Sur fond de crise économique, jaillit une forme de gestion de l'Etat peu orthodoxe. Répondra-t-il, ne répondra-t-il pas? Ça y est. C'est fait. Le général Mohamed Touati a répondu, hier, à travers les colonnes des quotidiens Le Soir d'Algérie et El Khabar aux attaques dont il fut la cible de la part de l'ex-chef du gouvernement, Belaïd Abdesselam. Qui dit vrai? Qui dit faux? L'appréciation est laissée à l'opinion publique. Si elle y trouve quelque intérêt. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette polémique par presse écrite interposée n'est pas un régal de littérature. Quels enseignements peut-on, cependant, en tirer? Ce n'est pas de ma faute, c'est de la faute de l'autre, semble dire l'ex-chef du gouvernement. Dans son livre, Belaïd Abdesselam n'a pas fait la critique de choix économiques imposés au pays. Caricaturée, l'histoire se résume à un chef de gouvernement empêché de gouverner par un militaire, un général, aujourd'hui à la retraite. Ce dernier ayant occupé de hautes fonctions à l'époque où les chemins des deux hommes se sont croisés. La réponse du général est cinglante. «En un mot, l'ex-chef du gouvernement n'est victime de personne d'autre que de lui-même et de son dogmatisme. Souhaitons-lui un prompt retour à la sérénité», conclut-il. Il est vrai que n'étaient les institutions algériennes qui en étaient l'enjeu, cette «histoire» aurait fait l'objet d'un fait divers, sans plus. Mais voilà, elle a le mérite de nous renseigner sur un mode de gestion. Pas n'importe lequel. Celui de l'Etat algérien. Sa gestion chaotique de tâtonnement en tâtonnement, cela a mis à nu et explique la fragilité de l'économie algérienne. D'un système basé sur la rente pétrolière. De sa quasi-dépendance des exportations en hydrocarbures. Que le prix du baril de pétrole dégringole, c'est toute l'économie qui tousse. C'est ce qui s'est passé au début des années 90. L'Algérie était au bord de l'asphyxie financière, il fallait faire des choix économiques douloureux. Le FMI, le Fonds monétaire international, a été appelé à la rescousse. Et cela n'a pas été du goût de l'ex-chef du gouvernement. Cette option économique était pourtant jugée incontournable pour éviter la faillite au pays. L'Algérie a sans aucun doute payé le choix d'une industrie industrialisante. Belaïd Abdesselam en était un des promoteurs. Ancien ministre de l'Industrie et de l'Energie de feu Houari Boumediene, il a posé les jalons d'une industrie lourde. Arzew, Hassi Messaoud et le complexe sidérurgique d'El Hadjar, véritable fleuron de l'industrie algérienne. Cet embryon de l'économie productive n'a malheureusement pas été rationnellement exploité, ni les leçons tirées de ce qui se faisait ailleurs, dans les pays fortement industrialisés et certaines erreurs évitées. sans mesures d'accompagnement et accumulant les erreurs, soit par incompétence ou narcissisme, les gouvernements successifs ont précipité l'Algérie dans une crise sans précédent, économique et politique. 1992, arrêt du processus électoral et assassinat du président Boudiaf. Deux événements qui font croiser nos deux hommes. Belaïd Abdesselam revient sur cette courte «collaboration» avec le général Touati entre le mois de juillet 1992 et août 1993. Quinze ans après. Frustrations ou règlements de compte? L'Algérie a été gouvernée dans l'opacité. C'est un fait. Le manque de communication a donné naissance à des «révélations» colportées par la rue. Vérité ou rumeurs? L'opinion publique algérienne a la dent dure envers ses gouvernants. Désenchantée, ses attentes sont ailleurs. Alors, le livre de Belaïd Abdesselam serait-il un combat d'arrière-garde? Un simple coup d'épée dans l'eau ou bien la goutte qui va faire déborder le vase? La réponse du général Touati à l'ex-chef du gouvernement mettra-t-elle un point final à ce type de polémique?