En 1960, elle publie un livre dans lequel elle dénonce la torture pratiquée par l'armée française sur les prisonniers algériens. L'ethnologue spécialiste de l'Algérie, Germaine Tillion, soufflera, le 30 mai prochain, sa centième bougie. Humaniste de nature, anticolonialiste acharnée, elle a, de tout temps, pris avec courage et dévouement, des positions contre toute exploitation de l'Homme par son semblable. Elle est née le 30 mai 1907 à Allègre, Haute-Loire, en France. Elle suit une formation d'ethnologue auprès de Marcel Mauss et Louis Massignon. Deux maîtres et pas des moindres. Le premier est considéré comme le père de l'ethnologie française, tandis que le second est islamologue, illustre pour la thèse monumentale qu'il a consacrée au grand soufi Al Hallaj, crucifié à Baghdad en 922. Les deux maîtres ont réussi, non sans brio, à incruster de hautes valeurs humaines dans l'âme de Germaine Tillion. Licenciée ès lettres, elle est diplômée de l'Ecole pratique des hautes études, de l'Ecole du Louvre, et de l'Inalco (Institut national de langues et de civilisations orientales). Contrairement à Albert Camus, qui, sommé de choisir entre sa mère et la justice, il choisit sa mère, Germaine Tillion, elle, choisit les deux. Le choix est d'autant plus difficile que la plaie entre l'Algérie et la France se creusait davantage. Germaine Tillion, en bonne ethnologue, tente d'expliquer la relation de cause à effet ayant conduit au déclenchement de la guerre de Libération. Les rencontres fructueuses qu'elle avait faites avec les responsables de la bataille d'Alger -entre autres Yacef Saâdi-, ont fait naître en elle un respect inégalé pour les initiateurs du mouvement libérateur. Le travail, aussi bien méticuleux qu'approfondi, mené sur le terrain, a apporté à Germaine Tillion, des résultats probants. En 1960, elle publie un livre dans lequel elle dénonce avec virulence la torture pratiquée par les parachutistes de l'armée française sur les prisonniers algériens. Elle tente même d'intervenir pour la libération des «anciens porteurs de valises» du Front de libération nationale. Toutefois, revenir sur la vie de Germaine Tillion, c'est parler du rôle primordial qu'elle a joué dans la création, à Alger, dès les années 50, des Centres sociaux de lutte contre la pauvreté et pour une meilleure scolarisation. C'est aussi parler de l'enquête internationale sur les lieux de détention français, en Algérie, à laquelle elle a participé. Si Mme Tillion est connue pour son engagement contre la torture en Algérie, elle est aussi illustre pour sa fine connaissance de la société algérienne, notamment celle de la Kabylie et des Aurès. En 1934, Germaine Tillion se rend dans les Aurès. Elle y passe près de six ans. Tout au long de cette période, elle tente de pénétrer les traditions plusieurs fois millénaires de la société chaouie, ses rites, son imaginaire ainsi que sa vie sociale. Les notes qu'elle a scrupuleusement conservées, ainsi que les différentes photographies prises, lui serviront, soixante et un ans plus tard, de fonds documentaire précieux pour la rédaction de son livre L'Algérie aurésienne. Une oeuvre de 144 pages dans laquelle «elle porte un regard d'une rare humanité sur ce monde nomade». De retour en France, en 1940, alors que la Seconde Guerre mondiale bouclera bientôt sa première année, elle devient chef du réseau de résistance du musée de l'Homme. Un groupe de résistance créé par des intellectuels et des universitaires. Le réseau travaille à l'évasion des prisonniers et au renseignement. Germaine Tillion est arrêtée le 13 août 1942, et déportée le 21 octobre 1943 à Ravensbrück. Elle y perd sa mère Emilie, déportée comme elle, lors de gazages massifs perpétrés en mars 1945. Cette période, combien cruciale de sa vie, n'a fait qu'approfondir encore davantage en elle son humanisme et la lutte contre la barbarie. Enfin, des oeuvres de Germaine Tillion, on citera L'Algérie aurésienne en collaboration avec Nancy Woods (2001), Il était une fois l'ethnographie (biographie) (2000), La Traversée du mal (1997), Les ennemis complémentaires (1960), Ravensbrück (1988), Le Harem et les cousins (1966), L'Algérie en 1957 (1957); L'Afrique bascule vers l'avenir (1959).