Voilà une question récurrente, mais toujours inattendue et intéressante. Dans son essai, Introduction à l'histoire de l'architecture islamique (*), Brahim Benyoucef nous propose des pistes contribuant à enrichir la réflexion générale sur l'architecture et l'urbanisme maghrébin «dans son cadre le plus large, celui du monde musulman». À la seule lecture des premières pages de cet ouvrage, nous nous trouvons au coeur de la problématique. Nous y lisons: «La production du bâti et la formation de son cadre relèvent de la combinaison ou plutôt du concours subtil et complexe de facteurs intimement liés (sociaux, économiques, politiques, culturels, religieux et technologiques...) et qui animent par ailleurs le processus de son évolution dans le temps.» La perception de cette problématique, abondamment étayée de références à l'histoire de l'Art, relève d'une combinaison pertinente de l'analyse méthodique, d'une part, et du choix des référents architecturaux, d'autre part. Docteur en planification urbaine et aménagement et diplômé en langues et civilisations orientales, Brahim Benyoucef sait d'où tirer son argumentation et quelle pédagogie appliquer pour convaincre. Car contrairement à ce que l'on pourrait penser, l'objet de son travail n'est pas une sinécure, compte tenu des publications abondantes ´et tendancieuses´ dans ce domaine si difficile où certains experts en critique déloyale ont vite fait de dégager les différences et de les opposer. Là, chez les tendancieux, il n'est pas question de caractériser la couleur de la peau d'une personne, mais, à l'évidence, il est question de tenter de ternir les splendeurs d'une civilisation et de la ruiner: «L'Art islamique, s'interroge alors Benyoucef, serait-il une simple imitation, image reproduite de l'Art ancien et antique (comme veulent le présenter critiques et historiens de l'Art en Occident)?» Cette pensée rétrograde et aveugle n'a certes pas de mémoire. Succédant à ceux des siècles passés, de nombreux historiens des conquêtes coloniales et des empires, omettant de prendre en compte les richesses de la civilisation musulmane, soulignent le courage guerrier induit par les croisades européennes pour l'instauration, en pays barbares, d'une civilisation universelle. Pur argument politicien pour masquer une xénophobie généralisée en Occident et que ne cesse d'exacerber, hélas!, au quotidien un certain 11 septembre et un certain esprit grandissant cultivant l'idée d'un «choc des civilisations». Je pense qu'il faut lire le livre de Benyoucef, qui se présente du reste comme un cours d'histoire critique (et comparée) d'architecture, avec le souci de déceler, ici et là, les spécificités remarquables et nouvelles de l'art musulman par rapport à l'art en usage en Occident et qui reste, cependant, lié intimement à une architecture et à un urbanisme islamiques. Il s'agit d'un art issu directement des objectifs dictés par l'esprit de l'Islâm, mais constamment inspiré par la culture (écoles, sciences, techniques, conception, esthétique, tendances,...), la politique, la société et l'économie du pays d'accueil. C'est ainsi que l'auteur aborde dans une partie des généralités pour fixer un nécessaire historique des fondements de l'Art musulman et dans une autre l'évolution de l'architecture dans les grands centres urbains de plusieurs pays où l'Islâm a pu se développer, y compris en Espagne. Des illustrations au trait, extraits de grands auteurs, accompagnent l'argumentation écrite.