«Il était une fois la révolution» aurait pu être le titre de cet ouvrage qui est un témoignage poignant et sincère sur des pages glorieuses de la révolution algérienne. L'écriture de l'histoire est un casse-tête qui revient à chaque célébration du 5 Juillet ou du 1er novembre. Au moment où les glorieux moudjahidine nous quittent les uns après les autres sans nous livrer leurs mémoires, il est toujours intéressant de pouvoir lire un témoignage d'un acteur qui a vécu les événements de la guerre de Libération nationale; Mohamed Chérif Ould El Hocine est de ceux-là. Auteur d'un ouvrage paru en 2007, et intitulé Au coeur du combat, M.Ould El Hocine nous livre des récits authentiques des batailles du commando Si Zoubir et de la katiba El Hamdania (ALN, wilaya IV). D'abord, qui est M.Ould El Hocine? Né à Hadjout (ex-Marengo) le 11 août 1933, M.Ould El Hocine est un ancien officier de l'Armée de libération nationale. Issu d'une famille originaire de Aïn El Hammam (wilaya de Tizi Ouzou), l'auteur a fait des études primaires à Marengo, au terme desquelles il obtient le Certificat d'études primaires. Il entre alors dans la vie active en prêtant main forte à son père qui exploite un café. Il rejoint les rangs de l'ALN en 1956, dans la wilaya IV. D'abord moussebel puis fidaï, il est intégré au sein du commando Si Zoubir (zone II) au lendemain de l'attentat du 13 janvier 1957, dans la ville de Marengo. Il fait ensuite partie de la katiba El Hamdania (zone II, région 3) qui inflige de cuisants revers à l'ennemi. Membre du conseil sectoriel de Cherchell en tant que commissaire politique, il occupe le poste de responsable des renseignements et liaisons, avant d'être nommé chef de secteur politico-militaire dans l'Ouarsenis (zone III), puis membre du conseil régional de Theniet El Had. En 1958, blessé au cours de la bataille de douar Siouf, il est évacué vers le Maroc pour y subir des soins. Plus succinctement, M.Ould El Hocine est un invalide de guerre, cadre supérieur de la nation, aujourd'hui à la retraite. Il suffit de dire que la préface du livre a été rédigée par Hadj Ben Alla, membre du Conseil national de la révolution algérienne (Cnra) et ancien président de l'Assemblée nationale pour saisir toute l'importance de ce témoignage écrit. Hadj Ben Alla ne manque pas, du reste, de saluer la libération de la parole des acteurs de la Révolution. Ajoutant que l'honnêteté commande de dire que cet ancien officier de l'ALN, qu'est M.Ould El Hocine, n'a pas attendu cette récente libération de la parole pour se préoccuper de l'écriture de l'histoire. Déjà, dans les années 70, Ould El Hocine ne lésinait sur aucun moyen pour réunir ses compagnons et autres moudjahidine autour de mémorables cérémonies d'inauguration de stèles et de commémorations pour rendre hommage à des hommes de la stature de Si Ahmed Bougara, le fameux colonel si M'Hamed qui marqua de son empreinte et de son rayonnement, l'histoire de la wilaya IV. Outre les faits et les détails relatés par l'auteur, et qui éclairent d'un jour nouveau des pans entiers de l'histoire de la Révolution, on retiendra également une galerie de photos de première importance. Sur plusieurs pages, on peut s'attarder sur les portraits des héros de la Révolution, comme les colonels Bougara, Dehilès, Ouamrane, Yacef Saâdi, Amirouche, Mohamed Saïd, Zamoum Mohamed dit Salah, pour ne citer que ceux-là, mais le lecteur se fera une joie, en feuilletant ce livre, de se familiariser avec d'autres figures éminentes de la Révolution algérienne. Outre cet aspect iconographique, qui vient verser au dossier de l'écriture de l'histoire de la Révolution, des documents de première main, il y a, bien entendu, le récit lui-même qui s'articule autour d'événements vécus directement par l'auteur en compagnie de ses compagnons d'armes. L'auteur est lui-même issu d'une famille nationaliste, que ce soit son père, Si Tahar, son frère ainé Tayeb, plusieurs fois jeté en prison, son frère cadet Rabey, tombé au champ d'honneur dans la région de Bordj Menaïel,. Il nous relatera également l'histoire de ses premiers compagnons, Sid-Ali Hocine, Ali Fettaka, Mohamed Allouane, avec lesquels il passera l'examen de son attentat probatoire dans la ville de Marengo, et qui tomberont, plus tard, au champ d'honneur. Le deuxième chapitre est consacré à l'embuscade de Hammam Righa. On lira dans ce chapitre des feuilles d'une très grande beauté. L'auteur explique, que d'ordinaire, les moudjahidine entraient dans un douar à la tombée de la nuit, pour le quitter avec la plus grande discrétion vers 4 heures ou 5 heures du matin. «Mais comme nous avions également le devoir psychologique, hautement important, pour ainsi dire, de maintenir un contact étroit et très suivi avec les gens de notre peuple, il fallait que cette population rurale, -hommes, femmes et enfants- ait tout le loisir de nous voir de près, pour s'assurer le plus directement possible de notre existence, de notre présence réelle et tangible. Les moudjahidine qui combattaient pour la liberté nationale ne devaient pas être des fantômes». Le chapitre 3 est consacré à l'accrochage de Tadinarte Krarèche (ex-camp des Chênes au Ruisseau des singes), 1957... Le livre revient donc avec des détails très intéressants sur des accrochages, des embuscades, des ratissages, mais toujours il y a cet humanisme, cette lueur et cette chaleur faites de tendresse, qui fait que la révolution n'est pas seulement une question de baroud et de coups de fusil, mais qu'il y avait des sentiments, un idéal, une amitié sincère entre les compagnons d'armes, mais surtout une osmose entre les maquisards et les populations. Sans cette osmose, la révolution aurait été un échec.