L'Algérie a mis en place, depuis des années déjà, un arsenal juridique pour inciter les responsables de l'Etat et les élus à effectuer la déclaration de leur patrimoine avant et à l'issue de leur mandat. “Les personnes exerçant un mandat électoral national ou local sont tenues de souscrire une déclaration de patrimoine dans le mois qui suit leur investiture”, indique, en effet, l'article 4 de l'ordonnance 99-04 de janvier 1997 relative à la déclaration du patrimoine, instituée par l'ex-président Liamine Zeroual. La même disposition est reprise dans la loi 06-01 de février 2006 relative à la prévention et la lutte contre la corruption. “Il est fait obligation de déclaration de patrimoine aux agents publics en vue de garantir la transparence de la vie politique et administrative ainsi que la protection du patrimoine public et la préservation de la dignité des personnes chargées d'une mission d'intérêt public. L'agent public souscrit la déclaration de patrimoine dans le mois qui suit sa date d'installation ou celle de l'exercice de son mandat électif. La déclaration de patrimoine est également établie en fin de mandat ou de cessation d'activité”, indique cette loi dans son article 04. Il est, par ailleurs, ajouté qu'en cas de modification substantielle de son patrimoine, l'agent public procède immédiatement, et dans les mêmes formes, au renouvellement de la déclaration initiale. À cela, il faut ajouter l'obligation faite, dans le code électoral, à chaque candidat aux mandats nationaux et locaux, de faire la déclaration de leur patrimoine. La loi définit l'agent public comme étant “toute personne qui détient un mandat législatif, exécutif, administratif, judiciaire, ou au niveau d'une assemblée populaire locale élue, qu'elle soit nommée ou élue, à titre permanent ou temporaire, qu'elle soit rémunérée ou non, et quel que soit son niveau hiérarchique ou son ancienneté”, ou encore comme “toute autre personne investie d'une fonction ou d'un mandat, même temporaire, rémunérée ou non et concourt, à ce titre, au service d'un organisme public ou d'une entreprise publique, ou de toute autre entreprise dans laquelle l'Etat détient tout ou partie de son capital, ou tout autre entreprise qui assure un service public” et enfin comme “toute autre personne définie comme agent public ou qui y est assimilée conformément à la législation et à la réglementation en vigueur”. Dans son contenu, la déclaration de patrimoine doit porter sur l'inventaire des biens immobiliers et mobiliers, situés en Algérie et/ou à l'étranger, dont l'agent en est lui-même propriétaire y compris dans l'indivision, ainsi que ceux appartenant à ses enfants mineurs. Par ailleurs, la commission de déclaration de patrimoine, qui avait été instituée et présidée par le premier président de la Cour suprême, est chargée de recueillir l'ensemble des déclarations de patrimoine, de vérifier les contenus et veiller à ce que ces dernières soient souscrites dans les délais impartis par la loi et de les publier dans le Journal officiel. Elle est également chargée d'adresser un rapport annuel au président de la République et de saisir la justice en cas de fausse déclaration. Sur ce chapitre, la loi ne souffre d'aucune équivoque. Sauf que, 13 ans après l'entrée en vigueur des textes juridiques, très rare, sont les responsables qui ont souscrit à cette obligation. Le constat est accablant. En effet, en dehors des élections présidentielles, où les candidats font leurs déclarations, (car tenus de produire ce document dans le dossier de candidature), peu de cadres de l'Etat l'ont fait. Des ministres, des élus et des présidents de partis politiques ont omis de souscrire à cette obligation. Il en est ainsi également des juges et des hauts cadres de la nation. Le même constat est fait pour les deux chambres du Parlement, dont les membres sont également tenus de déclarer leurs biens. Nombre de responsables algériens ne semblent guère se soucier du fait que leur déclaration de patrimoine qui n'est soit pas rendue publique porte atteinte à leur crédibilité. Pour comprendre cette attitude, il suffit juste de rappeler l'épisode de l'adoption en 2006 de la loi relative à la prévention et à la lutte contre la corruption qui avait suscité une polémique suite au rejet par les groupes parlementaires du FLN et du MSP de l'article 7 qui entraînait la révocation des fonctions ou la déchéance de mandat électoral pour tout haut fonctionnaire ou élu qui n'aurait pas déposé sa déclaration de patrimoine dans les délais prévus. Il convient de préciser que la déclaration de patrimoine, à laquelle doivent se soumettre les personnes exerçant un mandat électoral, les membres du gouvernement ainsi que les personnels civils et militaires exerçant au sein des institutions publiques, est la pierre angulaire de cette loi. Mais, à l'instar de nombreuses autres lois, elle subit la règle de la non-application, d'autant que l'organe national de prévention et de lutte contre la corruption dont la mission est de recueillir, périodiquement les déclarations de patrimoine des agents publics, d'examiner et d'exploiter les informations qu'elles contiennent et de veiller à leur conservation, n'est toujours pas installé. Malgré l'existence d'un texte de loi qui l'impose, la publication du patrimoine des responsables chargés de gérer les affaires publiques reste taboue. Et tant qu'elle le restera, la suspicion quant au devenir des deniers publics sera de mise.