«Le patriotisme s'il est exclusif, n'est que l'égoïsme des peuples, il n'a pas de moins fatales conséquences que l'égoïsme individuel: il isole, il divise les habitants des pays divers, les excite à se nuire au lieu de s'aider; il est le père de ce monstre horrible et sanglant qu'on appelle la guerre» (LAMENNAIS, 1782-1854) Mais que se passe t-il dans le monde politique belge? Voici le grand vainqueur des dernières élections législatives belges du 10 juin dernier, le flamand Yves Leterme, actuellement en consultation des autres partenaires politiques pour former le nouveau gouvernement qu'il conduira surpris, en live à la télévision, chantant «la Marseillaise» française au lieu et place de l'hymne national belge, «la Brabançonne». Et ce n'est pas une plaisanterie du prochain premier ministre. Lors de la fête nationale belge du 21 juillet, un journaliste lui demande ce qu'évoque pour lui le 21 juillet. M.Leterme répond avec un large sourire: «D'abord l'indépendance du pays...» Le journaliste l'interrompt: «Pardon, mais le 21 juillet 1831 est l'anniversaire de la prestation de serment du premier roi des belges, Léopold 1er.» Le premier ministre, pensif, fronce les sourcils. Du coup, le journaliste le relance: «Chantez quelques vers de l'hymne national.» Et ne voilà t-il pas que celui qui va présider aux destinées du pays pour les cinq années à venir parti, tout joyeux sur «Allons enfants de la patrie...» Le jour même, hommes politiques, journalistes et simples citoyens s'interrogeaient, sérieusement, sur les capacités intellectuelles du nouveau Premier ministre. Pourtant c'est bien lui qui avait, juste avant les élections, accusait les wallons (francophones) d'être incapables d'apprendre le flamand, seconde langue officielle du pays. Ils lui rendent aujourd'hui la monnaie de sa pièce. Cette bourde de M.Leterme aurait été mise sur le compte de la plaisanterie, n'était-ce la montée ces dernières années du nationalisme flamand au point où il empoisonne la vie sociale et politique en Belgique. Nationalisme sur lequel a surfé, justement M.Leterme, pour gagner les élections du 10 mai dernier. C'est sur des sujets tels ceux de la régionalisation de la sécurité sociale; la reconfiguration des frontières linguistiques de la région de Bruxelles- Capitale...qu'il a conduit sa campagne électorale. En termes clairs Yves Leterme, président du parti social chrétien flamand et ex président de la Flandre, souhaite que la Flandre riche ne soit plus solidaire dans les domaines sociaux de l'autre partie de la Belgique, la Wallonie qui traverse, pour le moment, un passage économique difficile. Cette volonté de se désolidariser d'une partie du pays est saupoudrée sous l'appellation de «réformes institutionnelles.» Il est loin le temps où c'était la Wallonie qui, grâce à son industrie du charbon notamment, faisait vivre la Flandre. Il faut dire que la Belgique connut, dans la foulée de la révolution française, sa propre révolution politique et industrielle, et devint durant une bonne période, la deuxième puissance industrielle du monde. La situation est, aujourd'hui, telle que depuis les élections du 10 mai dernier, les consultations entre partis flamands et francophones pour la formation du nouveau gouvernement traînent en longueur. Plus de deux mois et demi après la situation n'est pas pour autant débloquée. Mai gageons que le célèbre «compromis belge» finira par sauver ce pays si particulier, si bon à vivre quand même.