Le poids de l'histoire, les politiques ambiguës, le laïcisme colonial se sont opposés à l'islâm humain. La conquête de l'Algérie s'est vite précisée par l'application d'une politique musulmane changeante au gré des volontés gouvernementales françaises. L'évidence est telle que l'on voit encore aujourd'hui des traces dans les diverses activités devant, en principe, rapprocher les idées, atténuer les raisons trop obtuses, vaincre les ressentiments, créer un domaine tranquille où les passions pourraient s'apaiser, se respecter et se décider à se comprendre. Autrement dit, à vivre en paix, en quelque lieu que l'une ou l'autre se trouve ou ensemble se retrouvent. En publiant La France et ses musulmans(*), Sadek Sellam nous propose une interprétation judicieuse d'«un siècle de politique musulmane (1895-2005)» exercée en France, héritage de principe de son administration dans ses colonies, les plus directement concernées par l'islâm, tant il est vrai que «peu de sujets soulèvent les passions autant que l'islâm en France». Il n'est, si j'ose dire, qu'à analyser, ainsi que l'écrit l'auteur, «la multiplication des controverses sur la présence de plus de cinq millions de musulmans», ce qui «vaut à cette religion d'occuper une place très importante dans les médias, l'édition et les discours des hommes politiques». L'inventaire des accusations est infini, sans cesse mis à jour, contre les musulmans aussitôt qu'apparaît une crise politique ou sociale en France ou ailleurs. Effectivement, observe encore Sadek Sellam: «L'Islam est mis dans le collimateur au moment des graves affaires de terrorisme, retombées hexagonales des crises dans les pays musulmans comme le Liban, l'Iran ou l'Algérie, ou attribuées à des courants radicaux prêchant la violence au nom de la religion. Quand des musulmans nés en France et instruits à l'école publique sont impliqués dans ces actes de violence, ce sont les familles musulmanes qui sont plongées dans la consternation et éprouvent un sentiment d'échec dans l'éducation d'une partie de leurs jeunes.» Islamologue algérien, auteur de plusieurs ouvrages, dont Être musulman, aujourd'hui (1989), Sadek Sellam ne se hasarde pas à proposer des solutions -on aura noté, auparavant, l'intitulé exact de ce travail La France et ses musulmans, un siècle de politique musulmane (1895-2005)-, il soumet à l'observation rigoureuse, scientifique tous les documents, tous les faits historiques pour dégager une conclusion, si provisoire soit-elle, et, pour le moment, porteuse de vérité et d'espoir. Il essaie de remonter loin dans les origines historiques, politiques, socio-économiques des crises dans lesquelles l'islâm a été si souvent, si fréquemment incriminé. L'auteur écrit: «L'impartialité des études qui se contentent de ces singulières sélections apparaît si l'on se souvient que: -La France est en contact direct avec l'islâm depuis plus de deux siècles; la présence des musulmans en France remonte à la fin du xixe siècle; l'islâm est la deuxième religion de France depuis le tout début des années 1970; les tentatives d'´´organisation´´ de l'islam en France ont commencé à la fin des années 1970.» Les analyses sont claires et très fournies en références. Rien ici n'échappe à la vigilance de la recherche pour expliquer les refus multiples d'appliquer en France le droit commun à l'islâm. L'auteur retrace en détail «l'histoire du statut spécial de l'islam, qui a été choisi délibérément par des laïcistes convaincus, mais obstinément opposés à l'application de la loi de 1905 à cette religion mal aimée». L'étude de Sadek Sellam se développe en trois parties: L'islam en France, une présence séculaire; La France et ses sujets musulmans (1830-1947); La France et ses citoyens musulmans (1947-2004). Il s'agit là d'un travail de grande qualité, très utile pour la connaissance de l'islam en France et de l'islam en général issu des anciennes colonies à peuplement musulman. (*) LA FRANCE ET SES MUSULMANS de Sadek Sellam Casbah Editions, Alger, 2007, 392 pages.