Le plan du médiateur de l'ONU pour la province serbe partage le Conseil de sécurité alors que Moscou menace d'user de son veto. Partisans de l'indépendance de la province serbe du Kosovo, les Occidentaux (Union européenne et Etats-Unis) ont déposé vendredi au Conseil de sécurité, un projet de résolution «approuvant» le Plan Ahtisaari, -du nom de l'ancien président finlandais, Martti Ahtisaari, nommé médiateur pour le Kosovo par l'ancien secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan- visant à octroyer l'indépendance «surveillée» à la province kosovare. Cependant, la Serbie, pour des raisons évidentes, et la Russie s'opposent fermement au plan Ahtisaari. Le texte occidental «approuve» les recommandations du médiateur de l'ONU et réaffirme «l'engagement du Conseil en faveur d'un Kosovo multiethnique et démocratique, ce qui devra renforcer la stabilité régionale». Le projet en discussion approuve également la proposition de nomination d'un représentant civil international -en même temps représentant de l'UE- pour contrôler l'application du nouveau statut du Kosovo, si celui-ci est entériné par le Conseil de sécurité. La solution de l'indépendance de la province kosovare rejetée par la Serbie et la Russie est, en revanche, approuvée par les Etats-Unis et l'Union européenne qui mettent tout en oeuvre pour arriver à ces fins par l'adoption du plan Ahtisaari. «L'indépendance est la seule option pour assurer la stabilité politique et la viabilité économique du Kosovo», affirme M.Ahtisaari dans son rapport final publié en avril dernier à l'ONU et transmis au Conseil de sécurité. Les discussions sur ce plan ont été entamées au début de ce mois et un résultat est attendu à la fin de mai ou au début de juin prochain. L'ex-président finlandais propose que l'indépendance s'exerce «dans un premier temps sous la supervision et avec l'appui d'une présence civile et militaire internationale». La présence militaire internationale sera assurée par une mission conduite par l'Otan, en fait, une prolongation du mandat de la Kfor, pour le Kosovo où elle opère depuis 1998 après la prise en charge de la province contestée par les Nations unies. Cette supervision, souligne par ailleurs M.Ahtisaari, sera «dotée de pouvoirs importants mais précisément ciblés dans des domaines clés tels que les droits des communautés, la décentralisation, la protection de l'Eglise orthodoxe serbe et l'Etat de droit». Elle ne prendra fin, indique le médiateur onusien, que lorsque le Kosovo aura «mis en oeuvre les mesures prévues dans la proposition de Règlement». Cependant, le plan Ahtisaari rencontre des oppositions -outre de la Serbie et de la Russie- de la part également de membres du Conseil de sécurité qui ne semblent pas avoir été convaincus par les attendus du médiateur de l'ONU. Mais c'est surtout l'opposition de front entre Américains et Russes, tous deux détenteurs de droit de veto -que Moscou menace d'en faire usage au cas où le plan est approuvé- qui divise le Conseil et rend délicate la question du Kosovo. De fait, face à la menace du veto russe agitée par Moscou, Washington a, de son côté, menacé de reconnaître l'indépendance du Kosovo dans un tel cas de figure (veto), comme l'a indiqué Richard Halbrooke lors du Brussels Forum organisé par le German Marshall Fund of the United States (M.Halbrooke est un des artisans de l'accord de Dayton qui mit fin à la guerre en Bosnie en 1993) qui a déclaré: «Si la Russie décide de mettre son veto, il y aura une déclaration d'indépendance du Kosovo et les Etats-Unis reconnaîtront le Kosovo le jour même.» Le Conseil de sécurité qui a commencé les débats sur ce dossier au début de ce mois, a entendu, outre le médiateur, Martti Ahtisaari, qui a défendu ses propositions, le Premier ministre serbe, Vojislav Kostunica, lequel est résolument opposé à l'indépendance du Kosovo, et le président de la province kosovare, Fatmir Sejdiu, favorable, en revanche, à l'indépendance. Face à cet imbroglio, le Conseil de sécurité a dépêché le 24 avril une mission à Belgrade et au Kosovo pour s'informer avant de se prononcer sur un plan d'indépendance surveillée pour la province serbe, rejetée par la Serbie, soutenue par la Russie, mais approuvée, d'une manière générale, par l'Occident. Cette mission dans les Balkans a été suscitée par les diplomates des Etats membres non européens du Conseil qui souhaitent pouvoir se forger «une opinion informée» sur la délicate question du statut du Kosovo, a déclaré lors d'une conférence de presse la semaine dernière, l'ambassadeur de Belgique à l'ONU, qui dirigera la délégation des quinze membres du Conseil. Le problème touche en fait à deux principes cardinaux des Nations unies: le respect de l'intégrité territoriale des Etats d'un côté, le droit à l'autodétermination des peuples de l'autre. Selon ses termes de référence, le but de cette mission est notamment «d'obtenir directement des informations sur les progrès effectués au Kosovo depuis l'adoption de la résolution 1244, y compris sur la mise en oeuvre des critères» de démocratie dans la province. Face à la situation créée par le statut futur du Kosovo, le Premier ministre serbe, Vojislav Kostunica, a émis une nouvelle idée consistant dans l'octroi «d'une autonomie surveillée» à la province indiquant: «Nous avons proposé une autonomie surveillée au lieu d'une indépendance surveillée, car cela ouvre la possibilité de laisser ouvert le processus (sur le statut du Kosovo) et de le modifier à l'avenir.» Mais il ne fait pas de doute que les débats autour du Kosovo, lors des jours à venir, seront longs et acharnés et pourraient donner lieu à des surprises.