La notion d'abandon demeure entachée d'opprobre et de condamnation, encore inspirée par la croissance des naissances marginales et illégitimes. Les enfants sans famille restent le thème récurrent et la préoccupation première du Dr Mourad Merdaci qui leur a consacré plusieurs ouvrages dont le dernier en date «Les enfants abandonnés en Algérie» est sorti récemment aux Editions L'Harmattan à Paris. Dans ce texte, l'auteur revient sur un certain nombre d'observations faites dans le cadre des travaux consacrés à ce problème itératif de l'enfance abandonnée et de sa prise en charge. Psychologue-clinicien, psychothérapeute, le Dr Merdaci a mené, ces dernières années, plusieurs expertises, nationales et internationales, sur ce thème de l'enfance, généralement, sur cette catégorie sociale privée, dès la naissance, du sein maternel plus particulièrement. «En Algérie, la notion d'abandon demeure entachée d'opprobre et de condamnation encore inspirée par la croissance des naissances marginales et illégitimes car non consacrée au plan spirituel et de droit» écrit, en effet, Mourad Merdaci, en préambule de son étude. «Mais il ne s'agit que de l'aspect explicite d'une situation paradoxale devant laquelle manque l'imaginaire de perspectives et d'ouvertures. La question du devenir des enfants abandonnés ou en état d'assistance institutionnelle et juridique se pose en terme de suppléance humaine, nourricière et identitaire» explique M.Merdaci qui souligne: «La mission déléguée aux institutions de substitution, sanitaires et sociales, s'est révélée restrictive et préjudiciable à la continuité du processus progrédient d'enfants et d'adolescents sans alternative symbolique» Dans son ouvrage «Les enfants abandonnés en Algérie: Une clinique des origines» énoncé en quatre chapitres, l'universitaire constantinois remonte la genèse du processus du suivi clinique de l'enfant abandonné de la naissance à sa mise sous assistance institutionnelle. Selon Mourad Merdaci, parmi les divers champs d'investigation sur les enfants, celui de l'enfance abandonnée, demeure, dans le cas de l'Algérie, celui qui représente un contexte spécifique «en raison de ses nombreuses articulations politiques, psychosociales et psychopathologiques» En effet, le placement des nourrissons en milieu spécialisé s'accompagne la plupart du temps de traumatismes souvent irréversibles pour l'enfant coupé de son milieu naturel, la famille. C'est ce que s'astreint à démontrer le Dr Merdaci, qui revient, d'autre part, sur les expériences menées au niveau de pouponnières et centres d'accueil de ces enfants livrés à eux-mêmes dès leur naissance. Dans un chapitre introductif, l'auteur cerne la problématique en posant les contextes généraux de l'enfance abandonnée. Les problèmes de l'enfance sont induits d'une manière générale par le développement post-indépendance et par les mutations qu'a connues l'Algérie durant les quatre dernières décennies. Le problème des naissances illégitimes n'est pas nouveau en fait mais il est occulté par le poids des habitudes, de l'ignorance, voire de l'indifférence. Les enfants abandonnés étaient alors confinés en pouponnières médicales puis sociales sans autre suivi ou assistance institutionnelle ou judiciaire. En Algérie, écrit le Dr Merdaci, l'intrication des données accumulées depuis quelques années, tant au plan historique que sociopolitique et institutionnel, rend le problème plus ardu. En fait, le destin de ces enfants se décide ou peut se décider dans les premiers âges de l'enfant et des capacités de la mère de prendre ou reprendre son enfant. Trois cas de figure se présentent dans ce contexte, indique le Dr Merdaci, 1) le placement transitoire (demande sociale); 2) le placement d'observation (judiciaire); 3) le placement définitif (abandon). «Dans les deux premiers cas, écrit l'universitaire, la mère garde le recours d'une reprise de l'enfant, même quand il y a dépassement du délai imparti au placement fixé à six mois». Aussi, indique-t-il, «dans la majorité des cas, la finalité du séjour institutionnel de l'enfant abandonné consiste en un placement familial conçu sous deux modes essentiels». L'adoption plénière étant interdite en Algérie, il s'agit surtout de placements nourriciers ou définitifs; 1-placement familial en nourrice (probatoire ou définitif à la charge de l'Etat); 2-placement définitif auprès de couples et familles sans enfants (l'institution garde seulement un rapport de consultation) l'auteur analyse chacun de ces cas en mettant en exergue leurs avantages et inconvénients. Le deuxième chapitre intitulé «Clinique des origines» s'étend sur la période allant de la réception de l'enfant ou du nourrisson (au centre d'accueil) avec tout ce qui caractérise la nouvelle vie de l'enfant en institution. L'âge de l'enfant, sa santé, son alimentation, l'environnement dans lequel il va vivre, participent au processus de développement (ou de perturbation) de l'enfant. L'auteur présente et commente, dans ce chapitre, plusieurs cas cliniques observés in situ. Dans les chapitres III, le Dr Merdaci approfondit son analyse sur la sémiologie des interactions institutionnelles et le chapitre IV étudie les règles du changement; processus de changement et champ d'expérience de la pratique psychologique auprès des nourrissons et des personnels de la pouponnière de Constantine. En réalité, le problème des enfants abandonnés en Algérie, outre social et thérapeutique, est aussi, sans doute surtout, un problème politique et religieux, notamment pour ce qui est des conditions de la «kafala» et de l'adoption. Ecrit dans un langage simple et facile à lire, le Dr Mourad Merdaci, dans «Les enfants abandonnés en Algérie» lève le voile sur un monde, celui des enfants sans attache familiale, en resituant dans leurs dimensions humaines les questions liées à la prise en charge, au suivi, à la thérapeutique de nourrissons et d'adolescents livrés à eux-mêmes dès la tendre enfance et guettés par des traumatismes souvent irréversibles. Auteur de plusieurs livres et articles traitant du sujet de l'enfance, le Dr Merdaci a été récemment élu au conseil d'administration de l'Association internationale de formation et de recherche en éducation familiale (Aifref), à l'issue de son XIe congrès qui vient de se tenir à Coimbra (Portugal), élection connotée comme étant une reconnaissance du travail de longue haleine sur les questions de l'enfance en Algérie. Docteur en psychologie clinique de l'université Louis-Pasteur de Strasbourg, diplômé d'études supérieures spécialisées en psychologie clinique et pathologique de l'université Paris V -René-Descartes-, Mourad Merdaci est maître de conférences habilité en psychologie clinique à l'université Mentouri de Constantine et directeur scientifique de la revue Champ Psychopathologies. Enfants abandonnés en Algérie: Une clinique des origines de Mourad MERDACI Edition L'Harmattan Paris-mars 2007