La grande nouveauté par rapport à cette revendication tient au fait que tamazight vient de compter un autre défenseur et de taille. L'entrée de tamazight dans la Constitution en tant que langue nationale était attendue. La décision prise par le chef de l'Etat hier, même si elle n'est pas surprenante, n'en demeure pas moins historique. Le Palais des nations a vécu, en ce 12 mars 2002, un événement sans précédent dans l'Histoire de l'Algérie indépendante. C'est en réponse aux revendications contenues dans la plate-forme d'El-Kseur que le Président de la République a fait cette annonce. Mais plus encore, Bouteflika assume sa décision en relevant: «Reconnaître constitutionnellement la langue amazighe comme langue nationale n'est que le parachèvement d'un processus consacré, et dans les faits et dans la pratique institutionnelle.» Pour le chef de l'Etat, «il est primordial de poser comme postulat que la reconnaissance de tamazight (...) s'inscrit dans un esprit de consolidation du processus global de restauration de la personnalité nationale unique». La question du principe étant réglée, Bouteflika a annoncé dans son discours son intention de décréter tamazight langue nationale sans recours à un référendum populaire. Cela étant, le chef de l'Etat n'omet pas de rappeler sa position vis-à-vis de la question lors de la campagne électorale pour l'élection présidentielle d'avril 99. A ce propos, le chef de l'Etat dira : «J'ai parlé de la question avec toute la franchise qu'impose la gravité du sujet. Je l'ai fait en étant d'autant plus à l'aise que durant ma campagne électorale où j'avais besoin des voix de tous, j'avais exprimé ma conviction de l'époque en mon âme et conscience et affirmé en conséquence que la question ne serait tranchée que sur la base d'un référendum populaire.» Entre-temps, la situation a évolué et Bouteflika d'affirmer qu'il a «librement choisi de constitutionnaliser la langue amazighe en tant que langue, n'ayant en vue que l'intérêt supérieur de l'Algérie». Une évolution où le mouvement citoyen a sans doute joué un rôle important. Cependant, le Président de la République motive le non-recours au référendum par crainte que «sa réponse ne soit pas nécessairement positive». La grande nouveauté par rapport à cette revendication tient au fait que tamazight vient de compter un autre défenseur et de taille. En effet, il semble que dès lors qu'il a décidé de constitutionnaliser tamazight, Bouteflika entend «expliquer ici et ailleurs le pourquoi de l'évolution» de sa réflexion. Nous nous dirigeons donc vers une campagne présidentielle d'explication de la décision prise hier. Sa première intervention dans ce cadre pourrait venir de Mostaganem où il se rendra aujourd'hui. En fait, la reconnaissance de tamazight, qui a été longuement applaudie au Palais des nations, ouvre une nouvelle ère dans l'Histoire de l'Algérie et constitue une probable sortie de crise en Kabylie, à quelques semaines des prochaines élections législatives. Néanmoins, les réactions plus ou moins hostiles des radicaux des ârchs et des deux formations politiques majoritaires dans la région, sont de nature à tempérer quelque peu l'enthousiasme né de l'annonce de cette décision historique. Ce n'est donc pas par hasard que le chef de l'Etat fait savoir son intention de défendre la solution qu'il préconise pour la langue amazighe. Les semaines à venir seront déterminantes par rapport au bras de fer qui s'annonce dur, d'autant que Bouteflika aura à se battre sur deux fronts: face aux radicaux et aussi face aux conservateurs qui ne lui pardonneront pas la reconnaissance d'une dimension de l'identité nationale qu'ils ont toujours niée. Il va de soi que le temps joue contre le Président de la République qui devra donner un caractère officiel à sa décision dans les plus brefs délais, c'est-à- dire avant le 30 mai prochain.