Le sort des infirmières n'était qu'un grain de poussière dans l'oeil d'un énorme ouragan où se croisent des intérêts gigantesques, avec vente d'armes et concessions pétrolières. «Indignation à Tripoli et explications à Sofia», c'est le titre du nouveau feuilleton bulgaro-libyen. Alors que la Libye s'indigne et condamne la grâce accordée par la Bulgarie aux infirmières, c'est le chef du renseignement bulgare, le général Kirtcho Kirov, qui monte au créneau pour déclarer que les services secrets d'une vingtaine de pays, surtout ceux de Grande-Bretagne, mais aussi d'Italie, d'Etats arabes et même d'Israël ont contribué à la libération en Libye des six praticiens bulgares. A en croire le général, dès le mois de février 2007, on savait qu'une solution serait trouvée vers juillet-août. «Leur sort n'était en fait qu'un grain de poussière dans l'oeil d'un énorme ouragan où se croisent des intérêts gigantesques, avec vente d'armes et concessions pétrolières.» Ce qui n'était qu'en filigrane se confirme donc. Pour de nombreux observateurs, l'affaire des infirmières bulgares a été instrumentalisée par la Djamahiria libyenne pour se remettre en selle sur la scène internationale, après les affaires Lockerbie et autres dans lesquelles le régime a été accusé de faire du terrorisme d'Etat et a été mis au ban de la communauté internationale, subissant l'un des pires embargos qu'un pays ait eu à connaître. Ces infirmières, et le médecin d'origine palestinienne, ont fait l'amère expérience de la prison et d'un procès préfabriqué qui a abouti à leur condamnation à mort. Après des médiations internationales de haut niveau qui ont abouti à la libération de ces infirmières et de leur compagnon d'infortune, dans lesquelles la Djamahiria a monnayé de nombreux avantages, dont celui d'une unité de nucléaire civil auprès de la France de Nicolas Sarkozy. C'est donc avec beaucoup de pincettes qu'il faut prendre l'indignation de la Libye après la grâce accordée par le président bulgare aux infirmières, après huit ans passés dans les geôles libyennes. Cette indignation pour la frime n'a pas lieu d'être, la Libye dès le départ savait à quoi s'en tenir, n'ayant pas accordé à ces détenus d'un genre nouveau un procès réglo et des conditions de détention décentes, mais surtout ayant instrumentalisé le cas de ces infirmières pour relooker sa diplomatie, mise à mal pour les improvisations du régime. Des contacts permanents étaient maintenus entre les deux pays. Le général Kirov affirme avoir rencontré cinq fois l'ex-directeur du renseignement libyen Moussa Koussa, en Libye, à Rome, à Paris et à Londres, un contact qui s'est poursuivi à partir de 2004 avec son successeur Abdellah Sanouci, beau-père de Mouamar El Gueddafi. Il s'est dit convaincu qu'une solution serait trouvée vers la fin juillet - août, après un entretien nocturne en février dernier dans une villa viennoise avec Seif El Islam, fils du numéro Un libyen Mouamar El Gueddafi, dont la fondation caritative a joué un rôle d'intermédiaire. Ce qu'il faut surtout retenir, c'est le fait que Seif El Islam a accepté de pousser à ce que la Libye ne lie plus le cas des praticiens libyens à celui de l'officier libyen Abdelbasset Ali Al Maghrahi, condamné à la prison à vie au Royaume-Uni pour l'attentat contre un avion de la compagnie américaine Pan-Am en 1988, qui avait fait 270 morts, au-dessus de la ville écossaise de Lockerbie. Il y eut donc bien un chassé-croisé diplomatique intense, qui a abouti à la libération des praticiens bulgares. Le général bulgare va même jusqu'à mettre en exergue le rôle de plusieurs services de renseignements arabes, palestiniens, égyptiens, algériens, marocains, voire italiens, «qui ont mis à profit leur influence sur la Libye».