Plus de 400 morts. Le bilan provisoire de mardi, ayant fait état de plus de 200 victimes suite aux attentats aux camions piégés, a doublé. Le nord de l'Irak a vécu un mardi rouge. Comme la couleur du sang. Il a coulé à flots. Quatre camions bourrés de deux tonnes d'explosifs ont décimé des familles entières. «Plus de 400 personnes ont été tuées et le bilan devrait s'alourdir», a déclaré le directeur des opérations du ministère de l'Intérieur, le général Karim Khalaf. Des bâtiments entiers et des maisons ont été rasés faisant d'Al-Adnanieh et d'Al Khatanieh des villages martyrs. Les opérations de secours sont difficiles à organiser. Elles sont compliquées par l'éloignement. Les deux villages dont Mossoul est le chef-lieu sont situés dans la région de Sinjar, à quelque 370km au nord de la capitale, Baghdad. «Cela prend une journée pour atteindre les zones dévastées» a expliqué le général Khalaf. «Nous faisons tout ce que nous pouvons pour aider les blessés. Nous avons ouvert les portes des hôpitaux de toute la région dont ceux des zones kurdes», a-t-il précisé. Faute de moyens et dans l'urgence, les décombres sont fouillées à la main pour tenter de retrouver les corps des victimes. Ces attentats sont les plus sanglants de ceux qu'a connus l'Irak depuis l'invasion américaine en 2003. Cette fois-ci c'est le nord du pays qui a été endeuillé. La minorité yezedie a été ciblée. La province de Ninive est toujours sous le choc. Soldats, policiers, civils, tout unissent leurs efforts. Retrouver des corps enfouis sous des tonnes de gravats. A la main. Une vision d'apocalypse. La réalité est inhumaine. Peu nombreuse, estimée à quelque 500.000 âmes, la communauté yezedie, minorité kurdophone compte 3 députés au sein de l'Assemblée irakienne. Les relations qu'elle entretenait avec les communautés sunnites voisines n'ont cessé de se détériorer. Plus d'une vingtaine de ses membres ont été massacrés par des hommes armés le 23 avril 2007. L'autocar les transportant vers leur village de Beshika à 10km de Mossoul, a subi un véritable guet-apens. Qui mettra fin à la spirale de la violence en Irak? L'armée américaine? Certainement pas. Elle est dépassée par les événements, par la tournure prise par la chute du Raïs, Saddam Hussein. Sa mort atroce, par pendaison, filmée et humainement insupportable, a mis de l'huile sur le feu. Les attentats ont redoublé de férocité. A la tête du parti Baâs, le président irakien défunt a régné et dirigé de main de maître son pays pendant une trentaine d'années. L'équilibre ethnique soigneusement entretenu a été rompu. Mettre fin à une dictature et la remplacer par une démocratie. Les calculs américains n'ont pas donné les effets escomptés. Remplacer une communauté au pouvoir par une autre, religieuse de surcroît. De toutes les manières, les desseins américains sont tout autres. Installer un pouvoir à leur solde et jouer des deuxièmes réserves pétrolières du monde. En procédant ainsi, les Etats-Unis d'Amérique ont fait de l'Irak une poudrière. Jour après jour, l'Amérique compte elle aussi ses morts. 3699 soldats tués depuis mars 2003. Jour après jour, l'Irak s'embrase. Les Irakiens n'arrêtent pas de compter leurs morts sur fond de violences confessionnelles. Comment éteindre l'incendie? «La sédition confessionnelle» en Irak a été dénoncée par une quarantaine d'Oulémas musulmans après les attentats qui ont visé la communauté yezedie. Dans leur communiqué, les prédicateurs et les oulémas dont les muftis d'Egypte, de Syrie et de Bosnie, ont condamné vigoureusement «les actes criminels perpétrés au nom de la religion contre des milliers d'innocents irakiens». «L'Islam interdit de jeter l'anathème sur un musulman quelle que soit sa confession» ont-ils ajouté. Un appel aux dirigeants et prédicateurs musulmans a été lancé pour mettre fin à cette sédition avant qu'il ne soit trop tard. Le gouvernement irakien, paralysé depuis plusieurs mois par des crises intestines entre chiites et sunnites, a provoqué le départ de 17 ministres. Et ce n'est certainement pas la nouvelle alliance qui se dessine qui réussira à sortir l'Irak du brasier dans lequel il se trouve. Des larmes et du sang, voilà de quoi est fait le quotidien des Irakiens, le quotidien de l'une des plus grandes civilisations que l'humanité ait pu enfanter.