A Mostaganem, parmi les spectateurs assidus, il y avait le directeur du théâtre de Lenche (Marseille). L'Expression: Vous voici en Algérie et à Mostaganem, précisément. Des commentaires? Maurice Vinçon: Oui! C'est facile de répondre. On est venu en décembre 2006 dans le cadre d'une mission de la Ville de Marseille à Alger. On faisait partie de la commission culture. On a souhaité rencontrer le directeur du Théâtre national algérien, M'hamed Benguettaf, car nous voulions mettre en place un échange entre les villes de Marseille et d'Alger sur le plan du théâtre. Lors de cette visite, nous avons émis quelques idées, mais le temps nous a fait défaut, car trois jours ne peuvent suffire à travailler réellement. Par conséquent, M.Benguettaf nous a alors invité, à la 40e édition du Festival du théâtre amateur de Mostaganem afin de pouvoir préparer ce travail d'échange entre le Théâtre national algérien (TNA) et le cothéâtre de Marseille. Ceci en est la première raison. De surcroît, nous sommes très heureux de venir à Mostaganem car en tant que professionnels du théâtre, nous travaillons également avec les amateurs. D'ailleurs, nous encadrons beaucoup de compagnies dans cette catégorie du 4e art. Nous nous sommes rendu compte que le dynamisme du théâtre amateur en Algérie, pouvait enrichir nos échanges. A cet effet, nous sommes en train de travailler avec Djamel Bensaber, commissaire du Festival du théâtre amateur, afin de nouer un véritable échange entre Marseille et Mostaganem dans le cadre du 4e art. Peut-on en savoir plus sur ces projets? Pour le moment, je ne peux pas tout dévoiler, parce que ce n'est pas encore confirmé d'une manière précise et concrète. Reste que nous envisageons déjà la participation du TNA à Marseille dans notre théâtre pour la saison prochaine par la présentation d'un certain nombre de spectacles modestes. Etant donné que notre théâtre ne possède pas de grandes scènes, il faudra des pièces avec deux ou trois comédiens au maximum. C'est pour l'instant le projet immédiat. En contrepartie, la compagnie de notre théâtre viendra jouer en Algérie, la saison d'après, tout un cycle de Tchekhov. Pour l'instant, nous sommes en train de monter la totalité de ses oeuvres. Nous viendrons, bien sûr, les jouer au TNA mais aussi au niveau des théâtres régionaux. Concernant le théâtre amateur, en ce moment, nous étudions, avec Djamel Bensaber, la possibilité de faire des échanges de production de troupes d'amateurs entre les deux rives. Vous avez été assidu lors des représentations. Quelle évaluation faites-vous de la prestation de nos jeunes amateurs? Je n'aime pas trop donner des appréciations de valeur, mais ce que je trouve d'intéressant en premier lieu, c'est le dynamisme de ce théâtre amateur. Ce qui est très intéressant, c'est la présence de nombreuses équipes très jeunes, qui entreprennent différents spectacles très variés. Il est évident que nous avons vu des choses qui nous sont apparues particulièrement captivantes, intelligentes, bien faites et artistiquement soignées. Nous avons vu d'autres spectacles, par contre, que nous avons moins aimés et les avons trouvés, bâclés. Mais l'essentiel dans une rencontre comme celle-ci, est que les compagnies puissent montrer leur travail et en discuter. Ce que je trouve extraordinaire, c'est qu'après chaque spectacle, un débat est organisé. Je me garderai bien d'avoir un jugement général. Car je connais trop peu l'Algérie. Je n'ai vu que quatre à cinq spectacles. Il me faudrait un peu plus de temps pour nourrir ma curiosité. Avoir des réflexions et des discussions avec les troupes pour peaufiner mes appréciations. Le théâtre amateur que j'ai vu ici est très voisin du théâtre amateur qui existe en France. C'est à peu près le même type de travail. Il y a des choses bien et d'autres moins bonnes. Qu'est-ce qui distingue les jeunes amateurs des deux rives? Lors des discussions avec les festivaliers, ce qui nous a paru surprenant, c'est qu'en Algérie, le point essentiel est le texte. Certes, le texte est important pour nous aussi. Mais, ensuite, nous aurons du mal à parler de la dramaturgie, du jeu des acteurs, du mouvement et de la mise en scène. Comme si ces choses-là ne sont pas suffisamment analysées. C'est un peu la sensation que j'ai eue. Est-ce dû, selon vous, au manque de spécialistes dans cette branche? Peut-être, mais après tout, le théâtre amateur comme le théâtre professionnel, ne doivent pas obligatoirement s'appuyer sur des théories de formations. Ils doivent aussi naître du travail mené sur la scène. J'aimerais bien les voir travailler, savoir comment ils abordent une pièce, un texte ou une idée. Et ce qu'ils font pour la concrétiser. Sachez que je ne le sais pas car je n'ai vu que le résultat. J'aimerais les voir travailler pour savoir où se pose le problème sur l'absence de réflexion, de la mise en scène et du jeu des acteurs. Apparemment, c'est l'un des objectifs de votre association? Certes, on est aussi là pour ça. Ce qui nous permettra, justement, de faire travailler ensemble de jeunes acteurs amateurs algériens avec des amateurs français. Et de voir un peu comment les deux pratiques sont semblables ou différentes. Cette distinction, on la verra sur le plateau. Votre appréciation sur le public mostaganemois? Je suis très surpris et admiratif. Parce que, durant toutes les représentations auxquelles j'ai assisté, j'ai constaté un public nombreux, connaisseur, attentif et solidaire avec le plateau. Les spectateurs réagissent bien, je trouve que c'est assez exceptionnel. On n'a pas exactement ce public en France. Un dernier mot? Je souhaite que ce qui a été entrepris entre nous, puisse se développer. C'est-à-dire sur les plans artistiques et autres. Et que la France et l'Algérie puissent renouer des liens d'amitié et d'affection dont elles ont bien besoin toutes les deux.