Le Sommet Heilligendamm s'est achevé sans réellement aboutir à du concret. Que retenir du Sommet des huit pays les plus industrialisés (riches) du monde, auquel ont été invités les pays émergents et l'Afrique? Trois conclusions essentielles. La première est la certitude pour chaque camp d'avoir sauvé ses intérêts et sa stratégie. A commencer par le sujet qui a empoisonné depuis quelques mois les relations USA -Russie-Europe à propos du bouclier antimissiles américain en Europe. La peur d'un retour à la course aux armements nucléaires est finalement...confirmée. Avec une variante: Russes et Américains seront dans le même camp face aux menaces supposées de l'Iran et de la Corée du Nord. Russes et Américains ont partagé «la poire en deux». Vladimir Poutine mettra à disposition des USA (et de l'Europe) la base antimissiles située au Kazakhstan, et dont la Russie a toujours la tutelle. Plus performante que celle prévue en Pologne et en Tchéquie, elle est déjà fonctionnelle et plus proche, géographiquement, de l'Iran et de la Corée du Nord. Les USA ayant déjà deux bases similaires en Alaska (Thulle) et en Angleterre (Flyingdales), ont finalement amené les Russes dans leur logique géostratégique. De plus, il est probable que les 750 millions de dollars engagés par la France, l'Allemagne, l'Italie...pour le projet en Tchéquie, ainsi que le budget d'entretien et de fonctionnement de la base d'Azerbaïdjan seront partagés par l'Europe et les USA. Poutine place ses pions et gagne de l'argent. A défaut de détente, la course aux armements est bien repartie, certes avec cette différence: l'adversaire, un pays islamique d'abord. La deuxième conclusion est relative à la lutte contre le réchauffement climatique. Là aussi, même si Angela Merkel (au nom de l'Europe) s'est dite satisfaite, il n'empêche que ce sont les USA de George Bush qui ont imposé ce qu'ils ont voulu: pas de limite chiffrée pour chaque pays pollueur, ni échéance précise. Un simple engagement global. Réduire de 50% les gaz à effet de serre (GES) d'ici 2050. De plus, la thèse de Bush d'impliquer, totalement, les économies émergentes telles, l'Inde, la Chine, le Brésil, le Mexique et l'Afrique du Sud, a été retenue. Les USA qui sont responsables de la pollution de la planète pour 40%, ont amené le G8 à considérer les pays émergents aussi responsables qu'eux. La thèse d'Angela Merkel et de l'Europe de répartir les responsabilités pour ne pas pénaliser les pays émergents (et africains) dans leur effort d'industrialisation, est passée à la trappe. Et l'Afrique et le Moyen-Orient? La troisième leçon de ce Sommet tient au fait que les problèmes récurrents de l'Afrique ont été abordés avec une certaine légèreté, pour ne pas dire relégués au second plan. Comment expliquer que le G8 a, sans aucun complexe, promis ce qu'il a promis en 2005? Porter l'aide au développement de l'Afrique de 50 à 60 milliards de dollars (44 milliards d'euros) d'ici 2010. En clair, cela veut dire que le G8 n'a pas tenu ses promesses, alors même qu'il a fait sien le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (Nepad). L'histoire donne raison au président Abdelaziz Bouteflika, lorsqu'il a constaté lors du Sommet du Nepad tenu à Alger le 22 mars dernier que: «Nos partenaires -G8- ont pris des engagements pour un accompagnement effectif dans la mise en oeuvre des projets du Nepad. Ces engagements n'ont, malheureusement, pas été tenus, et ils ne sont pas toujours exempts de calculs qui servent davantage leurs intérêts que ceux de notre continent.» (L'Expression du 22 mars). Dans ce contexte, les USA ont promis hier, à Heiligendamm, à eux seuls de porter à 30 milliards (sur les 60) leur aide à l'Afrique. L'Allemagne pour 4 milliards, l'Italie réticente au début, a promis une aide non précisée, alors que le Canada ne s'est pas engagé. C'est dire ce que sera le prochain Sommet du G8 prévu pour la fin de l'année à Bali. La grande inconnue d'Heilligendamm demeure (avant le communiqué final qui sera publié dans la soirée), les autres questions internationales. L'avenir de l'Irak et de la Palestine occupée. L'Europe comme les USA s'étaient engagés lors des précédents Sommets, de soutenir la voie de la paix et de la négociation. «Notre action en faveur de la réforme de la région ira de paix avec un soutien en faveur d'un règlement juste, global et durable du conflit israélo-arabe. Nous avons appelé le Quartet à se réunir dans la région, d'ici la fin du mois, afin de relancer la Feuille de route», avait annoncé la déclaration finale de juin 2004 (lors du G8 qui s'est tenu aux USA à Sea Isle). On sait ce qui s'est passé et qui se poursuit encore. Plus, le Liban est happé dans la centrifugeuse de la guerre mise en place par Israël. Pour tant de raisons, la paix dans le monde ne dépend point des déclarations d'un Sommet, fût-il celui des pays les plus industrialisés. Et l'Afrique ne doit pas se faire d'illusions, elle doit compter sur elle-même, sur des coopérations régionales renforcées. Elle est son propre allié. Comme de tout temps, les riches et les pauvres n'ont jamais été des amis sincères.