Le chef du gouvernement est formel; le président n'est ni malade, ni en convalescence, ni en congé; il est chez lui et il suit les événements. Comme la houle, la rumeur commençait à grossir, relayée par les médias écrits et par une vox populi friands de scoop. Et que disait cette rumeur? Que le président était gravement malade, au point d'être inapte à exercer son mandat présidentiel. Et voilà que coup sur coup, la journée d'hier a été mise à profit par le chef de l'Etat pour sortir de sa réserve. Trois activités publiques, filmées par la télévision nationale, ont été au menu de M.Abdelaziz Bouteflika. Rappelons d'abord quelles sont ces trois activités. Dans la matinée, M. Bouteflika s'était rendu au chevet de Youcef El Qaradaoui, hospitalisé à l'hôpital militaire de Aïn Naâdja, à Alger. Il s'est également rendu au domicile mortuaire du général major Smaïl Lamri où il a présenté ses condoléances à la famille du défunt. Puis le président de la République a reçu les lettres de créances du nouvel ambassadeur britannique à Alger, M.Andrew David Sordes Handerson, dont l'audience s'est déroulée en présence du directeur du cabinet à la présidence de la République. Ensuite, le président a reçu les ambassadeurs d'Italie et du Koweit, MM.Giovan Batista Verderane et Shamlan Al Roomi qui lui ont rendu une visite d'adieu. Comme à son habitude, le président est capable de mener une activité à vive allure et de faire montre d'une énergie débordante. On rappellera, en outre, que juste avant les grandes vacances, et en pleine canicule, le président avait fait des déplacements dans plusieurs wilayas du pays, dont Sétif, Annaba, Oran et Mostaganem, des visites d'inspection et d'inauguration au cours desquelles il avait surpris tout le monde par sa grande forme et les remarques adressées en direct à ses ministres. En réalité, les relations entre le président et la rumeur sont réglées comme du papier à musique, selon une chorégraphie dont seul lui a le secret. N'aime-t-il pas répéter qu'il prend plaisir à surprendre et l'opinion et ses adversaires politiques? Alors que sa maladie en automne 2005, à l'issue de laquelle un syndrome gastrique avait été diagnostiqué par les médecins, avait réellement désarçonné tout le monde, lui-même ne s'attendant certainement pas à une telle évolution de sa maladie, il n'en est pas de même cette fois. Entre temps, les choses ont évolué, et il semble que depuis lors, le chef de l'Etat a appris à mieux gérer son état de santé. Celui qui déclarait, après avoir quitté l'hôpital du Val-de-Grâce à Paris, qu'un président devait informer le peuple sur son état de santé lorsqu'il veut diriger la ouma, a su gérer cet aspect pour rester en phase avec l'opinion publique nationale. Il est donc permis de dire que la rumeur persistante de ces derniers temps ne vise rien moins qu'à semer le doute, un peu comme celui qui prêche le faux pour avoir le vrai. Cela dit, on peut considérer que dans ce domaine comme dans d'autres, le président aime garder une botte secrète, celle qui lui permet de surprendre et l'opinion et ses adversaires politiques. Car des adversaires politiques, il en existe forcément lorsqu'on dirige un pays de 34 millions d'habitants. D'autant qu'un agenda chargé attend le chef de l'Etat pendant ces trois prochaines années (2007, 2008, 2009). On attend de lui qu'il finalise le programme économique et social qu'il a lancé: construction d'un million de logements, création de deux millions d'emplois, achèvement de toutes les infrastructures de base qui ont été, soit lancées, soit relancées sous sa présidence, sans compter tous les chantiers se rapportant aux différentes réformes mises sur les rails, (banques, système éducatif, justice, institutions de l'Etat). Il est normal que lorsqu'on met en branle un programme aussi vaste et aussi ambitieux, on dérange des intérêts, à tous les niveaux, et dans toutes les sphères. Les intérêts de tous ceux qui voudraient que l'Algérie ne renoue pas avec la stabilité et la croissance. Cela dit, il est parfaitement clair que la bataille des mots qui s'est engagée autour de la santé du président de la République fait partie d'une bataille politique plus vaste, qui vise à convaincre ceux qui veulent bien les croire que le président n'est pas apte à diriger le pays, et encore moins à postuler pour un troisième mandat. Quant au chef de l'Etat, qui connaît les tenants et aboutissants d'une telle manipulation, il laisse faire, ayant conscience que d'avoir trop occupé le terrain au cours du premier mandat l'a privé des effets de surprise dont il raffole. Depuis le début de ce deuxième mandat, il a opté pour une autre stratégie, celle qui consiste à ménager ses forces pour des batailles politiques plus décisives, d'autant plus que dans de nombreux domaines, ses efforts et son action commencent à porter des fruits. En revanche, là où les choses mériteraient quelques clarifications, c'est, bien sûr, le terrain social. Les augmentations des prix des produits de large consommation, comme ceux de la pomme de terre, de l'huile et du sucre, ont fait craindre aux couches moyennes, mais surtout aux petites bourses, que l'avenir sera morose. Bien entendu, sur ce terrain, ce sont les ministres en charge de l'approvisionnement de la population qui sont interpellés, alors que le président a gardé intact tout son capital confiance auprès de la population. On n‘en veut pour preuve que la ferveur populaire dont il a bénéficié lors de ses déplacements à l'intérieur du pays.