Que fera l'Algérie au nom de l'Afrique, tant les sujets de discorde sont importants entre l'Europe, la Russie et les USA. La prochaine réunion du G8, qui se tiendra à Heiligendamm (Allemagne) du 6 au 8 du mois en cours, sous la présidence de la chancelière allemande, Angela Merkel, ne sera pas comme les autres. Alors même que les médias occidentaux mettent en avant l'éternelle discorde sur les conditions et moyens de lutte contre le réchauffement climatique, les Russes, par la voix de Vladimir Poutine, sont décidés à en découdre avec la question de l'installation du bouclier antimissile américain en Europe centrale, ainsi que l'avenir du Kosovo. C'est dire que cette rencontre au Sommet, qui s'annonce difficile, relèguera, au second plan, les problématiques de lutte contre la pauvreté dans les pays sous-développés, en particulier l'Afrique. Faut-il, alors, voir dans l'invitation du président algérien, en tant que fondateur de la nouvelle politique pour le développement de l'Afrique (Nepad), une simple courtoisie protocolaire, ou une réelle volonté des huit grands argentiers du monde de considérer que l'avenir du monde ne se fera pas sans ce continent pauvre structurellement (des marchés considérables pour les Occidentaux) et surtout vierge naturellement (le deuxième poumon du monde avec l'Amazonie). Le président algérien aura fort à faire à Heiligendamm, face aux décideurs du monde. Le premier sujet sur lequel Européens et Américains n'ont jamais étaient d'accord, est celui du réchauffement climatique. Si les premiers se dépensent pour trouver un compromis sur une réduction des gaz à effet de serre de 20% à l'orée de 2020, honorant quelque peu leur engagement sur l'accord de Kyoto, les USA de Bush qui n'ont jamais pris au sérieux cet accord mondial, proposent depuis ce vendredi, un projet qu'ils soumettront à la fin de 2008 au reste du monde, où ils impliquent, sans les consulter, des pays comme la Chine, l'Inde, le Brésil, l'Afrique du Sud...Autrement dit, George Bush souhaite gagner du temps, calmer les Européens et allonger le débat sur l'urgence de la lutte contre le réchauffement de la planète. Il sait, par exemple, que la Chine, qui détient plus de 150 milliards de dollars d'actifs américains (dette), ne le laissera pas dicter sa volonté industrielle au reste du monde. L'autre sujet qui fera une irruption remarquée lors de ce G8, viendra des Russes. Vladimir Poutine dispose d'arguments de taille: le bouclier antimissile américain en Europe et la question du statut du Kosovo. Sur le bouclier antimissile, le président russe a répondu, rappelons-le, par la suspension du moratoire sur la poursuite des armements nucléaires. Mercredi dernier, la Russie a procédé à un essai de lancement d'un missile nucléaire à têtes multiples (10 ogives nucléaires), missile qui échappe aux radars et missiles américains d'interception. Cela s'appelle une course aux armements nucléaires. Le message de Poutine n'est pas qu'une réponse à Bush. Il rappelle aux Européens le partenariat stratégique qu'ils ont signé avec les Russes, notamment sur les questions énergétiques. En sus, Vladimir Poutine a, d'ores et déjà, fait savoir son opposition au projet de statut d'indépendance «surveillée» proposé par l'UE à l'ONU. Face à de tels désaccords, où se situera le nouveau président français, Nicolas Sarkozy? Entre son admiration pour Bush et son aversion pour Poutine, il risque de casser les consensus fragiles au sein de l'UE, lui qui se dit vouloir donner plus de cohésion à cette Union? A côté d'autres pays observateurs invités à ce G8, l'Algérie, par la voix de Abdelaziz Bouteflika aura la lourde responsabilité de défendre le point de vue de l'Afrique. Rappelons que le Nepad, adopté en juin 2001, a été endossé par le G8, en juillet de la même année à Gênes (Italie). L'engagement du G8 à faire sien le Nepad dans le contexte de la mondialisation économique à été confirmé lors de sa réunion tenue à Accra (Ghana) en fin 2002. Et les premiers engagements des pays bailleurs de fonds du G8, plus la Russie ont été inclus dès le Sommet de ce G8 de juin 2003 à Evian (France). Ces quelques rappels indiquent que les pays les plus riches du monde ont compris que leurs bien-être, leur avenir ainsi que la paix, ne peuvent se concevoir sans éviter des retombées négatives de la mondialisation économique sur le continent africain. Pour leur part, les Africains, conscients de leurs responsabilités se sont fixés une dizaine d'objectifs, qui vont de la bonne gouvernance, les réformes institutionnelles, la démocratie, le compter-sur-soi et la solidarité africaine, en passant par des projets régionaux, interrégionaux... Enfin, la dernière réunion d'évaluation du Nepad tenue à Alger, le 22 mars dernier, a pu mesurer la maturité du projet, et se sont, certainement, les conclusions d'Alger que portera Abdelaziz Bouteflika, au nom de l'Afrique, devant les riches du G8, la semaine prochaine, en Allemagne. Au vu des sujets à l'ordre du jour à Heilligendamm, des oppositions entre Européens, Américains et Russes d'une part, Américains et Russes, d'autre part, les membres du G8 prêteront-ils une oreille attentive à l'appel de l'Afrique? C'est peut-être l'heure pour la Chine, le Brésil, l'Inde...mis en cause par Bush, d'entrer dans la «danse» pour briser l'unilatéralisme américain.