La campagne de persuasion pour les législatives du 17 mai 2007 débute aujourd'hui. Elle s'étalera sur vingt et un jours. C'est la troisième consultation législative pluraliste de l'histoire de l'Algérie depuis la reconnaissance officielle du multipartisme en 1989. Non comptabilisé, le premier scrutin, celui de 1991, avait été arrêté, ses résultats invalidés. Le nombre de candidats à la chambre basse du Parlement pulvérise tous les records : 12 229 postulants portés par 1144 listes. Ils représentent 24 partis. Il existe également des listes d'indépendants (102 en tout). Ils doivent convaincre les 18 760 000 électeurs. Selon les données du ministère de l'Intérieur, 3353 espaces ont été réservés à la campagne électorale au niveau national. Les autorités, qui mènent depuis des semaines une campagne publicitaire au slogan de « Min adjli El Djazaïr » (Pour l'Algérie), craignent l'abstention au vote. Le taux de participation, annoncé par le ministère de l'Intérieur après la tenue des législatives de 2002, était de 46%, le plus faible jamais enregistré (plus de neuf millions d'Algériens n'avaient pas voté). Cela avait contribué, d'une certaine manière, à atténuer les plaintes pour fraude puisque ce taux paraissait crédible. Traditionnellement, les Algériens ne se bousculent pas aux portes des bureaux de vote lors des législatives. Par contre, la présence est d'habitude plus importante lors des élections locales à cause de la proximité. L'enjeu pour les autorités sera donc de convaincre les inscrits sur les listes électorales d'aller voter. Entreprise difficile en raison, entre autres, du bilan désastreux de l'APN sortante. Aucune évaluation publique n'a été faite de cette assemblée. Le FLN a, implicitement, reconnu cette faillite en empêchant Amar Saâdani, président de l'APN, de se représenter pour un autre mandat de député. Le FLN, le MSP et le RND, les partis de l'Alliance présidentielle, se présentent en rangs dispersés pour le scrutin. En apparence, ils soutiennent le programme du président de la République. Sur le terrain, ils avancent avec leurs propres propositions. Les trois partis ont chacun présenté le même nombre de listes : 54. Ahmed Ouyahia, ex-chef de gouvernement et qui dirige le RND depuis presque dix ans, a déclaré mardi dernier, lors d'une rencontre avec des chefs d'entreprise, que les propositions de son parti visent à « permettre aux efforts menés d'être plus rentables et faire en sorte qu'ils donnent des résultats rapides ». Si le reproche est fait aux actions de l'actuel gouvernement, dont le RND est partie prenante, il demeure que l'Alliance présidentielle ne peut plus parler en une seule voix, ni espérer jouer un rôle réel sur la scène politique. Le RND, principal perdant des législatives de 2002, aura à surmonter cet handicap. Même si son chef a déjà choisi sa place à l'issue du scrutin du 17 mai : deuxième place. Les quotas sont-ils déjà définis ? Boudjerra Soltani, ministre d'Etat et patron du MSP, est, lui, certain que le parti aura 30% des 389 sièges de l'APN. Il n'a donné aucune explication sur la précision curieuse de ces prévisions. « Ce qui me réjouit c'est que les leaders des partis de l'Alliance présidentielle nous concèdent la première place aux élections. C'est un aveu de leur part que le FLN est enraciné dans la société », a répliqué, amusé, Abdelaziz Belkhadem au forum de l'ENTV. Le secrétaire général du FLN, également chef du gouvernement et président de la commission technique de préparation des élections, assure que le jeu « ne sera pas fermé ». Mais, il ne s'empêche pas d'annoncer que son parti sera gagnant. Face à cette situation, les autres partis ne donnent aucun signe d'inquiétude. Le RCD, qui a boycotté les législatives de 2002, revient sur le devant de la scène au point que son chef, Saïd Sadi, est invité sur les plateaux de la télévision d'Etat. Saïd Sadi est attaché à l'idée qu'un important taux de participation réduira « les marges de manœuvres frauduleuses de l'administration ». Pour prévenir « la fraude », le président de la République a envoyé une instruction à cette même administration. Le fil de la confiance est-il à ce point rompu ? Bouteflika, qui n'a jamais réagi par instruction pour les cinq autres consultations électorales organisées depuis 1999, a appelé à garantir « le libre choix des électeurs ». La menace est-elle adressée au FLN porté par la forte envie d'envahir toutes les institutions de l'Etat ? Au plan pratique, la Commission politique nationale de surveillance des élections législatives, dirigée par Saïd Bouchaïr, ancien président du Conseil constitutionnel, aura la mission de contrôler le processus électoral. La commission aura également la lourde tâche de redonner crédibilité à ce genre de structures réputées inefficaces par le passé. Saïd Bouchaïr s'autorise – même si ce n'est pas son rôle – de conseiller les candidats d'éviter de « porter atteinte aux symboles de l'Etat ». Cet avertissement est original et semble annoncer « un encadrement » du futur débat. La critique sera probablement proscrite d'une manière ou d'une autre. Rédha Malek, ancien chef de gouvernement et patron de l'ANR, qui marque, lui aussi, un certain retour à la vie publique, a appelé, hier, à « un sursaut citoyen ». Il vient de lancer une initiative « Pour l'honneur de l'Algérie ». Amara Benyounès, ancien ministre de la Santé et qui attend toujours l'agrément de son parti, l'UDR, accompagnera Rédha Malek dans la course pour le Parlement. Le FFS mènera campagne pour le boycott du scrutin. Selon le parti de Hocine Aït Ahmed, les listes électorales ont été déjà choisies par le pouvoir. « Les choix sont antérieurs au scrutin et ils se sont arrangés pour le partage des sièges et des quotas », a déclaré Karim Tabbou, nouveau premier secrétaire du FFS.