Une nette augmentation par rapport aux trois années précédentes Le rapport annuel que la Commission nationale (française Ndlr) consultative des droits de l'Homme (Cncdh), remis jeudi, à la ministre de la Justice, Marylise Lebranchu, (Lionel Jospin étant en campagne électorale), constate que la violence raciste a augmenté en 2001. Deux facteurs ont donné naissance à ce drame, selon les rapporteurs: l'intensification du conflit israélo-palestinien et les attentats du 11 septembre. Ces deux éléments ont entraîné une hausse de ce type de violences à l'encontre de deux principales victimes, à savoir les Maghrébins et les juifs. Sur un total de 67 actions violentes enregistrées cette année, 43 ont été recensées entre septembre et décembre 2001. Cette concentration des violences sur le dernier trimestre 2001 a pu être constatée tant pour les actions visant des immigrés que les actes touchant la communauté juive. Le dénombrement des menaces reflète la même tendance. La Commission, qui est une instance placée auprès du Premier ministre, et qui regroupe les principales associations agissant dans ce domaine et les représentants des administrations concernées, s'est basée dans son recensement annuel sur les chiffres qui lui sont communiqués par les Renseignements généraux et les services de police et de gendarmerie. Premier résultat, en 2001, les premières victimes sont les Maghrébins. 38 faits graves racistes ont été commis sur le territoire français, contre 30 en 2000 ; 19 ont pris pour cible des personnes d'origine maghrébine. Incendies, cocktails Molotov ou jets de pierres visant des mosquées ou des commerces musulmans, agressions physiques, «ratonnades» lors de matches de football... onze actions ont été commises dans les trois derniers mois de l'année, après les attentats du 11 septembre. Il a été souligné que cette corrélation avec des événements internationaux «impliquant» des pays arabes avait déjà frappé la commission. Trois de ces événements ont été mis en exergue, lors de la guerre du Golfe en 1991, le regain de violences en Algérie en 1995 et la deuxième Intifada à l'automne 2000. Les données sur les menaces confirment cette tendance: 163 actes d'intimidation raciste ont été répertoriés, contre 129 en 2000 ; 115 visaient des Maghrébins. «C'est une nette augmentation par rapport aux trois années précédentes», souligne le rapport, faisant remarquer que les cibles ne sont pas exclusivement des Maghrébins ou des jeunes de la deuxième génération, comme dans le passé, mais «d'une manière plus large, les communautés arabo-musulmanes». Et comme il fallait s'y attendre, les agresseurs se recrutent pour près d'un tiers dans la mouvance d'extrême droite, mais de plus en plus d'actes sont le fait d'individus isolés n'appartenant pas à ces milieux. Avec 21 actions antimaghrébines comptabilisées, la Corse est le département le plus touché. La communauté juive a également été particulièrement frappée en 2001, mais dans une moindre mesure qu'en 2000. 29 faits graves antisémites ont été dénombrés, contre 119 en 2000; 171 menaces, contre 624 en 2000. «Si on excepte l'année 2000, ce sont les chiffres les plus élevés depuis 1991. L'antisémitisme remonte, comme le racisme antiarabe», insiste M.Fellous. Le rapport souligne que de «nouvelles caractéristiques» marquent le phénomène depuis deux ans: sa «corrélation avec le conflit israélo-palestinien», sa concentration là où cohabitent «des communautés juives dynamiques et des populations musulmanes, souvent dans des quartiers sensibles» et la gravité des violences touchant des lieux essentiellement religieux. L'ensemble de ces données explicitées, la commission a tenu à préciser que ces statistiques ne prétendaient pas être exhaustives, mais marquaient des tendances et des évolutions. La CNCDH a estimé que les victimes ne faisant pas toujours la démarche de porter plainte, le «chiffre noir - du racisme et de l'antisémitisme - écrit-on est difficilement quantifiable». La Cncdh reconnaît ainsi que les témoignages recueillis par les associations ne sont en fin de compte, qu'«un bon indicateur» de la perception du phénomène. Selon une étude, réalisée les 4 et 5 mars sur un échantillon représentatif de 400 jeunes de 15 à 24 ans, le racisme en France touche particulièrement les Maghrébins. Ainsi pour 61% des sondés, ce racisme antimaghrébin a été «renforcé par les attentats du 11 septembre». Ces événements ont eu peu d'impact, en revanche, sur les sentiments antijuifs (78% pensent que cela n'a pas renforcé l'antisémitisme). Voilà matière qui ne laissera pas indifférents les candidats à la présidentielle française. Le Pen et Maigret sur un front, Chirac et Jospin sur un autre.