Cette campagne aura été marquée par la faiblesse du marketing politique. Aucune innovation, aucune recherche pour aller à la rencontre des électeurs. La campagne électorale qui s'achève n'aura pas brillé par une confrontation entre les différents acteurs. Il n' y eut pas de débat d'idées. A peine quelques escarmouches entre MM.Belkhadem et Ouyahia. Vite étouffées dans le brouhaha ambiant. Les deux ténors de la majorité présidentielle, qui représentent, chacun à sa manière, un visage de l'Algérie, n'ont pourtant pas livré les contours précis de leur projet de société. La question qui se pose est la suivante: ont-ils au moins un projet de société, ou bien se contentent-ils de moduler leur discours en fonction de leur auditoire? On peut, néanmoins, distinguer quelques thèmes de prédilection: la réconciliation nationale, la révision de la Constitution, la levée de l'état d'urgence, le week-end universel, la réforme bancaire, l'ouverture audiovisuelle. Quant au relèvement du salaire national minimum garanti (Snmg), la polémique a resurgi un peu par effraction, le secrétaire général du FLN, essayant de l'instrumentaliser pour la mettre à son actif, son rival du RND, campant sur ses positions, pour dire que rien ne la justifiait. Le moins qu'on puisse dire est que les partis n'ont pas jugé utile de tirer et de distribuer leur programme. Des placards publiés dans la presse quotidienne, composés dans une police de caractères illisibles, ont raté leur cible, étant indéchiffrables, sans aucun attrait. Concernant la réconciliation, il y a lieu de dire que les attentats du 11 avril ont recentré le débat sur cette question. En visant directement le Palais du gouvernement, où se trouvent les bureaux du chef de l'Exécutif, l'un des chantres les plus convaincus de la réconciliation entre Algériens et du retour à la paix civile, les terroristes d'Al Qaîda Maghreb, ont envoyé un message fort. Leur volonté de destruction et leur soif de sang sont inextinguibles. Une telle surenchère dans la violence sanguinaire a même fait réagir des éléments de l'ex-FIS, qui ont condamné les attentats du 11 avril. Pour les petits partis, le moins que l'on puisse dire est qu'ils n'ont pas fait montre d'imagination pour sortir de l'anonymat, faisant assaut de démagogie et de populisme. Mais les électeurs ne sont pas dupes. Cela a amené certains commentateurs à se demander si l'Assemblée nationale est devenue une sinécure, une planque pour les derniers de la classe, à la recherche d'une indemnité parlementaire idoine. A l'autre bout de l'échiquier, l'Alliance démocratique (ANR-UDR-MDS) a essayé de se redéployer, en essayant de créer un pôle qui essaie de faire contrepoids à l'Alliance présidentielle. C'est-à-dire que ce que n'a jamais réussi à faire le RCD, dans ses beaux jours, MM.Benyounès, Malek et Hocine sont en train de le faire, avec un décalage dans le temps, mais ne vaut-il pas mieux tard que jamais? Dans le rôle de l'opposant, il y avait le PT, avec des recettes qui n'ont pas été renouvelées. En se situant nettement à gauche de l'échiquier, Mme Hanoune reste fidèle à son discours: défense des travailleurs, demande d'augmentation du Snmg, opposition farouche à toute privatisation. Elle reste même constante sur une autre ligne: celle de demander, une nouvelle fois, la tête de Chakib Khelil et de Hamid Temmar, ce que même, ni l'Ugta ni les syndicats indépendants ne réclament. L'autre cohérence de Mme Hanoune tient au fait qu'elle a mis des dizaines de femmes comme têtes de liste. Ce sera même son plus beau coup politique et médiatique. En revanche, là où Mme Hanoune pèche, c'est sûrement par la faiblesse de son programme écologique. Un tel parti aurait dû faire de ce thème l'un de ses chevaux de bataille favoris. Pour le reste, on peut dire que pendant très longtemps, Mme Hanoune a été incomprise d'une partie de l'intelligentsia, (ce qui veut dire que même l'intelligentsia peut avoir tort) à cause de sa proximité avec l'ex-FIS, et de sa position constante en faveur de la réconciliation nationale, alors même que c'est cette vision qui fait, non seulement sa spécificité, mais aussi révèle la pertinence de son analyse. On peut très bien ne pas partager les idées économiques de Mme Hanoune, qui sont très certainement dépassées, pour ne pas dire passéistes, mais sur l'analyse de la situation politique, sa défense de la démocratie et du pluralisme, son appréciation des causes exactes de la violence en Algérie, elle n'a certainement pas de leçons à recevoir, et l'avenir lui donnera très certainement raison. Le fait qu'en plus aujourd'hui elle mette en avant les femmes dans la compétition politique montre que son positionnement n'est pas dicté par des considérations opportunistes, alors même que son refus d'intégrer un gouvernement dont elle ne partage pas les idées, reflète son rejet de l'entrisme. Avec une telle personnalité politique, on ne peut que partager des valeurs et des principes. Cependant, il ne fait pas l'ombre d'un doute que pour l'ensemble des partis, cette campagne aura été marquée par la faiblesse du marketing politique. Aucune innovation, aucune recherche pour aller à la rencontre des électeurs, ni dans la forme ni dans le fond. D'où la désaffection des électeurs qui, dans la majorité des cas, ne se sentent pas concernés par ce qui se passe. C'est la politique qui en prend un coup.