Jamais un dicton populaire n'aura été plus indiqué pour désigner ce qui se passe à l'Assemblée populaire nationale depuis son élection le 17 mai dernier, dans les conditions que l'on sait. C'est sans doute cette perception de son rôle peu efficace qui est à l'origine aujourd'hui de son déficit de crédibilité et par conséquent de représentativité populaire puisque élue par un peu plus de 35% d'Algériens en âge de voter. Un rôle de simple chambre d'enregistrement dans lequel elle a été confinée par le pouvoir politique depuis l'instauration du pluralisme politique. Le faible score de participation – le plus bas enregistré en matière de scrutin depuis l'indépendance – faut-il le rappeler, fait qu'aujourd'hui on se retrouve avec une APN mal élue qui risque de jouer encore plus que par le passé le rôle de simple machine à avaliser les lois qui lui seront soumises. Une situation qui la place en position d'infériorité par rapport à un Exécutif qui reste plus puissant que jamais, plus personnel que jamais incarné par le président de la République. Un cas de figure qui est loin d'être inédit, puisque durant la cinquième législature, l'ex-chef du gouvernement Ahmed Ouyahia en a fait l'amère expérience. Remercié par le président de la République dans des circonstances obscures, il n'a pu invoquer une attribution constitutionnelle qui lui aurait permis de passer comme il le souhaitait devant les députés, de présenter une déclaration de politique générale afin de solliciter un vote de confiance qui lui aurait permis, le pensait-il sans doute, de contourner la décision du chef de l'Etat. Ce « droit » de s'expliquer devant les élus de la nation, d'y présenter son bilan, lui a été refusé, doit-on le rappeler, par le président de l'Assemblée populaire nationale Amar Saâdani qui « ne voyait pas l'utilité de la présence » d'Ahmed Ouyahia dans l'hémicycle du palais Zighout Youcef. Le lourd handicap L'ex-chef du gouvernement éconduit d'une manière aussi peu cavalière a dû sans doute comprendre sa douleur. Et comprendre par la même que la décision du président de la République était irrévocable et indiscutable. L'éviction du chef du gouvernement de l'époque fut entérinée sans aucune suite. La disgrâce étant toujours le fait du prince, Amar Saâdani connut le même sort puisque la veille des élections législatives, il a compris qu'il était devenu persona non grata à l'APN. Il n'a même pas eu le privilège de figurer sur les listes électorales du FLN. Le message lui fut transmis alors qu'il terminait son mandat au perchoir de l'assemblée : le président ne voulait plus du troisième personnage de l'Etat, considérant sans doute que sa « mission » était achevée le 17 mai au soir. Celui-ci espère sans doute, comme c'est de tradition chez nous, un geste de compensation de la part du chef de l'Etat pour les services rendus. Et pourquoi pas un poste d'ambassadeur dans une chancellerie ? Depuis le 17 mai, peu de choses ont changé en bien. L'APN aborde cette sixième législature avec un lourd handicap : le double déficit de représentativité et de crédibilité. Une situation qui arrange encore plus les affaires du chef de l'Etat qui peut être sûr aujourd'hui que ni l'institution législative ni les hommes (les femmes y sont plus que minoritaires) ne lui « feront de l'ombre ». Et pour preuve : la manière avec laquelle il a mis l'équipe de Belkhadem en « intérim » durant quelques jours pour la reconduire à quatre exceptions près sans d'autres formes d'explication ou de justification. D'autant que le bilan du gouvernement de Belkhadem est loin d'être remarquable. Certains y voient dans cette reconduction le maintien de l'immobilisme dans sa splendeur pour ce qui est de la gestion des affaires de l'Etat. Ils n'ont sans doute pas tort. En tout cas, ce n'est pas l'APN dans sa composition actuelle, où domine l'Alliance présidentielle, qui risquerait de troubler le ronronnement de l'Exécutif auquel nous sommes habitués depuis 1999.