucun cas, autoriser une notion libertaire des droits de l'Homme. Rappelons que l'Algérie, malgré ses lourds handicaps, a adhéré pleinement, au seuil de son indépendance, à la Déclaration universelle de droits de l'homme et du citoyen en lui accordant depuis la Constitution de 1963, faut-il le souligner, «la forme de reconnaissance la plus solennelle». De ce fait, il est tout naturel qu'à la veille d'élections importantes engageant l'avenir du pays durant 5 années, le programme du FLN aborde ce sujet, en toute quiétude et sans aucun complexe. Il importe avant tout que l'ensemble des militants puisse prendre connaissance et acte de leur Parti sur la question des droits de l'Homme. Depuis l'indépendance, le FLN s'est attaché à la défense des droits des peuples, principalement leurs droits à l'autodétermination et à l'indépendance, leurs droits au libre choix du développement économique et social. Ces acquis premiers furent suivis du droit à la santé, à l'éducation, au logement, au travail ; bref une politique sociale à la mesure des ambitions du Parti-Etat qui se voulait être, à juste titre, la représentation des aspirations légitimes du peuple à une vie décente en rupture radicale avec le système colonial. Ce concept des droits des peuples à disposer d'eux-mêmes, reconnu universellement comme un acquis dans le domaine de la libération de l'homme grâce aux luttes héroïques des mouvements de libération nationale, était en réalité un passage obligé pour la réalisation graduelle d'objectifs beaucoup plus vastes visant à une démocratisation progressive des relations politiques et économiques dans le pays. Ce processus interne, qui prenait en compte les réalités socioculturelles des Etats-nations fut stoppé depuis le début des années 90, période durant laquelle s'établit un nouvel ordre international dans un contexte de mondialisation, sous-tendu par de nouvelles règles de gouvernance basées principalement sur l'instauration d'Etats de droit avec pour corollaire premier la démocratie et le respect des droits de l'Homme. En Algérie, la transition politique, qui s'est effectuée sous la houlette d'un régime de même essence que les précédents, a provoqué, au sein de la société, des séismes et des fractures du fait de la libéralisation brutale du système politique et économique appelé à s'intégrer dans un processus universel d'injonctions et de conditionnalités. Cette nouvelle situation peut être résumée et, reflétée globalement par deux déclarations, sur le fond complémentaires tout en demeurant conflictuelles sur la forme. D'une part, la conférence des chefs d'Etat de Maastricht du 2 au 4 juillet 1990 regroupant en plus 46 pays africains, a mis en avant l'application du principe d'une meilleure gouvernance «avec une participation plus active des populations, un contrôle amélioré de l'action des décideurs et l'avènement du règne du droit» (Jeune Afrique n°1541 du 11 juillet 1990) ; d'un autre côté, les chefs d'Etats africains réunis dans le cadre du 26e sommet de l'OUA (Addis-Abeba - 11 juillet 1990) ont, dans une déclaration commune, affirmé: «Nous réitérons notre engagement à démocratiser nos sociétés et à consolider les institutions démocratiques» avec cependant cette nuance «en toute souveraineté sur la base des valeurs socioculturelles et en tenant compte des réalités de chaque pays.» Dans notre pays, sous l'effet d'un nouveau climat environnemental, le régime associé sciemment ou par réduction à la pensée idéologique du FLN s'est accommodé aisément des mutations profondes qui ont caractérisé la scène internationale depuis plus d'une dizaine d'années. Faute de maturité politique, la société civile et à un degré moindre les partis politiques ont, néanmoins, suivi le mouvement de reconversion, mais n'ont pas développé un esprit suffisamment critique pour aborder dans le fond des questions aussi sensibles que l'attachement à la démocratie et à la défense des droits de l'Homme, notamment. Au sein du FLN en revanche, ce n'est pas par pur hasard qu'il s'y est développée la notion de participation élargie à la réflexion sous forme d'autosaisine. La question des Droits de l'Homme est l'un des sujets les plus controversés car l'aborder équivaut à un grand effort de changement de mentalité qui pourrait remettre en cause la discipline militante face à une citoyenneté naissante. Si des progrès notables ont été accomplis par l'Etat dans la prise en charge de la question des droits de l'Homme, principalement à travers la réforme du système judiciaire, il demeure que beaucoup reste à faire pour réconcilier les gouvernants et les gouvernés. Le FLN new-look saura-t-il faire l'impasse sur des querelles de clocher pour aborder dans le fond cette question des droits de l'Homme qui empoisonne le quotidien de la Nation? La tragédie nationale qu'a connue le pays devra susciter, au sein du parti, de nouvelles pistes de réflexion à consolider sainement la politique de concorde nationale à travers laquelle seront posés les jalons et instruments nécessaires à un développement civilisationnel. Toute formation politique aspirant à accéder au pouvoir passe par l'acceptation et le respect des valeurs universelles au bénéfice d'une société nouvelle en pleine mutation et à la recherche de libertés citoyennes. Ainsi, seront combattues toutes les formes contemporaines de violence par l'émergence d'une culture nationale de la paix dans un Etat républicain de droit. Fort de son expérience, le FLN, qui aspire légitimement à reprendre démocratiquement les rênes du pouvoir, saura en toute indépendance, concilier l'incontournable question des droits de l'Homme dans toutes ses dimensions avec la défense du principe inaliénable de la souveraineté de l'Etat. Basée sur la solidarité et l'unité nationale, la question des droits de l'Homme, bien appréhendée, permettra alors au FLN le recouvrement d'un immense prestige passé.