Un temps merveilleux, une lagune vénitienne qui n'a jamais été aussi belle, et pourtant! Pourtant, quelque chose cloche dans cette Cité des Doges (appelée en arabe «Al Boundouqia» («La cartoucherie»). Plus de 400 flics, bardés comme pour un film de samouraïs, tout en cuir, plongeurs sous marins, «Ninjas» locaux, portiques à chaque coin des salles de projections... Les Italiens en font un peu trop, heureusement que, comme toujours en Italie, la nature reprend ses droits et les «fouilles systématiques» des sacs et autres «borsas» en bandoulière se font d'une manière on ne peut plus dilettante... Pendant ce temps, le tir aux pigeons, un sport national, continue de plus belle. La presse reproche à un directeur réputé de gauche (Marco Muller ) de se plier, sans trop de chichis, aux desiderata d'un gouvernement de droite... Les amis de Berlusconi voulaient une Mostra très «paillette» et ils l'ont eue! Même si Muller, qui en est à son deuxième mandat, (ne sera-t-il que le second? Wait and see...) se défend de cela... Mais malin comme il est, le patron de la Mostra, centenaire du cinéma chinois aidant et pour ne pas démentir sa réputation de sinologue, pas du tout surfaite, loin de là, a cru bon choisir à la place d'un block buster de Hollywood, un film chinois de Tsui Park Seven Swords que Spielberg n'aurait pas du tout dédaigné... Mais rien qu'avec ce film, il y avait matière à faire grincer des dents un... édenté! Heureusement que Georges Clooney avec sa deuxième réalisation Good Night and good luck, a sauvé la mise de (très) fort belle manière! Dans une superbe réalisation étonnante de sobriété, digne des plus beaux John Berry (du temps où il dirigeait Gene Terney), le séduisant Clooney a, de fort belle manière, taillé un costard à Mac Carthy, le mollah yankee qui, dans les années cinquante, dans un délirium tremens anti-communiste, avait donné la chasse, à courre, à tout ce que ce pays avait d'intellectuels et de penseurs non marqués à droite... Et encore ! Car après avoir obligé Elia Kazan, entre autres, à dénoncer ses amis cinéastes et contraint beaucoup d'artistes à s'exiler ou bien à signer d'un pseudonyme leur travail, Mac Carthy a vu même dans l'attitude d'un Truman ou de Roosevelt, (deux présidents quand même) à l'égard du bloc de l'Est, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, un comportement «teinté de sympathie à l'égard des Russes». Mac Carthy a donc poussé le plus célèbre chroniqueur de l'époque à monter au créneau, à le pister dans un premier temps, à le contrer dans un deuxième, enfin, à lui asséner le coup de grâce lors d'un mémorable face-à-face relaté d'ailleurs par Arthur Miller dans ses mémoires, parues récemment. Fils de journaliste, Clooney et sans doute en hommage à son père, a fait ce film pour rendre aussi justice à Edward R.Murrow qui, avec son émission Good night and good luck, a escorté l'Amérique des années durant. Déjà, David Stratharain se pose en sérieux candidat pour le prix d'interprétation... Clooney, lors de sa conférence de presse, a rappelé combien les médias américains étaient de plus en plus uniformes dans leur pensée, en dirigeant son regard vers le Moyen-Orient... Rejoignant par-là même son sulfureux compatriote, Gore Vidal, qui, depuis 1948, n'a de cesse de dénoncer les travers du way of life américain. Vidal, c'est celui qui a adapté pour le cinéma Tenessee Williams et qui a écrit, après le 11 septembre, la fin des Libertés. Vidal avait aussi dit un jour «les Américains n'aiment que les choses sur lesquelles ils peuvent coller une étiquette. Quitte à tuer ce qu'ils sont en train d'étiqueter»... Une autre définition, sans doute, de la société de consommation pointée du doigt par Georges Clooney, à Venise...