Contre une forte «aide» militaire et financière, Washington enrôle un «front arabe» comme ligne avancée au Proche-Orient. Les deux principaux représentants de l'administration américaine, la secrétaire d'Etat, Condoleezza Rice, et le secrétaire à la Défense, Robert Gates, sont revenus au Proche-Orient avec pour objectif de rassembler autour de Washington un «front arabe» anti-Iran, notamment, avec en arrière-plan le souci américain de consolider l'hégémonie des Etats-Unis au Moyen-Orient. Avant d'entamer ce voyage dans cette contrée marquée par la violence tous azimuts, les Etats-Unis ont préparé le terrain en déversant des dizaines de milliards de dollars sur ses plus proches «amis» et alliés moyen-orientaux et israélien. A raison de 3 milliards par an, 30 milliards d'aide militaire vont être alloués à l'Etat hébreu au cours des dix prochaines années. Pour faire bonne mesure, le Caire n'a pas été oublié: 13 autres milliards de dollars seront octroyés à l'Egypte pour le même objectif. En revanche, Washington va vendre pour 20 milliards de dollars d'armements à l'Arabie Saoudite. Mais que va donc faire Riyadh avec cet énorme arsenal quand on sait que dans les années 70/80 les fameux awacs -payés rubis sur l'ongle par l'Arabie Saoudite- ont surtout servi à la protection d'Israël contre...les Arabes. Evidemment, les armes américaines ne peuvent servir contre le protégé des Etats-Unis, l'Etat hébreu. Outre le fait que Washington récupère d'une main ce qu'elle «offre» de l'autre, gageons que cet armement ne servira pas à la protection du royaume wahhabite mais, prioritairement, les intérêts américains dans la région et aussi à asseoir leur hégémonie. Ce que, d'ailleurs, Mme Rice ne nie nullement qui a déclaré, mardi, dans l'avion, qui la menait en Egypte: «Il n'y a aucun doute, l'Iran constitue le défi le plus important lancé aux intérêts américains dans la région et au projet de Proche-Orient que nous voulons». «Intérêts américains» dans le Proche-Orient que «nous voulons», insiste la secrétaire d'Etat américaine, qui ne peut être plus explicite en jouant ainsi carte sur table. Mme Rice ajoute que cette mesure «permettra de soutenir les partisans de la modération ainsi qu'une stratégie plus large destinée à contrer les influences négatives d'Al Qaîda, du Hezbollah, de la Syrie et de l'Iran». En un mot, ce fameux «axe du mal» qui s'oppose à l'influence et au diktat américain. Il s'agit bien uniquement des intérêts américains. Pour les Etats-Unis, cette région du monde est «sa chasse gardée» en plus du fait que le Moyen-Orient - qui renferme près de 60% des réserves de naphte dans le monde -est vital pour l'approvisionnement des Etats-Unis en hydrocarbures. Ce sont les mêmes raisons- lutte contre le terrorisme et les ADM, prétendument détenus par Baghdad -reconnues plus tard sans fondement, qui ont permis l'envahissement de l'Irak par l'armée américaine avec les retombées que l'on connaît. Ce sont ces mêmes ingrédients qui ont servi à l'occupation de l'Irak que les Etats-Unis remettent en avant contre l'Iran et accessoirement contre la Syrie, soutiens, selon les Américains, du «terrorisme» et de velléité d'acquérir l'arme nucléaire. En fait, l'Irak et l'Afghanistan sont devenus des abcès de fixation de la violence dans le Moyen et l'Extrême-Orient, violences dues essentiellement à l'interventionnisme américain. Or, les Etats-Unis ont besoin de foyers de guerre et de tension, notamment dans ces territoires stratégiques pour, outre faire tourner son complexe militaro-industriel, lui assurer la mainmise sur les richesses énergétiques de ces régions d'Asie gorgées d'or noir. Cela s'est d'ailleurs vérifié en Irak où la première initiative prise par les Américains a été de s'assurer du contrôle du pétrole irakien. Aujourd'hui, la production énergétique irakienne est totalement sous la coupe des multinationales américaines. L'Irak n'avait ni armes de destruction massive (ADM) ni liens avec le terrorisme international ou avec Al Qaîda. Mais tout cela n'avait plus d'importance pour les Américains qui se sont solidement incrustés sur place. Que Téhéran affirme que son programme nucléaire est pacifique et à usage civil n'a pas autrement de portée pour Washington qui cherche surtout à préparer l'opinion internationale à une éventuelle frappe militaire contre l'Iran. Que les inspecteurs de l'Aiea n'aient rien trouvé de suspect en Iran -malgré les nombreuses visites effectuées sur les sites nucléaires iraniens- n'a pas plus de poids ou d'impact que n'en ont eu les rapports des agents de l'agence onusienne de sûreté nucléaire qui affirmaient, en leur temps, n'avoir trouvé aucun armement de destruction massive en Irak. L'interventionnisme américain au Moyen-Orient n'a rien à voir avec la démocratie ou autres libertés que Washington agite comme un épouvantail. Voyez ce qu'est devenu l'Irak «libéré» par l'armée américaine. Washington veut-il transformer l'Iran en un nouvel Irak? Qu'ont donc à faire les Etats arabes «amis» de Washington dans cette galère, dans un combat qui n'est pas le leur? L'Iran, la Syrie, le Hezbollah libanais, le Hamas palestinien menacent-ils sérieusement la stabilité des autocraties arabes que sont l'Arabie Saoudite et l'Egypte, singulièrement, qui sont loin d'être représentatifs de la «démocratie» telle que la défendent notamment les Etats-Unis? Le pacte militaire que Washington veut mettre en place au Moyen-Orient et son corps d'armes le «front arabe», n'est-il pas d'abord dirigé contre les Arabes? Du moins ceux qui n'entrent pas dans l'optique américaine ou ne se soumettent pas aux diktats américain et israélien? N'ayant tiré aucune leçon de la destruction en cours de l'Irak, des Etats arabes, pour quelques dollars de plus, acceptent de jouer les pions et le cheval de Troie, au grand bénéfice des Etats-Unis qui confortent leur suprématie sur le monde arabe. Hélas!