Un immense chantier à l'arrêt, inactif, un trou bétonné cerné de hautes grilles métalliques. A une vingtaine de mètres où se sont effondrées les deux tours jumelles, une aire de recueillement a été dégagée et elle est devenue La Mecque des touristes qui se rendent à New York. Sur l'esplanade, un vieil homme à la barbe blanche, assis à même le sol, une flûte traversière suspendue à ses lèvres, joue des airs tristes. Plus loin, sans inquiétude aucune, un groupe d'Américains exposent une pancarte jaune et expliquent à qui veut les croire que «l'effondrement des deux tours n'a pas été causé par les avions kamikazes qui les avaient percuté». Et parmi ces opposants à la thèse officielle, figurent même des membres des familles des victimes. Derrière le vieil homme, un barreaudage haut de plus deux mètres où sont suspendues des photos: une femme voilée fond en larmes, un policier en position de salut, déchiré par la tristesse, réprime ses larmes et autant d'autres photos qui immortalisent le drame du 11 septembre. Des centaines de touristes défilent sur les lieux, se prosternent devant les photos, glissent quelques dollars au vieillard et tentent de scruter ce qui se passe derrière les barreaux qui enclavent le lieu exact de l'effondrement des deux tours, le Ground zéro. Toujours rien. Un immense chantier à l'arrêt, inactif, un trou bétonné cerné de hautes grilles métalliques «résiste» toujours, au sud de Manhattan. Contrairement aux promesses, la reconstruction n'a toujours pas vraiment commencé. Avec des années de retard, le chantier semble au sommeil: il n'a cessé de prendre du retard et les projets de s'enliser. Sur le site, une voiture de police, des camions, des grues et des travailleurs portant des casques oranges de sécurité, ils semblent s'affairer mais rien n'émerge de ce trou béant. Après six ans de polémiques et de retards, la blessure de l'Amérique est toujours ouverte et Ground Zero est toujours vide. Manhattan n'a pas eu son mémorial pour les victimes du 11 septembre, elle n'a pas eu son immeuble se dressant dans le ciel. Il n' y a que des cérémonies de recueillement ponctuées de promesses et de polémiques. Et Dieu seul connaît l'intérêt qu'accorde le peuple américain aux mémoriaux. Le chantier de Manhattan est retardé par de multiples conflits et des projets sans cesse modifiés. En février 2003, la question allait être tranchée. Une idée de l'architecte polonais, Daniel Libeskind, a séduit les New Yorkais. Le projet a été exposé sur l'esplanade du Ground zéro et la maquette a même été présentée, en septembre 2004, aux journalistes de la presse internationale dont une délégation de journalistes venus du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord. Le projet était immense et cadrait parfaitement avec le gigantisme bien propre aux Américains. Il comprend la tour de la Liberté de 541 mètres, soit 1776 pieds, qui correspondent à la date de la fondation de la République américaine, surmontée d'une flèche noire entourée de plusieurs immeubles de verre à facettes géométriques. Cette maquette été présentée au monde entier. Il s'agissait d'un défi pour les Américains face à l'extrémisme et aux terroristes. Mais contrairement aux autres projets américains, contrairement à l'efficacité américaine, le projet a déraillé, a déraillé...