La voix grave, l'acteur s'est présenté tel un phénix devant nos artistes, heureux de sa présence en Algérie... L'acteur français, Jean-Claude Brialy a clôturé, avant-hier, son périple algérien à la cinémathèque algérienne où il a été reçu avec les honneurs. Accompagné de son équipe de tournage, il est accueilli par Saïd Hilmi, Farida Saboundji, Beyouna, pour ne citer que ceux-là. Le directeur de la salle évoquera les noms de Vadim, Verneuil, Renoir, Bertucheli qui feront appel à son talent, soulignant «la sensibilité de cet artiste qui n'a d'égal que sa grandeur d'âme...» L'Expression: Depuis que vous êtes arrivé en Algérie, vous avez fait une tournée marathonienne à travers le pays, chose qui servira de matière à un documentaire autobiographique vous concernant. Peut-on en savoir plus? Jean-Claude Brialy: Je suis content de remettre les pieds dans ce pays. Je suis là, effectivement, pas pour passer des vacances, mais pour participer avec une équipe qui est là, trois ou quatre chaînes télé qui ont eu l'idée de faire des portraits, voler des images, me suivre sur les traces de mon enfance. J'ai été donc à Sour El Ghozlane où je suis né. J'ai retrouvé le village avec 500 ou 1000 personnes qui m'ont accueilli comme l'enfant prodige. J'ai retrouvé l'endroit où je suis né, l'école maternelle, j'ai retrouvé l'endroit où mes parents habitaient, après maintes recherches, au milieu des nouvelles constructions. On a été voir aussi le Bois sacré, la Grande place, on a visité notre église...tous les gens autour de moi m'ont aidé à retrouver mes souvenirs, à Alger et bien sûr, à Annaba, également où j'ai passé mes années de collège. J'ai rencontré quelque 1000 élèves dans la cour de récréation. J'ai eu un contact chaleureux et accueillant. A Alger, on m'a emmené dans de charmants petits restaurants, j'ai rencontré des Algériens avec qui j'ai pu parler et je repars demain, vraiment épuisé. J'ai découvert plein de bonnes choses en céramique, dans des boutiques d'artisanat. On a été sur le port, parce que cela fait toujours rêver. On a été à Tamanrasset, parce que c'était un rêve quand j'étais enfant. Mon père et ma mère ne m'ont jamais emmené là-bas. J'ai été pendant une journée, dans le désert, me familiarisant avec le paysage, cette émotion, ces gens-là à la fois humbles et sympathiques. Je trouve que vous avez traversé 10 ans d'horreur. Beaucoup de gens se plaignent tout le temps. Vous avez la pudeur d'avoir vécu toutes ces années noires, d'avoir supporté avec courage, patience et détermination car je vois que vous avez beaucoup de volonté et de dignité. J'ai ainsi été à la Casbah qui est un peu mythique pour moi car c'est le coeur d'Alger, quelque part, et j'étais heureux de savoir qu'un effort est fait pour que la Casbah redevienne ce qu'elle était et que tous ses amis se battent pour que ce symbole d'Alger, survive. Quel était votre souhait en posant le pied dans votre pays natal? Je suis sensible à travers les événements que vous avez traversés, au fait que l'amour pour le cinéma soit resté aussi vivant chez vous. Vous connaissez mieux que moi le cinéma français et nous, en France, on connaît moins bien le cinéma algérien. J'espère, que dans les années à venir, il y aura un renouveau, que l'espérance reviendra dans ce pays, que des acteurs, des actrices, des metteurs en scène, des auteurs avec un peu d'argent, pourront faire des oeuvres qui seront vues, non seulement au Festival de Cannes mais aussi dans les salles de cinéma de la France entière et que peut-être, un jour, une troupe de théâtre viendra jouer à Paris et que nous, nous viendrons jouer ici ou ailleurs. Evidemment, je serai très heureux de revenir ici pour présenter un film, peut-être qu'un metteur en scène aura l'idée de me faire jouer le vieux grand-père et nous viendrons tourner dans cette ville que j'aime tant (...). Souvent, je dis aux jeunes garçons et jeunes filles qui me demandent comment on arrive à devenir vedette, je leur réponds que je pense qu'il faut un peu de talent, un don pour le cinéma, surtout le regard et la voix, un certain charme. Il faut travailler beaucoup, avoir de la simplicité, de la pudeur, de la force, du courage, de la patience, de la générosité, car celui qui ne donne pas, ne récolte rien et puis, chacun de vous peut rencontrer un petit miracle, le destin ou la chance te montre du doigt... Que pourriez-vous apporter, M.Brialy, au cinéma algérien? Je ne suis pas le ministre de la Culture. Je ne suis pas le plus grand acteur, aujourd'hui, du cinéma français. Je suis tout simplement un acteur. En rentrant, je vais déjà dire à tous ceux que je rencontrerai, qu'en Algérie, on est tranquille, on a la paix, qu'on peut venir travailler tranquillement. Il y a des jeunes gens qui ont envie de tourner...Il y a des producteurs. Souvent, les médias français noircissent le tableau. Encore avant-hier, avant que je m'en aille, beaucoup de gens m'ont dit: «Tu es fou, tu vas en Algérie pour te faire descendre, égorger!» Vous êtes, par contre, un pays qui a envie de travailler, de recevoir les autres, de partager vos richesses et ma contribution, ce serait peut-être de participer à un de vos films. Je ferai cadeau de ma prestation, j'ai un peu de relations, je parlerai aux producteurs... le Festival de Cannes qui est le plus grand festival de cinéma au monde, essaie de découvrir de jeunes talents. S'il recevait un film algérien, cela attirerait les lumières sur lui et cela inciterait les distributeurs. Il faut que le public français connaisse les films algériens. (*)Extraits de l'entretien accordé à notre journaliste par le comédien Jean-Claude Brialy, le 3 mars 2005 lors de sa visite en Algérie.