La Gendarmerie a annoncé la création prochaine de trois nouvelles cellules régionales chargées de la protection du patrimoine. Alerte! Notre patrimoine matériel est en train de disparaître! A l'erreur humaine, s'ajoute l'acharnement de la nature. Mais apparemment, la bêtise de l'homme est plus puissante, plus forte que tout autre bêtise. Les saisies effectuées par les cellules régionales de la Gendarmerie nationale, chargées de la protection du patrimoine culturel et historique du pays, sont une preuve tangible du danger guettant la mémoire matérielle nationale. Depuis 2006, plus de 1780 pièces archéologiques ou classées patrimoine national, dont des fossiles, des pièces de monnaies antiques et des tableaux de célèbres peintres, ont été saisies ou récupérées par ces cellules dans 36 affaires. Le bilan transmis par le commandement de la Gendarmerie nationale est plus qu'alarmant. Durant l'année 2006 seules 1127 pièces ont été saisies, dont 1.031 préhistoriques, antiques, médiévales ou islamiques et allant de la conquête du Maghreb jusqu'à la période coloniale et 96 pièces de monnaies antiques. Ces pièces, récupérées dans 28 affaires, sont placées au niveau des musées nationaux. Aussi, depuis le mois de janvier dernier, le même corps de sécurité a saisi 657 pièces parmi lesquelles 3 tableaux du peintre espagnol Pablo Picasso. L'une de ces oeuvres, saisie chez un particulier à Tlemcen, a été même estimée à 25 millions de dinars. Une autre oeuvre produite par ce peintre de génie est une statue représentant l'héroïne de l'Histoire de France, Jeanne d'Arc. Cette oeuvre a été saisie à Skikda. Il faut souligner que des objets faisant partie du patrimoine national sont saisis généralement chez des associations à caractère culturel, des agences de voyage, des magasins de vente d'objets artisanaux... A Oran, la Gendarmerie a réquisitionné chez un libraire un volumineux album dans lequel étaient classées quelque 500 pièces archéologiques, essentiellement des dents d'animaux marins volés des sites préhistoriques du Sahara. Certains citoyens, au lieu de préserver la mémoire du pays, ne trouvent pas mieux que de piller et mettre la main sur des objets de valeur inestimable. A Sétif, l'on a signalé le vol, dans un musée, d'une statue de la déesse Saturne. Après une enquête, cette pièce archéologique a été retrouvée au domicile d'un citoyen. Certains subtilisent ces objets de valeur pour décorer leurs villas. A la lecture des chiffres transmis par la Gendarmerie, on se rend vraiment compte que notre mémoire matérielle est en passe de disparaître. Il ne faut pas s'étonner si des étrangers viennent dans le Sud algérien pour piller des sites entiers et chaparder ce que nous avons de meilleur. L'affaire du vol, par un groupe d'Allemands, de pièces archéologiques du parc du Tassili est encore en mémoire. L'affaire a pris de l'ampleur au point de devenir une affaire d'Etat, puisque la ministre de la Culture a été appelée à la barre. Rappelons qu'une convention a été signée entre l'institut allemand Frobenius, l'Office du parc national du Tassili (Opnt) et le Centre de recherches préhistoriques (Cnrpah), ce qui a ouvert la voie à des individus sans scrupules. Les scientifiques ont procédé au prélèvement des échantillons de débris d'ossements qui devraient être soumis à une étude chimique. L'affaire a, toutefois, pris une autre tournure, et seule la justice est capable de trancher. Cela est suffisant pour donner l'alerte aux différentes institutions de l'Etat chargées de la protection du patrimoine culturel et historique national, à savoir le ministère de la Culture, la Direction générale des douanes et la Gendarmerie nationale. D'ailleurs, ce corps de sécurité a annoncé la création de trois nouvelles cellules, chargées de la protection du patrimoine culturel et historique du pays. Elles seront installées dans les wilayas de Tipasa, Adrar et Souk Ahras. Elles s'ajouteront ainsi aux quatre autres existantes au niveau de Constantine, Oran, Ouargla et Tamanrasset. Selon les observateurs, ces mesures ne sont que salutaires, d'autant plus qu'elles vont, un tant soit peu, contribuer à la protection de notre patrimoine. Elles éloigneront les tentations de ces touristes étrangers qui dérobent des pièces archéologiques dans le Grand Sud algérien. Depuis que ces pseudo-touristes sont escortés par les éléments de la Gendarmerie nationale, leur degré de nuisance a diminué. Cependant, ces derniers ont vite trouvé la parade. Devant l'étau qui s'est resserré sur eux, ils n'ont pas hésité à faire appel à des Algériens. Un réseau de la mafia des oeuvres d'art s'est vite constitué. Selon un responsable de la Gendarmerie nationale, certains contrebandiers algériens, avant même de vendre les pièces rares pillées au niveau des sites ou volées dans des musées, prennent des photos ou croquis de ces objets afin de négocier leurs prix à l'étranger. Voilà donc un phénomène qui menace notre patrimoine. Ce qui a été longtemps redouté est en effet arrivé. Le danger provient de l'intérieur. La situation est critique. Et si les choses se maintiennent en l'état, notre patrimoine culturel et historique disparaîtra complètement. L'alerte est donnée.