Entretien n Maurice Vinçon estime que le théâtre algérien se met en forme, d'où le vœu de son théâtre de contribuer à son développement. InfoSoir : Avez-vous déjà participé à un festival en Algérie ? Maurice Vinçon : Oui, j'ai déjà participé au Festival du théâtre amateur de Mostaganem en 2007, mais c'est la première fois que j'ai pris part au Festival national du théâtre professionnel. Ma première expérience remonte à 1981 où il y a eu un échange entre Alger et Marseille avec une pièce «Les folies Molières». Il y a eu après des contacts mais épisodiques avec la partie algérienne. Il y a quelques années, j'ai fait une intervention à l'institut national d'art dramatique, puis, en 2003, on a invité le théâtre Sinjab de Bordj Ménaïel. Ensuite, à partir de 2006, le Théâtre Lunche et le Théâtre national algérien ont entrepris une convention de coopération. En quoi consiste ce partenariat ? On a pu s'apercevoir que le théâtre algérien commence à bouger. On a donc décidé de participer à cette dynamique. En fait, le TNA jouera, en octobre, au Théâtre Lunche. Ivan Romaneuf, directeur artistique de Lunche, viendra, à la rentrée, faire une mise en scène, donc monter une pièce de M'hamed Benguettaf, où il associera des comédiens algériens et français. En automne 2009, une tournée du Théâtre Lunche sera programmée dans les théâtres régionaux. On envisage aussi de mettre en place un stage de jeu théâtral de comédiens français et algériens sur des auteurs contemporains comme on projette un stage de formation de techniciens. Tout ce travail de coopération est en train de se mettre en place et, en conséquence, de se formaliser. Quel est l'objectif de cette coopération ? En fait, ce que nous voulons, c'est, d'une part, de participer avec notre expérience à cette relance que connaît le théâtre algérien, et, d'autre part, de développer une coopération à égalité, de l'enrichir et de la diversifier. En côtoyant le théâtre algérien, quel regard y portez-vous ? Comme impression, voire comme premier regard, on peut dire que le théâtre algérien se met en forme. Il s'inscrit dans un mouvement enthousiasmant. On a vu beaucoup de choses. On a vu de beaux spectacles comme on en a vu de moins bons. Il y a en fait de tout. Ce qui est intéressant, c'est cette diversité qui caractérise le théâtre algérien, notamment au plan de la scénographie et de l'interprétation. Il y a un grand potentiel. Il reste à le fructifier. Et encore ? Ce que nous avons pu aussi remarquer, c'est que le théâtre algérien, qui connaît une grande dynamique, n'a encore pas retrouvé ce qui lui soit propre. Il y a reprise des anciens modèles comme il y a ce souci de recherche de nouveaux genres d'expression théâtrale. Cela s'explique, soulignons-le, par le fait qu'il y ait eu, par le passé, un vide. Mais une chose est sûre, c'est que ça bouillonne. *Directeur du Théâtre Lunche de Marseille l Interrogé sur la particularité du Théâtre Lunche, Maurice Vinçon a affirmé : «On est un théâtre de création. On travaille sur des auteurs contemporains. En fait, on fait du théâtre contemporain populaire. C'est-à-dire on fait un théâtre qui soit compris par tous et éviter, du coup, l'élitisme. Notre démarche est de trouver et de proposer des spectacles plaisants et distrayants, mais en même temps qui apportent une réflexion. Interrogé ensuite sur la place du Théâtre Lunche dans le paysage théâtral français, Maurice Vinçon estime que «c'est un théâtre qui est bien reconnu par la profession. On n'a certes pas une aura nationale, mais on a des partenaires qui nous soutiennent et un public qui, assidu, nous encourage et nous suit.» Et de poursuivre : «Le Théâtre Lunche qui existe depuis plus de 30 ans se présente comme étant l'un des aspects du théâtre français qui est multiple.» S'exprimant, en outre, sur le théâtre français, Maurice Vinçon a indiqué : «Il y a un courant qui se veut consensuel et ainsi ne soulevant pas, d'une manière incisive, les réalités sociales. C'est un théâtre seulement de divertissement. A côté, il y a un théâtre qui reste éveilleur des consciences. Il interpelle l'individu et l'invite à réfléchir sur soi. C'est donc un théâtre qui pose des problématiques et interroge la société. Mais parfois ça se croise, par endroits, entre ce théâtre et celui du divertissement.» Maurice Vinçon a regretté que le théâtre en France tende de plus en plus vers le divertissement. «C'est pour répondre à la demande», a-t-il expliqué, ajoutant : «On offre des choses faciles au public, celui-ci devient moins exigeant. On est dans une société de consommation.»