Les services de l'ordre ont empêché, avec une brutalité inhabituelle, la marche du Front des forces socialistes. Des dizaines de manifestants, dont des dirigeants et des députés du parti de Hocine Aït Ahmed, ont été brutalisés, blessés et interpellés jeudi à la place du 1er-Mai et ses alentours. Les journalistes et les mères des disparus n'ont pas été épargnés par les policiers venus nombreux pour exécuter la décision du ministère de l'Intérieur d'interdire la manifestation du parti. Résultat: 150 arrestations, selon le décompte du parti, opérées parmi les militants et sympathisants du FFS et plus d'une dizaine de blessés dont un membre du conseil national, Khaled Tazaghart. A 16 h, les services de l'ordre veillaient encore sur la Place de la Concorde. Mais à cette heure-là, les responsables du FFS continuaient à faire le tour des commissariats pour négocier la libération de leurs militants interpellés «une heure avant le temps fixé pour la marche», et les couloirs des urgences de l'hôpital Mustapha-Bacha précise e président du groupe parlementaire du parti M.Yekhlef Bouaichi. Tout a commencé à partir de 9 h. En contact par téléphone portable avec les militants venus de Kabylie, les organisateurs sont informés que ces derniers viennent d'être refoulés aux portes d'Alger. Les barrages filtraient, dès le petit matin, les entrées de la capitale. Mission: empêcher les cars de sympathisants du FFS d'entrer dans la capitale, dira un responsable. On nous informe, en outre, que la marche vers la Place des Martyrs s'est transformée en un sit-in. Au Champ de manoeuvre, juste avant 10 h, l'impressionnant dispositif de sécurité commence à se manifester. En face, moins d'une soixantaine de manifestants est éparpillée. Des interpellations discrètes commencent à être opérées. Durant une demi-heure, ce climat électrique plane sur la Place de la Concorde. Il était 11h quand un groupe de manifestants, venant du boulevard de l'ALN, fait son apparition. A la tête du groupe, on voyait le premier secrétaire du parti M. Djeddaï et les membres du conseil national. A quelques mètres des éléments du service de l'ordre, les manifestants criaient «Da l'Hocine mazalna mouâaridhine» (Nous sommes toujours des opposants). Immédiatement, un mur infranchissable de policiers s'est dressé devant les 70 manifestants que contenait le groupe guidé par Ahmed Djeddaï et dont faisaient partie des anciens combattants de la Guerre d'indépendance. Le face-à-face n'a pas dissuadé les protestataires qui tentaient de franchir le dispositif policier. Au moment où «Pouvoir assassin» et «Ulac smah ulac» ont été scandés, l'ordre a été donné d'évacuer manu militari les manifestants. En quelques minutes, tout le périmètre de la Place de la Concorde était investi par les policiers. Au milieu d'une bousculade, la poursuite et la dispersion des manifestants ont été opérées avec une telle brutalité que la Place de la Concorde a été vidée. Après avoir reçu de violents coups de matraque sur la tête, le dos et les autres parties du corps, les militants du FFS ont été évacués par leurs camarades vers l'hôpital situé à une trentaine de mètres. Parmi les blessés, nombreux perdaient leur sang. Dans leur tentative d'immortaliser ces scènes, les photographes de presse en ont été empêchés et violentés par les policiers. Dans la foulée, quelques appareils ont été endommagés et des pellicules ont été confisquées par les services de l'ordre. Rencontré sur les lieux, le président de l'association RAJ a déclaré que des membres de son association ont été également interpellés. C'est ainsi que le FFS, qui avait appelé à manifester pour demander «le respect des droits politiques, économiques et sociaux» et défendre «la liberté d'expression, d'association et d'organisation», a eu la réponse «physique» que les marches sont interdites à Alger.