"Dieu est un cercle dont le centre est partout et la circonférence nulle part..." Le vendredi 20 avril, le Vatican annonce que l´Eglise renonce après étude, aux "Limbes". Les Limbes: mot qui désigne l´espace mythique au-delà du bien et du mal, ce morceau de l´enfer éternel qui serait réservé aux enfants morts sans baptême, ni élus ni damnés. Mais ce qui était hier, pour les uns, un article de foi, pour les autres, une fable terrifiante, a été aboli, par le Vatican. Dans un document de sa commission théologique internationale, l´Eglise estime qu´il existe désormais "des bases sérieuses pour espérer que, lorsqu´ils meurent, les bébés non baptisés sont sauvés". Elle veut en finir "avec des métaphores qui ne rendent plus adéquat le message d´espérance de la religion chrétienne"....Si l´on admet que seuls les hommes baptisés sont sauvés et que tous les autres sont damnés, quel est le sort des enfants morts sans baptême? Elle avait été tranchée au IVe siècle par saint Augustin: ces enfants innocents, mais encore "souillés" par le péché originel, sont accueillis dans ce lieu intermédiaire entre l´enfer et le paradis, appelé "limbes".(1) Augustin était convaincu que l´humanité pécheresse depuis la faute d´Adam et Eve, ne pouvait être rachetée que par la seule "grâce" de Dieu, donnée par la foi et le baptême...L´agnostique Albert Camus, né comme Augustin sur la terre algérienne, disait qu´il ne pardonnerait jamais à l´auteur des Confessions d´être le "père" du péché originel, de la culpabilité des innocents et de la "damnation des enfants morts sans baptême". Le pape Innocent III et le concile de Lyon optèrent, à nouveau, pour l´enfer! Finalement, le concile de Florence et une bulle de Pie VI revinrent aux limbes. Après le célèbre concile Vatican II, Le Vatican publia l´article "Instruction sur le baptême des petits enfants", qui déclarait: "L´Eglise (...) ne connaît pas d´autre moyen que le baptême pour assurer aux petits enfants l´entrée dans la béatitude éternelle." Que faire d´un si lourd héritage défendu, du Moyen Age jusqu´au XXe siècle, par une Eglise manipulatrice, trop contente de faire peser la menace des limbes pour inciter les parents à faire baptiser au plus vite leurs enfants? Qu´en est-il dans les autres religions? Le baptême n´a pas toujours existé même si l´on en trouve un modèle dans celui de Jésus par Jean-Baptiste. Le problème s´est posé au cours des siècles qui ont suivi la mort et la résurrection du Christ. Les tout premiers chrétiens vivent dans la certitude que le royaume des cieux viendra très rapidement à l´échelle de leur génération! Quant au purgatoire, il n´est pas à confondre avec les limbes. Le purgatoire, un processus de purification de l´âme après la mort, qui suit le jugement particulier: l´étape précédant le paradis pour les baptisés méritants! "Pourtant, comme l´écrit Paul Villach, il y a encore soixante ans, à ce seul mot, l´âme des jeunes mères et pères frissonnait au tréfonds d´elle-même:" les limbes" étaient ce "no man´s land" sinistre et ténébreux à l´écart des trois espaces de l´au-delà -enfer, purgatoire et paradis- auxquels étaient promis, pour l´éternité, leurs nouveau-nés s´il advenait qu´ils mourussent sans avoir été préalablement baptisés. On ne pouvait trouver meilleur marketing de la peur pour accroître le nombre des fidèles en leur inculquant un sentiment profond de culpabilité. Les religions ne résistent donc pas, elles non plus, aux avancées de la recherche scientifique: après avoir reconnu partiellement sa faute de 1633 envers Galilée, en octobre 1992, voici que la découverte de "bases sérieuses" renvoient les limbes au "cerveau limbique" primitif qui les avaient enfantées et dont elles n´auraient jamais dû sortir".(2). Sous le titre Benoît XVI frappé de limbalgie Le Canard enchaîné écrit à ce propos: "...Benoît XVI a effacé, en catimini un fleuron de la théologie catholique: Les limbes. Dix sept siècles rayés d´un trait de plume, un superconcept peaufiné par saint Augustin jeté à la déchetterie! Ils n´ont, pourtant pas, démérités ces limbes. Entre enfer et paradis, ils étaient chargés d´accueillir des âmes sans domicile fixe, enfants morts sans baptême et adultes moralement irréprochables mais nés trop tôt avant la naissance de Jésus et l´institution du baptême...Dorénavant les enfants morts sans baptême ont droit, comme les autres, au paradis, sans que Saint Pierre exige leur titre de séjour...Sa Sainteté et son staff ont-ils bien mesuré les risques d´un paradis à deux vitesses, nés avant ou après la révolution limbique du 20 avril 2007? Si cette nouvelle loi est rétroactive, alors des milliards d´âmes parquées depuis saint Augustin dans ce centre de rétention vont profiter de cette promotion de printemps et affluer aux portes du paradis. On imagine la cohue sans compter le désarroi de l´Eglise militante, de tous ces fidèles qui découvrent, aujourd´hui, que les limbes étaient, somme toute, "une simple hypothèse théologique", ainsi que l´a dit Benoît XVI. Circulez, y a plus rien à croire! "(3) Plus sérieusement, les catholiques, dans leur ensemble, sont plutôt déconcertés et n´entrent pas trop dans les détails..."Beaucoup pensent que" si toutes les religions étaient capables de se remettre en question comme ça, le monde s´en porterait mieux. "L´église a fait volte-face en examinant son article de foi au travers des vérités révélées dans la Bible. Il ne lui reste plus qu´à faire la même chose pour "l´immortalité de l´âme", "l´enfer", "le purgatoire", "l´immaculée conception", Au rythme où vont les choses, il lui faudra encore quelques milliers d´années pour parvenir à une connaissance exacte de Dieu! "(4). Selon la Bible, rien ne survit à la mort de l´homme. Donc, pas plus que les limbes, l´enfer, le purgatoire, ou le paradis au ciel ne sont justifiés! Pour les musulmans, l´Eglise a falsifié les enseignements de la Bible, pas la Bible elle-même! L´Eglise a accepté comme des vérités divines des enseignements d´origines païennes (immortalité de l´âme, enfer, limbes etc...). L´Islam insiste sur l´absence de contrainte quant à la conversion: aucune contrainte ne doit être exercée sur qui que ce soit pour se convertir à l´Islam. Et à ma connaissance, même si je n´ai pas la référence, ceci est clairement inscrit dans le Coran. Donc pas de conversion par la force ou la contrainte: la conversion est un acte libre et choisi. (Donc pas de ´baptême forcé´ comme le pratiquent les catholiques). Pour se convertir à l´Islam, il suffit finalement de croire en un Dieu unique, et en Muhammad son dernier messager sur Terre. Ensuite, découle de ces deux idées un dogme plus précis (cela va de soit) Il existe tout de même un léger ´rite de passage´. Il suffit de prononcer, devant témoins si possible, la phrase suivante: "Je témoigne que Dieu est la seule divinité et que Muhammad est le messager de Dieu". Au sujet de la mort et de ce qu´il advient de l´âme: Les musulmans croient en la séparation de l´homme en une âme immatérielle et un corps, et que l´âme se détache du corps à la mort de celui-ci, Ensuite, il y a un processus de jugement pour déterminer ce qu´il adviendra de l´âme. L´Islam confère donc, une très grande importance à l´éducation de l´enfant. Cependant, un nouveau-né n´a, par définition, pas encore été éduqué, et il n´a pas encore pu, non plus choisir librement d´être musulman ou pas. Voici donc ce que dit l´Islam à leur propos: "Tout nouveau-né vient au monde avec la prédisposition de l´Islam. Ce sont ses deux parents, qui par la suite, le font devenir juif, chrétien ou mazdéen". Personnellement, j´ai envie de déduire de ce texte que l´Islam considère le nouveau-né comme innocent...et donc que s´il meurt, il sera ´sauvé´ par Dieu. L´humanité toujours à la recherche désespérée d´un bonheur illusoire..(5). L´interrogation à propos de "limbus puerorum" date de l´aube du christianisme: Qu´en est-il, par ailleurs, de la nature de la conscience et des "âmes"? Douglas Hostadter, auteur du livre culte Gödel, Escher Bach, les brins d´une guirlande éternelle, répond dans son dernier ouvrage: I am a strange loop (Je suis une boucle étrange). L´ex-physicien entremêle création artistique, mathématiques et informatique, génétique autour de la question de conscience et de la vie. La question centrale est, quelle est l´origine du moi? De ma propre conscience de monde? Et quelle est la fonction profonde de cette capacité? D.H. montre que cette émergence de la capacité des êtres pensants, à avoir une idée d´eux et des autres, est à la base, un produit des contraintes et des forces qui s´exercent sur le cerveau et nos constructions du réel. Il y distingue comme conséquence une escalade, une boucle répétitive et ascensionnelle, un peu comme l´image que vous voyez dans deux miroirs se réfléchissant et se multipliant à l´infini. C´est cette illusion profonde, la principale question qui demeure, à ses yeux, est celle-ci: L´âme est-elle indépendante de son support? En d´autres termes, la conscience de soi meurt-elle quand s´éteint le cerveau, l´amas de neurones qui en fut le support? l´auteur pense que non. Il estime que l´on survit, ne serait-ce que dans l´esprit des autres, sous forme de trace émotionnelle plus ou moins intense, partielle. Mais il n´exclut pas non plus que cette âme-conscience élaborée par un individu, au fil de sa vie, prenne une forme d´existence autonome après la disparition de son "support" biologique. D.H. ne parle ni d´Enfer ni de Paradis. Il ne cite pas non plus Dante. Le support de ces âmes -là, le limbe de nos consciences reste peut-être, à inventer. Les machines? Des cerveaux immortels pourraient-ils en devenir la matière après notre passage ici-bas?" (6). Il est très intéressant de lire les textes apocryphes, notamment celui de Nicodème, qui parle de la descente de Jésus aux enfers. Il est intéressant de noter, par ailleurs, que lorsque Jésus remonte avec eux au paradis, il y a déjà une personne là-bas: le bon larron! Le premier hôte du paradis est donc un voleur ou un assassin repenti...Les juifs, les mahométans et les chrétiens ariens, nestoriens et les Jacobites du Malabar (intégrés dans l´Eglise catholique à la fin du XXe siècle) croient que Jésus est un prophète, mais pas le fils de Dieu, contrairement à ce que croient les Luthériens et catholiques. A propos de l´âme (prisonnière du corps): il s´agit d´un concept entièrement mis en forme par Platon pour justifier l´existence de sa "République", concept repris ensuite par des juifs hellénophones et développé par les pères de l´Eglise, de Paul de Tarse à Sainte Thérèse d´Avila. Pour les cabbalistes, il y aurait trois âmes: Nephesh, Rouah et Neshama, dont les attributions correspondent en gros à celle de la Sainte Trinité des Chrétiens. Il était très difficile, dans ces conditions, de définir quelle partie de l´âme allait dans les limbes, définis par Le Canard enchaîné comme une espèce de camp de rétention. Il est tout autant difficile de définir laquelle survit au corps et comment. Malgré les expériences du docteur Moody, aucun scientifique n´est en mesure d´en donner une idée. Il s´agit seulement d´une question de Foi. Le pape Benoît XVI ne cesse de nous étonner dans un sens comme dans l´autre. On se souvient de son discours de Ratisbonne, en septembre 2006. Cependant, contrairement à Jean-Paul VI qui avait une méthode d´approche "soft", Benoît XVI surnommé le "panzer cardinal" est plus déterminé. Ainsi le 25 mars, le jour du cinquantième anniversaire du Traité de Rome. Il dénonce l´apostasie"de l´Europe. Certes, il est dans son rôle quand il cherche à reformuler la foi chrétienne dans un continent en panne de "valeurs". Mais, ce faisant, Benoît XVI flatte les tendances les plus conservatrices de son Eglise et renoue avec l´"intransigeantisme" romain du XIXe siècle".(7). Devoir d'inventaire Cette nouvelle, passée pratiquement inaperçue, est un coup d´éclair dans un ciel serein. Car l´Eglise de Benoît XVI décide de faire son "aggiornamento", son ouverture, en s´attaquant aux dogmes. A quand la lumière sur les évangiles apocryphes, notamment le dernier évangile trouvé récemment: l´Evangile de Judas qui, curieusement, n´avait fait l´objet d´aucune exégèse au vu de l´importance de son auteur et de son implication dans la mort de Jésus. Chaque religion devrait faire son inventaire pour ne laisser que le message originel non métissé par les hommes au vu des contraintes temporelles du moment. En définitive, il est plus que jamais pour les religions de proposer une alternative crédible à la science. Les sphères doivent être, cependant, bien séparées, la science s´occupant du pourquoi et la religion du comment. Cependant les "miracles" ou réputés tels par les religions sont, en fait, appréhendés par la science-comme une rupture de l´ordre normal des choses, voire de la symétrie- commencent à être mis en équation, voire à sortir à la chaîne des laboratoires. Que reste-t-il alors aux religions qui doivent, au lieu de s´anathématiser, proposer une alternative crédible à la matérialisation de la destinée humaine. Plus que jamais, nous devons inventer un nouveau dialogue fait de désarmement et d´altérité. Pour être une alternative crédible, les religions doivent combattre les dogmes qui ne reposent pas sur le sacré, loin s´en faut. A titre d´exemple, le purgatoire est une création au IVe siècle par l´Eglise. Il nous faut débarrasser les messages spirituels de la gangue accumulée au cours des siècles, par les hommes naturellement sujets à l´erreur. C´est peut-être là, une alternative à l´errance identitaire et religieuse actuelle. 1.L´Eglise renonce aux "limbes" pour les enfants morts sans baptême. Le Monde du 23.04.2007. 2.Paul Villach Url TrackBack :http://www.agoravox.fr/tb_receive.php3?id_ article=23125 3.F.P. Benoît XVI frappé de "limbalgie" Le Canard enchaîné.p.8. Mercredi 25 avril 2007 4.Source: Journal Le Monde, http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@... 5.Le Journal de Montréal, samedi 21 Avril 2007 " 6.Patrice Lanoy, lundi 30 avril 2007, Url Trackback: http://www.agoravox.fr/tb_receive.php3?id_article=23391 7.L´Eglise à reculons, article paru dans l´édition du Monde du 08.04.07