Deux jours avant l'installation de la nouvelle assemblée, les nouveaux députés semblent désintéressés par l'obligation de déclarer leur patrimoine. La déclaration de patrimoine n'est-elle pas finalement la forme moderne de lutte contre la corruption politique? A chaque installation d'une nouvelle assemblée, la question revient invariablement: déclaration ou pas? La précédente assemblée a, rappelons-le, rejeté dans le fond et la forme le texte de loi proposé par Ahmed Ouyahia, alors chef du gouvernement, portant déclaration de patrimoine des députés. Le procédé de Ahmed Ouyahia a provoqué l'ire des parlementaires, y voyant une sorte de menace contre leur «crédibilité». Même les députés de Boudjerra Soltani, un soi-disant soldat du premier carré de lutte contre la corruption, ont rejeté le projet de loi portant sur la déclaration de patrimoine, c'est-à-dire la lutte contre la corruption. Une contradiction avec l'initiative du chef du MSP qui n'a pas hésité à monter au créneau pour dénoncer «l'implication de hauts responsables de l'Etat dans des affaires de corruption». Cette mauvaise passe a, en tout cas, coûté au MSP une réplique acerbe de la part du chef de l'Etat. La séquence a été censurée le long de la campagne électorale. Boudjerra Soltani scandait seulement: «Votez pour nous et demandez-nous des comptes». C'est, en quelque sorte, un plagiat a l'algérienne de ce qu'appelle Ségolène Royal, ex-candidate du PS à l'Elysée, les «jurys citoyens». «Mettre fin au nomadisme politique au sein de l'APN» est le slogan fétiche de Louisa Hanoune, patronne du Parti des travailleurs (PT). En théorie, sur la piste électorale les partis avaient un consensus autour de la question liée au contrôle des députés. En pratique, chaque formation proposait des procédures sur mesure, mais sans pour autant évoquer, même à demi-mot, la déclaration obligatoire de patrimoine. Durant l'année écoulée, une source du ministère de la Justice a évalué à 80% le nombre des responsables tenus de déclarer leurs biens, mais qui ne respectent pas les textes de loi relatifs à la déclaration de patrimoine. L'ordonnance présidentielle sur l'obligation de déclaration de patrimoine a été signée en 1997. Depuis, aucune condamnation n'a été décidée à l'encontre des responsables et/ou fonctionnaires transgresseurs. A cela s'ajoute la difficulté de vérifier les déclarations en l'absence de mécanismes appropriés et d'une administration fiscale en mesure de relever le défi. Absence d'une volonté politique et des moyens de contrôle certes, mais surtout d'une culture et le respect des obligations chez nos responsables. Fraîchement élus, les députés de l'actuelle assemblée vont-ils passer par le même canal que celui de leurs prédécesseurs? La même question se pose pour les futurs ministres. Un autre pas a été fait, mais sans pour autant enfoncer le premier. Le 18 avril dernier, un décret présidentiel, promulgué dans le Journal Officiel, impose à une certaine catégorie d'agents publics de rendre publics leurs biens et leur patrimoine deux mois avant qu'ils n'entament leurs nouvelles responsabilités, mais aussi à l'issue de leur mission. Ayant comme objectif essentiel de juguler la corruption et d'assainir le service public, le texte en question concerne les agents de plusieurs institutions et ministères. Il est vrai qu'en théorie, les législateurs avancent à pas de géant, mais, en pratique, les concernés continuent de piétiner et tourner le dos à la réglementation en vigueur. Il est temps que les désormais ex-candidats à la députation et les partis politiques passent à la concrétisation de leurs promesses, à commencer par la lutte anticorruption. Et, par ricochet, l'obligation de déclarer leur patrimoine. Le silence, voire aussi le rejet, par la précédente législature, d'un projet de loi tendant à codifier cette pratique de déclaration de patrimoine, a fait le bonheur de tous les députés. Face à un vote-sanction décrété le 17 mai dernier par le peuple, les nouveaux députés doivent tenter, tout d'abord, de relooker l'image d'une APN qui a pris les allures d'une véritable caverne d'Ali Baba. La déclaration de patrimoine en est le premier geste. Pour le moment, à deux jours de l'installation de la nouvelle assemblée, les députés semblent désintéressés par l'obligation de déclarer leur patrimoine. Première infraction.