La donne de l'abstention risque de chambouler et la crédibilité de la future APN et la représentativité de ses députés. 64,25% des Algériens n'ont pas voté. Un taux record. C'est même le plus faible depuis l'indépendance du pays. C'est le «séisme» redouté. Quelle crédibilité pour la future Assemblée? Mais surtout, face à quelle nouvelle configuration parlementaire sommes-nous? Autant de questions et d'autres qui méritent sérieusement d'être posées. La donne de l'abstention risque de tout chambouler. C'est le fruit d'une campagne électorale qui n'a jamais été aussi fade et morne. Autrement dit, le «produit» des candidats durant la campagne était de goût amer. Au point où certains partis donnaient l'impression de jouer leur destin au loto. D'autres par manque de culture politique, d'expérience et/ou par incapacité de séduire, s'embourbaient dans une logique de promesses à plusieurs inconnues. Plusieurs candidats, privés d'une arme d'accroche, n'avaient pas trouvé, durant les vingt jours de la campagne, la plus petite note et le moindre grain à moudre pour lancer la machine. Le résultat: le taux de participation définitif s'est établi à 35,65%, contre 46,1% en 2002, soit en baisse de plus de 10 points. Un million d'électeurs ont déposé un bulletin nul dans l'urne. L'Algérie n'a jamais enregistré un taux de participation aussi faible. Plus des deux tiers des Algériens n'ont pas voté. Toutefois, le taux d'abstention est loin d'être une bataille gagnée pour les partisans du boycott. Car, excepté le FFS, aucune des parties ayant appelé au boycott, à savoir un Abdallah Djaballah déchu et un Ahmed Meliani qui dirige la deuxième aile du MDS, ainsi que certains anciens dirigeants du FIS dissous, n'est en mesure de réclamer une marge de représentativité au sein de la société algérienne. Même l'appel au boycott d'une soi-disant «Al Qaîda-Maghreb» n'est pas à prendre en compte dans le calcul du taux d'abstention. Car, en novembre 1995, au plus fort du terrorisme, le peuple algérien a massivement participé au scrutin. Cela dit, ni les islamistes du FIS dissous, encore moins les organisations terroristes ne sont en mesure de se targuer d'avoir réussi leur coup. Ce taux faible de participation pourrait, plutôt, expliquer un vote-sanction de la part du peuple contre les partis en lice et les candidats à une APN qui a pris les allures d'une chambre d'enregistrement. Nouredine Yazid Zerhouni, ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, a fait savoir, hier, que le taux faible explique «la maturité politique des Algériens». Autrement dit, «le peuple algérien devient exigeant et réclame des solutions concrètes à la mesure de ses attentes». La lecture faite par le ministre tient bien la route. Car, entre les promesses des candidats et des partis en lice et les attentes des citoyens, particulièrement les jeunes, les points de jonction sont rares. Soudés dans l'inefficacité pendant plusieurs années, les députés sont la source d'une grave fracture avec le peuple et la classe politique. C'est une autre interprétation qui ne souffre d'aucun doute. De ce fait, il n'y a pas de peine à voir, au bout du parcours, tel ou tel candidat essuyer une larme. Pourtant, les partis en lice ont scandé, le long de la campagne, tous les slogans anti-abstention. Les candidats à la députation, nonobstant les moyens colossaux mobilisés, n'ont pas su faire pencher la balance de leur côté. Tous les slogans se sont éteints comme des pétards mouillés. Cette fois-ci encore, la Kabylie et la capitale sont restées les bastions de l'abstention par excellence. Néanmoins, le syndrome a bel et bien atteint d'autres régions du pays qui, contrairement à l'habitude, ont enregistré elles aussi un très faible taux de participation. Plusieurs formations, appelées «associations politiques», ou encore partis satellites, étaient en état d'hypnose, mais se sont éveillés, à l'approche des élections, par un brusque intérêt politique. Un fait qui justifie, qu'on le veuille ou non, la désaffection citoyenne envers le politique. Le peuple ne cherchait qu'en fin de compte, une réponse simple et claire à ses préoccupations, à savoir le logement, la justice, l'emploi et la sécurité. Une alternative politique s'impose. Mais pas avec des partis qui ont échoué. Encore moins avec une APN qui s'est transformée, au fil des années, en véritable caverne d'Ali Baba. Il est vrai que la révision de la loi régissant les partis politiques devient une nécessité, mais en toile de fond figure aussi un autre besoin. Celui de redonner à l'institution législative ses repères.