La Russie est mécontente de la position de neutralité prise par M. Ban sur ce dossier. Plus de commentaires que de réactions officielles ont accompagné la proclamation dimanche de l'indépendance du Kosovo, ancienne province serbe, si l'on excepte celle tout à fait normale de la Serbie qui refuse d'être amputée d'une partie de son territoire, refusant en cela toute forme de marchandage ou de compensation comme le lui a suggéré l'UE (Union européenne), ou celle de la Russie qui avait dès le départ, refusé une telle perspective estimant qu'il n'y a pas eu de dialogue, et qu'en tout état de cause, l'ONU était le garant de l'intégrité territoriale de la Serbie au regard des clauses de la résolution 1244 adoptée en juin 1999, à la fin de la guerre entre les troupes serbes et la guérilla indépendantiste kosovare albanaise, et qui accorde au Kosovo une autonomie substantielle sous souveraineté serbe et en mandatant la Minuk d'administrer le territoire avec l'aide de l'Otan. Elle ne se prononce pas sur le statut futur du Kosovo. Ce qui explique la décision de la Russie de demander au secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, de « définir clairement sa position » après la déclaration d'indépendance du Kosovo. C'est ce qu'a annoncé hier un responsable du ministère des Affaires étrangères russe. Selon des sources diplomatiques, la Russie est mécontente de la position de neutralité prise par M. Ban sur le dossier du Kosovo. C'est loin d'être un débat de procédure, mais d'un problème de fond après que le Conseil de sécurité de l'ONU ait de nouveau constaté, dimanche, son désaccord sur le Kosovo, entre les pays occidentaux qui acceptent la proclamation d'indépendance et la Russie qui s'y oppose et voulait que l'ONU la rejette. « Les différences d'opinion que nous connaissions déjà sont restées fondamentalement les mêmes », a déclaré à la presse l'ambassadeur du Panama, Ricardo Alberto Arias, président du Conseil de l'ONU pour février, à l'issue d'une réunion d'urgence convoquée à la demande de la Russie. M. Arias faisait référence à une précédente réunion du Conseil en décembre, lorsque après quatre mois de négociations infructueuses entre Serbes et Kosovars albanais sur le statut futur du Kosovo, il avait constaté sa division. Les Occidentaux avaient alors décidé de remettre le dossier à l'UE et à l'Otan. « Aucun pays n'a soutenu la demande de la Russie d'annuler la proclamation d'indépendance du Kosovo », a déclaré l'ambassadeur de Grande-Bretagne, John Sawers. Son homologue russe, Vitaly Tchourkine, avait indiqué, avant ces consultations à huis clos, son intention de demander que l'ONU déclare « nul et non avenu » la proclamation d'indépendance de la province serbe. L'ambassadeur de Belgique, Johan Verbeke, a lu une déclaration commune au nom de sept pays occidentaux (Allemagne, Belgique, Croatie, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie), dans laquelle ils réaffirment que « l'indépendance internationalement supervisée (du Kosovo) est la seule solution viable pour apporter stabilité et sécurité ». « C'est une solution « sui generis » répondant à un ensemble de circonstances uniques. « Elle n'établit aucun précédent plus large », ajoute la déclaration. « Les processus en cours sont pleinement en accord avec le droit international, y compris la résolution 1244 du Conseil de sécurité ». Celle-ci « fournit le cadre pour la transition vers un nouveau statut durable pour le Kosovo et continue de fonder l'autorité pour les présences militaires et civiles internationales nécessaires, pour aider le Kosovo dans cette nouvelle phase », mentionne encore le texte. La Serbie, farouchement opposée à l'indépendance de sa province, et son alliée la Russie affirment que la proclamation d'indépendance viole la résolution1244, ainsi que les principes de la Charte des Nations unies sur l'intégrité territoriale des Etats. Elles affirment aussi que la décision de Pristina créera un précédent, de nombreux groupes ethniques dans le monde pouvant être tentés d'imiter les Kosovars. Province du sud de la Serbie, le Kosovo est peuplé à 90% d'Albanais. Pour sa part, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a affirmé que la mission de l'ONU au Kosovo (Minuk) « continuera de considérer la 1244 comme le cadre légal de son mandat et continuera de remplir ce mandat. » Nul doute que ni Moscou ni Belgrade ne s'accommoderont d'une telle réponse, car les faits semblent se précipiter avec un autre processus, celui de la reconnaissance. A cet effet, le ministre slovène des Affaires étrangères Dimitrij Rupel, dont le pays préside l'Union européenne (UE), indiquait, hier, s'attendre à ce que « beaucoup d'Etats membres reconnaissent l'indépendance du Kosovo. » « La reconnaissance n'est pas de la compétence de l'Union en tant que telle, ce sont les Etats membres qui décideront, chacun selon ses opinions, selon ses convictions », a souligné le ministre slovène, à son arrivée à une réunion des ministres européens des Affaires étrangères à Bruxelles, où ils tenteront d'arriver à une position commune sur le Kosovo, malgré l'hostilité notoire de six pays membres à cette indépendance : Chypre, confrontée au séparatisme de Chypre Nord, l'Espagne à la souveraineté contestée au Pays basque et en Catalogne, mais aussi la Grèce, la Slovaquie, la Roumanie et la Bulgarie. En d'autres termes, la question de la reconnaissance ne se poserait pas si le risque de contagion n'était pas aussi évident.