Les films américains se suivent et se ressemblent, hormis ceux de Braian de Palma et Paul Haggis, déjà cités dans ces colonnes. Marco Muller déjà connu pour ses inclinaisons plus qu´avérées pour l´Extrême-Orient surligne encore plus cela dans cette 64e édition. Même le film dit «surprise» n´en est plus un puisqu´il n´y a plus fort à parier Qu´il ne soit pas asiatique, car il l´est! Mais hormis les snobinards qui ne veulent pas passer pour des idiots, de plus en plus et ouvertement, on en revient de ce cinéma là qui semble tourner en rond et privilégier l´oeil que le cerveau... Et comme le cinéma a besoin de ces deux sens, la défection de l´un n´est pas sans conséquences sur le reste. Alors, on se surprend à guetter des cinématographies qui réussissent à se glisser sur les tablettes des sélectionneurs...Ce fut le cas avec La Graine et le Mulet de Abdellatif Kechiche et de Sous les Bombes du Libanais Philippe Aractingi. Présenté dans la section «Venice´Day», il a fait une très bonne impression. Tourné juste après le cessez-le-feu et dans l´urgence, son argument a réussi à convaincre Arte-Fictions (France) de se joindre à l´aventure. Les premières images annoncent déjà l´ambiance. Filmées en temps réel, elles montrent le bombardement par les Israéliens de cibles libanaises, dans le Sud-Liban. Elles sont plus impressionnantes que celles, anesthésiantes de la télévision, car elles sont sonorisées. Et le bruit est plus qu´effroyable. Un vacarme qui en dit long sur le calvaire vécu par tous les Libanais...C´est dans ce contexte que débarque Zeïna en provenance de Dubaï, où elle vit, via la Turquie. En instance de divorce, elle avait envoyé son petit Karim - croyant le mettre à l´abri des disputes des adultes - chez sa soeur à Kherbet Selem, au Sud-Liban. Mais les images diffusées par les télés depuis le 12 juillet lui intiment l´ordre de retourner récupérer son garçon. Le blocus l´empêchera de débarquer à Beyrouth avant le cessez-le-feu. A la gare routière, elle tente de trouver un taxi, mais aucun n´accepte de l´emmener vers le Sud. Tous proposent al-Sham, Damas, au prix fort, bien entendu... Finalement c´est Tony, un «mister Bean oriental», qui accepte. Il est chrétien, elle est chiite. Tout semble les séparer. Mais les apparences sont souvent trompeuses. Les tensions, les ponts détruits auront raison de leur carapace. Tony a un frère qui a rejoint les troupes du félon Lahoud, en Israël... Et lui porte la croix de cette situation. Zeïna découvre avec horreur que tout n´est plus que gravats. Et quand elle est surprise par l´annonce de la mort de sa soeur, elle se laisse aller à sa douleur. Elle criera sa colère: «Cette guerre n´est pas la tienne, ma soeur!». Mais le réalisateur ne s´arrête pas là, il continue son road movie vers le nord, dont il se complait à montrer la verdoyance, pour finalement atterrir dans une famille proche de Tony où le discours est carrément collaborationniste. Alors Tony qui a parcouru en long et en large la terre violée libanaise explose pour dire son refus d´accepter la solution israélienne proposée aux partisans de Lahoud. Le point d´orgue seront les «retrouvailles» dans un monastère où aurait été transporté Karim, le fils de Zeïna. Un rebondissement cinématographique qui tombe pile. Entre-temps, Tony et Zeïna, deux Libanais en naufrage auront fait le chemin vers eux-mêmes avant de le faire l´un vers l´autre. Et c´est sous les bombes que des individualités vont apparaître de sous le carcan communautaire dont la vertu principale reste tout de même la méconnaissance de l´Autre, voire sa négation. Deux citoyens libres vont décider de ce qui est bon pour eux et pour leur pays, loin de tout diktat de l´Internationale communautariste toutes croyances confondues. «Ce n´est pas un film qui prend parti pour un camp ou un autre, mais pour dire la souffrance des innocents» souligne le réalisateur libanais qui fait remarquer aussi qu´il n´a pas montré les morts, «nous en avons trop vus». Et puis, il a surtout choisi le camp de la vie loin de tout culte de la mort...