L'élection présidentielle constitue un moment fort dans la vie d'une nation. En Algérie, le mandat à la magistrature suprême est quinquennal. Il revient tous les cinq ans, mais jamais avec le même engouement. Sans pour autant laisser totalement indifférente la population, ce rendez-vous électoral ressemble à un mauvais film qu'on a déjà vu et revu. Et on ne peut se nourrir que de navets ! On ne peut, en effet, sur la base d'un même scénario, un même décor, les mêmes acteurs et de surcroît les mêmes figurants, prétendre à une belle affiche ! Et les électeurs ne sont pas dupes ! Aujourd'hui, les Algériens ont un vaste aperçu de ce qui se fait dans le monde, en matière de campagne électorale et de démocratie populaire. Et la nôtre, pour sa version 2009, ne diffère en rien de ce qui se faisait il y a 30 ans. Cela manque d'attrait, de couleurs et de saveur. Faisant plus penser à un divorce, tant le fossé qui existe entre les candidats et le corps électoral semble profond… Il y a au moins une seule bonne raison à cela, du moins d'ordre pratique ; erreur de casting du personnel chargé de la communication électorale, susceptible de placer une passerelle entre les deux rives. On ne le dira jamais assez, mais la communication est l'affaire de professionnels ! On ne peut reconvertir un responsable, fusse-t-il super-compétent dans son domaine originel, en un responsable efficient, capable de diriger un staff de campagne. À chacun son métier et les lièvres seront bien gardés, dit, à peu près, un vieil adage ! Même dans les sociétés où la notion de communication est très bien ancrée dans les traditions de la population, lorsqu'il est question d'élections, notamment présidentielle, tout est fait pour s'entourer des meilleures compétences en la matière, faisant parfois même appel à des contributions extérieures. L'on peut citer l'exemple de l'élection présidentielle de 1996, en Russie. Un consultant politique américain a été sollicité pour la préparation de la campagne préélectorale de B. Eltsine. Il avait mis en avant le fait que malgré la nostalgie des temps soviétiques et que personne n'appréciait le Président, l'éventualité d'émeutes et d'une guerre des classes était encore plus crainte. “Choisissez Eltsine et au moins tout sera calme”. Drôle de coïncidence avec le thème adopté en 1999 par le staff des candidats à la présidentielle de l'époque ! Dix ans après, les choses n'ont pas beaucoup évolué. On a le sentiment que le temps s'est arrêté ! Pour l'édition 2009, les thématiques ont néanmoins changé. Le sujet, qui fait peur, n'est plus totalement lié à la sécurité, même si l'on en parle un peu quand même. Le véritable cauchemar, ennemi commun de tous les candidats, s'appelle abstention. Du coup, c'est devenu le thème central de toutes les stratégies de communication. Comment amener les potentiels électeurs à aller voter le 9 avril prochain ? Ça doit être pire que de jouer un match à huis clos ! Et l'on pense que pourtant tout est mis à contribution pour éviter qu'un tel scénario se déroule. Actions de proximité avec le porte-à-porte, envois de SMS, sensibilisation via les médias, etc. mais avions-nous seulement pensé que ce type de démarches est tout à fait éphémère, par conséquent non stimulant ? Alors que la véritable thérapeutique repose surtout sur une réelle politique sociale de tous les jours. Une personne pense politiquement comme elle est socialement ! Le premier modèle explicatif du comportement électoral, souvent qualifié de “sociologique”, est associé aux travaux pionniers de Paul Lazarsfeld et de son équipe, à l'université de Columbia. Il insiste sur la dimension non politique des choix politiques. L'électeur est avant tout un acteur social dont l'opinion se forme au contact de ses semblables, dans les conversations et les contacts au sein des divers groupes où il est inséré. En effet, la baguette magique qui consiste à effacer des ardoises, restituer enfin leur dû à des travailleurs laissés longtemps sans salaires, ou faire des promesses sans suite, ne participe certainement pas à éduquer un peuple dans le sens de ses droits et devoirs civiques. Bien au contraire, il ne sera que légitimement poussé à développer davantage son sens naturel, voire instinctif, fait de crainte et de ruse, ne privilégiant que le moment présent, à défaut de construire des rêves pour le futur. Comme quoi, une précampagne se construit sur le long terme, dès lors qu'on est placé aux commandes, l'on se doit de bâtir les conditions sociales et politiques à même de préparer la prochaine échéance, si telle est l'ambition clairement affichée. Cela relève du quotidien, d'où l'appellation devenue usuelle de “campagne permanente”. De plus, dans la mesure où la pratique du marketing politique est utilisée au moins par un parti, ou par un candidat, les autres se voient obligés de l'utiliser également, sans quoi leur potentiel électoral n'est pas optimisé. On ne laisse pas passer des mois, sinon des années, à réfléchir comment attraper des mouches avec du miel en trois semaines ! Durée officielle de la campagne présidentielle. Campagne avant l'heure Le coup d'envoi officiel de la campagne a été donné le 17 mars 2009, mais en réalité presque tous les candidats étaient déjà sur le terrain de la promotion électorale. La raison est que, avant cette date, la commission de contrôle n'a pas encore assumé ses prérogatives et que les candidats ont la possibilité de faire financer des actions de communication et de publicité, grâce à des fonds, non encore soumis au contrôle. Utilisation des médias Afin de bien faire parvenir leurs idées et messages aux électeurs, tous les supports classiques des médias sont mis à contribution par les candidats. Selon la législation algérienne, il est accordé aux participants, durant la période de campagne électorale, un temps de parole gratuit sur les télévisions et radios (publiques), ainsi que des moyens d'imprimerie. Mais, parmi les émissaires des candidats, l'on remarque une sous-exploitation, voire un gâchis de ses importants espaces offerts. Soit le représentant est carrément absent ou alors, et cela a été souvent le cas, le déficit de l'image véhiculée par ce dernier. Connaissance limitée du dossier, très mauvaise diction, déficience du vocabulaire, etc. Une aussi mauvaise présentation et représentation ne peuvent en aucun cas se justifier ! Il y va quand même de l'image de marque du candidat ! Tout doit être fait pour qu'il n'y ait aucune fausse note. Comment prétendre réunir en son sein les virtuels futurs responsables susceptibles de gérer un Etat, alors que l'on ne peut prendre correctement en charge une campagne électorale ? Il ne faut pas négliger la vitrine si vous ne voulez pas voir fuir le client. Pourtant, à ce niveau-là, une meilleure et plus pointue sélection des potentialités existantes pour représenter les candidats aurait donné un tout autre aperçu du niveau de conscience, de responsabilité, et de conviction à aller jusqu'au bout de ses idéaux, en se donnant les moyens de sa politique. En somme, il ne serait pas exagéré d'exiger un meilleur engagement pour un événement aussi important que la magistrature suprême. Faites-vous mieux représenter ! L'affichage d'un autre âge L'autre moyen publicitaire utilisé pour la promotion des candidats est l'affichage. On en voit de plus en plus un peu partout et n' importe où ! Là non plus, on n'a pas été bien inspiré. On reste dans la logique de la provocation. Une affiche posée dans un espace qui ne lui est pas préalablement réservé se fait plus facilement remarquer, il est vrai ! Mais elle véhicule, de par son caractère anarchique, l'image de personne incapable de rétablir l'ordre dans une société. Une telle situation dessert plus qu'elle ne sert son auteur et par ricochet le candidat qu'elle croit promouvoir. Cela peut créer un sentiment de frustration chez le citoyen, pouvant aller jusqu'à rejeter tout ce qui aura un lien avec le candidat concerné. La notion de l'empathie (capital sympathie et compréhension de l'autre) étant tellement imbriquée dans le domaine de la communication, que dans le cas de l'affichage sauvage, il faut s'attendre à l'effet inverse. À rappeler également qu'une batterie de textes réglementant l'activité publicitaire au cours de la campagne électorale existe pourtant. Ne reste qu'à faire respecter la loi, au même titre qu'une banale infraction au code de la route. Comment imaginer faire respecter la loi si l'on ne la respecte pas soi-même ? Quant à se poser la question de savoir pourquoi les affiches sont si laides, sans aucune recherche sur le plan du design et de l'infographie, ou encore du choix du papier et de son grammage, et j'en passe… n'est pas en 2009 qui le veut ! L'autre approche privilégiée par tous les candidats est la création d'événements capables d'attirer l'intérêt du public, et dont la couverture médiatique est assurée par les journalistes. À l'ordre du jour de ces meetings (bains de foule pour les plus connus), il y a un discours. Mais les gens se lassent vite et veulent dépasser les grandes lignes, déclamées sous forme de slogans de va-t-en guerre. Le marketing politique est devenu plus que le partenaire d'une campagne électorale, il est devenu le partenaire permanent du politique, autant avant l´élection, qu'après la prise du pouvoir. Il se démarque par des configurations plurielles, adaptées à chaque acteur de la sphère politique. - Le marketing des électeurs : il vise à choisir les moyens de communication et de persuasion les mieux adaptés pour séduire les électeurs ; - le marketing du candidat : l'idée d'adapter le discours, l'image et le programme du candidat avec son électorat potentiel, pour maximiser ses chances de succès ; - le marketing des militants : pour optimiser le recrutement de la “force de vente”, la former, la mobiliser ; - le marketing des bailleurs de fonds : consiste à attirer des entreprises ou des donateurs à verser des soutiens de campagne ; - le marketing des prescripteurs d'opinion s'adresse aux leaders d´opinion — presse, célébrités — pour les séduire dans l'intérêt de profiter de leur soutien. Enfin, toute campagne qui se respecte, se doit de reposer sur une stratégie de communication préalablement réfléchie, dans ses moindres détails et simulée par l'ensemble des acteurs concernés. Tout doit être minutieusement assimilé et rodé pour ne laisser place à aucun grain de sable, pouvant gripper la machine, et dans le cas de la campagne, détourner le message de la trajectoire voulue. Ce qui pourrait être fort préjudiciable pour le candidat. Mais, franchement, sommes-nous à un dérapage (incontrôlé) près ? Qui ne se rappelle de la dernière présidentielle américaine ? Même la superproduction hollywoodienne ne ferait pas mieux ! Quand le réel dépasse le virtuel… On ne veut rien comparer, mais prenons en au moins de la graine… R. L.