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Des poètes aux mains des mercenaires
BABYLONE
Publié dans L'Expression le 06 - 08 - 2007

«On dit que les livres sont conçus en Egypte, édités au Liban et lus en Irak»
L'Irak encore l'Irak, toujours l'Irak!!! Malgré l'indifférence des médias, notamment occidentaux, qui rapportent les faits d'une façon monotone à telle enseigne que même les médias arabes accordent plus de place à des faits divers qui monopolisent les médias occidentaux qu'à la tragédie au quotidien. Combien de morts, de blessés, d'amputés et surtout de traumatisés à vie? Il n'y a aucune statistique fiable. Le professeur Michael Schwartz estime leur nombre à plus de 10.000 par mois au cours des 3 premières années. Et bien plus encore, depuis le renforcement des opérations, ordonné par le président Bush. Alors que la presse atlantiste rend compte des 3600 GI's morts en Irak et des nombreuses victimes civiles des attentats interconfessionnels, elle passe sous silence le massacre quotidien des civils, victimes des patrouilles US et de leurs opérations de recherche de suspects.(1)
Cependant, écrit Michaël Schwartz, une étude scientifique réalisée avec les derniers outils statistiques de pointe a été publiée le 12 octobre 2006 dans le Lancet (la publication médicale britannique la plus réputée). L'étude concluait que -à la date de l'an passé- 600.000 Irakiens étaient morts de mort violente directement attribuable aux opérations militaires en Irak. Répartis sur les 39 premiers mois de la guerre en Irak, cela équivaut à une moyenne d'environ 15.000 morts par mois. Mais le pire n'était pas encore atteint. Le taux de mortalité violente était alors en pleine augmentation, et pendant la première moitié de 2006, la moyenne mensuelle est passée à 30.000 morts.
Les gouvernements US et britannique ont rapidement disqualifié les résultats de cette étude en mettant en cause «les erreurs méthodologiques de l'enquête» -et ce, malgré le fait que les enquêteurs avaient eu recours aux méthodes standard d'investigation, couramment utilisées pour mesurer le taux de mortalité dans des zones de conflit ou de catastrophe. Les raisons pour lesquelles ces gouvernements ne pouvaient accepter cette étude étaient, par contre, suffisamment claires: les résultats étaient tout simplement trop dévastateurs pour qu'ils les reconnaissent. Juan Cole, un des principaux experts états-uniens sur le Moyen-Orient, résuma la conclusion de l'étude de manière abrupte, mais correcte: «La mésaventure US en Irak a tué (en un peu plus que trois ans) deux fois plus de civils que le nombre de personnes assassinées par Saddam en 25 ans.»(1)
La guerre par procuration
Les enquêteurs de l'étude du Lancet ont demandé à leur échantillon de population comment les personnes de leur famille étaient mortes et qui était responsable de leur mort. Les familles n'avaient aucun mal à donner la cause de la mort, plus de la moitié (56%) des interrogés indiquant des morts par balle, 13% mentionnèrent des attentats à la voiture piégée, 13% des bombardements aériens, 14% des tirs d'artillerie et autres explosions...Seulement 4% des interrogés répondirent qu'ils ne savaient pas de quoi étaient morts les membres de leur famille. Même si nous nous arrêtons au chiffre officiel et confirmé de 180.000 Irakiens tués par les opérations militaires des troupes d'occupation US et alliées depuis le début de l'occupation, nous arrivons à une moyenne de plus de 5000 morts par mois. Et nous devons garder à l'esprit que le taux de mortalité violente en 2006 était deux fois plus élevé que le taux moyen, ceci signifiant que la moyenne des tués par les forces US en 2006 était d'environ 10.000 morts par mois- soit à peu près 300 Irakiens par jour, dimanche compris. Ces chiffres paraissent totalement improbables à la majorité des Etats-Uniens. Si l'armée US tuait 300 Irakiens chaque jour, cela ferait la «une» des journaux, n'est-ce pas? Et pourtant, la presse tant imprimée qu'électronique ne nous dit jamais que les soldats US tuent tous ces gens. On nous parle beaucoup d'attentats à la voiture piégée et d'escadrons de la mort, mais on parle beaucoup moins des victimes des soldats US, sauf de temps en temps quand il s'agit d'un «terroriste» important, ou ici et là, parfois, quand l'atrocité est vraiment trop visible.
Pourquoi la presse ne s'y intéresse-t-elle pas? La réponse se trouve dans une autre statistique incroyable: celle-ci est publiée officiellement par le Pentagone et est confirmée par la hautement respectable Brookings Institution [3]: ces 4 dernières années, l'Armée de terre US a effectué en moyenne plus de 1000 patrouilles par jour dans les zones hostiles, dans le but de capturer ou tuer des insurgés ou des «terroristes». (Depuis février 2007, ce nombre est passé à environ 5000 patrouilles par jour, si nous incluons les troupes irakiennes participant au renforcement des opérations militaires états-uniennes.) Ces milliers de patrouilles quotidiennes, ont pour conséquence des milliers de morts irakiens, étant donné que ces patrouilles ne sont pas de simples promenades dans les rues, comme nous pourrions le croire. Lors de la commission d'enquête sur le massacre de Haditha, où un groupe de soldats US a massacré 24 membres d'une famille dans une maison, en représailles d'un attentat ayant tué un des leurs, le major general Richard Huck, officier commandant l'unité de marines à Haditha, a souligné, à nouveau, la limpidité de ces règles d'engagement, quand il a expliqué pourquoi il n'avait pas jugé bon à l'époque, de procéder à une enquête sur la mort de ces victimes civiles.(1)
Les dégâts causés par l'armée américaine ne sont pas uniquement le fait de l'armée américaine mais des milices et de sociétés privées. Echappant largement au contrôle démocratique, les «sociétés militaires privées» gagnent du terrain dans le pays, tandis que d'autres entreprises bénéficient des chantiers de la «reconstruction». Le 31 mai 2004, quatre Américains tombent dans une embuscade près de la ville de Falloudja, un bastion sunnite. Ces quatre victimes n'appartenaient pas aux forces régulières de la coalition. Ils travaillaient pour la société Blackwater USA, une des plus importantes sociétés de sécurité privées employées par le gouvernement américain. Blackwater USA appartient à une catégorie florissante en Irak: celles des sous-traitants de la guerre.(2)
L'activité des private military firms, comme on les appelle aux Etats-Unis, ou «sociétés militaires privées» (SMP) en français, a le vent en poupe. Ces firmes sous contrat du ministère de la Défense américain emploient, aujourd'hui 180.000 hommes et femmes en Irak, soit plus que l'armée américaine régulière et ses 160.000 soldats déployés en territoire irakien, selon des chiffres obtenus auprès du département d'Etat américain et du Pentagone... Que sait-on de cette nouvelle industrie militaire, qui génère des milliards de dollars de revenus aux frais du contribuable américain, mais qui échappe presque totalement au contrôle démocratique? Il existe environ 180 SMP en Irak, de la petite société qui fournit des équipes de commandos spécialisés dans la contre-insurrection aux grandes entreprises qui gèrent les chaînes d'approvisionnement militaire.(2)
La compagnie MPRI, basée près de l'aéroport de Washington, se consacre, notamment à la formation et à l'équipement de la nouvelle armée irakienne. Blackwater USA, dont le siège est en Caroline du Nord, entraîne les forces spéciales américaines, s'occupe de la sécurité rapprochée de l'ambassadeur américain en Irak et se spécialise aujourd'hui dans des programmes antiterroristes. Selon des chiffres du gouvernement, ces sociétés emploient, actuellement 21.000 Américains, 118.000 Irakiens et 43.000 employés d'autres nationalités, dont notamment des Chiliens, des Colombiens, des Philippins, des Népalais et des Bosniaques. Le terme «mercenaires» est souvent utilisé pour décrire ces anciens militaires, policiers ou agents des forces spéciales reconvertis dans des missions privées lucratives. Selon sa formation, un agent privé des SMP gagne deux à dix fois plus qu'un soldat régulier. L'échelle des salaires varie aussi selon leur origine: en Irak, un ancien béret vert américain peut gagner jusqu'à 1000 dollars (800 euros) par jour là où un ancien gurkha népalais fera 1000 dollars par mois.(2)
Emigrer à tout prix
La sous-traitance de missions militaires par le Pentagone a commencé dès la guerre du Vietnam et s'est développée dans un vide juridique propice à tous les abus. Dans le scandale des sévices de la prison d'Abou Ghraib, la totalité des traducteurs et près de la moitié des interrogateurs impliqués se trouvaient être des contractants civils travaillant pour les sociétés Titan et Caci... (3)
Que deviennent alors les Irakiens s'ils ne sont pas tués? Ils pensent à émigrer à tout prix. L'Irak se vide d'une grande partie de ses élites. Dans le journal irakien, on apprend que 2 millions d'Irakiens ont déjà fui le pays. Qu'il y a 200.000 enfants réfugiés en Syrie et non scolarisés. Si les Etats-Unis ont accueilli plusieurs milliers de réfugiés irakiens par an pendant le règne de Saddam Hussein, ils n'en ont accepté que 466 depuis l'invasion de l'Irak en 2003. On apprend aussi que les Etats-Unis délivrent aujourd'hui, moins de visas aux réfugiés irakiens qu'à l'époque de Saddam Hussein. Pour Bush accepter les réfugiés irakiens aux Etats-Unis serait reconnaître la défaite américaine en Irak, estime The Nation.
«Assad et Nader se sont installés dans la vie américaine avec l'aide de parents et des Chaldean Middle Eastern Social Services, un organisme qui assiste les chrétiens chaldéens irakiens. Assad travaille dans une station de lavage de voitures pendant la journée, pour payer une partie du loyer. La nuit, il perfectionne son anglais ou s'entraîne au hip-hop dans les clubs locaux avec ses cousins. Et, le dimanche, ils vont s'agenouiller dans la nef de Saint-Peter, la cathédrale chaldéenne. Ceux qui arrivent à émigrer vont dans différents pays occidentaux qui, au risque d'être politiquement incorrects, sont surtout des Arabes chrétiens qui, proportionnellement, sont mieux accueillis que les «autres».(4).
Dans ce pays qui a connu depuis 1980 plusieurs guerres d'extermination, qui a connu un embargo inhumain de 13 ans, qui s'est soldé par des centaines de milliers d'enfants. Dans ce bilad raffidin qui a connu des hécatombes au quotidien -on dit à titre d'exemple que le mois de juillet fut un mois sanguinaire avec plus de 1,600 morts, loi des chiffres précédemment donnés- la vie est plus forte que la mort. Les Irakiens, comme un suprême pied de nez à la mort, vivent, s'occupent font des plans et...publient des poèmes. Anthony Bellanger qui raconte ce «miracle» en est tout ébahi, écoutons le: «Tous les jours des attentats, tous les jours des rapports militaires, tous les jours des enlèvements, des votes du Congrès des Etats-Unis, des déclarations, des réunions...Et le peuple irakien dans tout cela? Dans la presse irakienne, celle que les Baghdadiens peuvent acheter au coin des rues, on trouve un peu de leur quotidien. Le quotidien communiste Tariq Ash Chaab a ouvert ses colonnes aux habitants de la capitale pour commenter la hausse vertigineuse du prix de l'essence...Alors, comment fait-on pour se débrouiller en Irak? Déjà on ne compte pas sur l'électricité. Az-Zaman, par exemple, explique que la moitié de Baghdad vit sans courant depuis plus de dix jours. Le quotidien Al-Mutamas s'est rendu compte que le job complémentaire le plus courant est le taxi. Le quotidien a même pu rencontrer un fonctionnaire malin dont les clients sont tout simplement...ses collègues de bureau. Pour une somme forfaitaire, il ramène tous les jours ses collègues à leur domicile. Et tout le monde est content».
«Il y a tout de même quelques bonnes nouvelles dans la presse irakienne. D'abord il y a cette synagogue à Al-Qoush, une ville chrétienne située dans le nord de l'Irak à une quarantaine de kilomètres de Mossoul. Az-Zaman raconte que cette synagogue est si ancienne que la tradition veut que le prophète Nahum y soit enterré. Elle devrait être restaurée dans l'année qui vient. Et puis, il y a l'équipe de foot d'Irak qui, il y a quelques jours, s'est qualifiée pour les demi-finales de la Coupe d'Asie des nations. Et puis en feuilletant les pages des quotidiens irakiens, j'ai découvert que, malgré la guerre, les milliers de morts et les épreuves du quotidien, les Irakiens continuaient d'écrire des poèmes. Aussi incroyable que cela puisse paraître, les pages des quotidiens irakiens sont remplies de poèmes envoyés par les lecteurs. Pour ceux qui connaissent bien le monde arabe, ce n'est pas une surprise: la poésie, c'est le mode d'expression par excellence de la culture et de la langue arabes. Mais tout de même, en Irak...Alors pour finir, j'ai voulu vous livrer quelques vers d'un poème paru hier dans Al-Badil Al-Dimoucrati. Juste quelques vers d'un poète du dimanche de Baghdad, dédié aux deux fleuves de l'Irak, le Tigre etl'Euphrate».(5).
«Je vous salue Tigre et Euphrate, Je salue vos habitants valeureux et fiers Je te salue toi, terre de tous les voeux Terre de la première mélodie du monde Jouée sur la première guitare du monde Une mélodie qui chante les jardins splendides d'Our, Qui a le parfum des siècles, Je salue le printemps, Je salue les martyrs d'Irak Que la grêle fraîche lave les larmes des mères Je salue chaque enfant qui peine à trouver son chemin parmi tant de truands
Je salue ceux qui font des miracles avec chaque grain de sable, Irak blessé, ton matin reviendra, Malgré le désordre qui t'a envahi
Irak, ton peuple restera le même. Dans ses chansons, ses traits, ses espoirs».
Voilà la réponse la plus civilisée des enfants de Babylone, de la Mésopotamie et d'Hammourabi aux héritiers du «siècle des Lumières». Puissent-ils en prendre de la graine!!
1.Michael Schwartz: L'occupation US de l'Irak tue-t-elle 10.000 civils par mois ou beaucoup plus encore? http://www.voltairenet.org/article149839.html Mardi 10 Juillet 2007
2.Stéphanie Fontenoy: En Irak, la guerre de l'ombre des «sous-traitants». Journal La Croix: 27/07/2007
3.François d'Alençon: Le Congrès américain veut encadrer les «militaires privés» Journal La Croix: 27/07/2007
4.Rachel L.Swarns dans: L'Irakien errant est arrivé repris dans Courrier international n°856-29 mars 2007
Andrew Lam: The Nation Personae non gratae repris dans Courrier international du 29 mars 2007
5.Anthony Bellanger: Vivre et survivre à Bagdad: Courrier international 24 juil. 2007


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