L'imbroglio juridico-politique cache mal un malaise au sein des différents centres de décision politique, né de la sanction infligée par le peuple à la classe politique. Y a-t-il eu une autre entorse à la Constitution, après celle du report de l'installation de la nouvelle Assemblée nationale? L'APN, faut-il le rappeler, a vu son installation différée de quatre jours pour, a-t-on dit, permettre d'examiner les milliers de recours émanant de partis politiques à l'issue du scrutin du 17 mai dernier qui ont inondé le bureau de M.Boualem Bessaïeh, le président du Conseil constitutionnel. Cette fois, la polémique est née de l'installation des députés qui occupent des postes de ministre dans l'équipe gouvernementale de Belkhadem dans leur nouvelle fonction élective avant même que le gouvernement ne soit officiellement dissous. Jeudi dernier, à l'heure de la première séance de l'APN, les ministres ne savaient pas encore s'ils sont démissionnaires ou pas. Ils étaient donc en dehors de la réglementation régissant la fonction de député avec une double casquette. Une carence en matière de communication entre les différentes structures de l'Etat ou situation sciemment créée pour jeter encore plus de discrédit sur cette sixième législature? L'imbroglio a duré jusqu'à hier, vendredi, qui a vu la Présidence pondre un communiqué laconique signifiant la fin de mission du staff gouvernemental. Alors qu'il y avait assez de temps pour éviter un tel impair politico-juridique. Les portefeuilles ministériels des ministres-députés ont été confiés à leurs collègues qui n'ont pas postulé pour un siège à l'APN. Ils sont chargés d'expédier les affaires courantes. Le communiqué en question ne précise pas la date de la remise de la démission du chef du gouvernement au président de l'Etat. Abdelaziz Belkhadem n'a pas été reconduit sur-le-champ. Ce qui laisse la porte ouverte à toutes les supputations. L'Entv, qui ne rate jamais un tel événement, même s'il s'agit d'un simple protocole, n'a pas couvert l'événement. La démission d'un gouvernement est-il un non-événement? Même l'Alliance présidentielle qui s'est réunie, lundi passé, n'a pas soufflé mot sur le dossier du gouvernement et sa composante. Ouyahia a eu, à ce sujet, cette réplique lors de la réunion qu'il a tenue durant le week-end avec les cadres locaux du parti: «L'Alliance n'a pas de butin de guerre à partager.» Allusion faite au quota de ministres de chaque parti. Un autre acteur de l'Alliance présidentielle, Soltani, le patron du MSP, avait laissé entendre, jeudi dernier, lors de son passage à la radio, qu'il a refusé de se prononcer sur une éventuelle reconduction de Abdelaziz Belkhadem estimant que «cela relève des prérogatives du président de la République». Une manière subtile de laisser planer le doute. Il a, néanmoins, été ferme quant à la fin de mission de l'actuel Exécutif en balançant cette phrase: «Le 17 mai a été le point final de l'actuel gouvernement.» Et comme en politique rien n'est fortuit, la lenteur qui a caractérisé les formalités de mise en place des nouvelles instances politiques nationales (APN, gouvernement) entachées d'irrégularités du point de vue juridique, il y a lieu de se demander si l‘actuelle APN ne se présente pas comme un autre fardeau à porter dans la vie politique nationale. Avec son taux historique d'absentéistes, les législatives de mai 2007 ont donné lieu à des députés mal élus. Donc peu crédibles en matière de représentation du peuple. Cette déficience en légitimité populaire des députés, qui concerne aussi les 18 ministres sortants, porteurs de la double casquette pendant deux jours (jeudi et vendredi), est un indicateur sur le malaise qui semble s'installer au niveau de la Présidence, appelée à trouver un autre staff gouvernemental efficace capable de mobiliser les citoyens et leur redonner confiance. Le président de la République peut-il s'accommoder d'un gouvernement dont la composante est désavouée par le peuple? Déjà qu'il est contraint de collaborer avec une APN à la représentation populaire la plus faible depuis l'indépendance, Abdelaziz Bouteflika est peut-être appelé à agir durant ce qui reste de son second mandat comme s'il s'agissait d'un régime présidentiel fort. Comme il l'a d'ailleurs toujours souhaité. De facto, les conditions pour cet exercice sont réunies. S'il n'a pas mis les pieds dans l'hémicycle du boulevard Zighout Youcef lors de la législature précédente, il y a peu de chance de le voir y faire un tour. N'est-on pas déjà dans le régime présidentiel fort avec des prérogatives élargies au président de la République? A le voir lancer des chantiers sur tous les fronts et inspecter les communes les plus reculées du pays, comme il l'a fait durant ses dernières sorties à Blida et Chlef, on se rend compte qu'il ne compte pas trop sur l'APN ou ses ministres pour mener son programme de mise à niveau du pays sur des normes universelles dans le domaine socio-économique. N'a-t-il pas laissé entendre à la presse que les actions du gouvernement étaient en deçà de ses attentes? Ce sont là autant de questions qui se posent sur la scène politique et qui confirment la tendance à l'élargissement du fossé qui sépare les trois pôles de l'exercice du pouvoir que sont le président de la République, l'APN et le gouvernement.