La chaîne de montagnes de l'Atlas algérien raconte la symbolique de sa forêt de cèdres éternels. Venant de l'Ouest, Ibn Tachfin avait lancé, autrefois, au xie siècle, ses troupes pour conquérir des territoires et des cités vers l'Est et vint mettre son siège devant Alger (1082). Au milieu de ses longues chevauchées militaires, il avait trouvé un refuge stratégique: l'immense Ouarsenis. Plus tard, c'est Ibn Toumert qui marchera, avec sa petite troupe de compagnons, vers l'Ouest, par l'Ouarsenis, pour atteindre Fès et finalement Marrakech. À la fin du xve siècle, le Maghreb, se décomposant en une infinité de principautés et de fédérations autonomes, favorisa les tribus de l'Ouarsenis à s'organiser à l'instar des tribus voisines. ‘Arroûdj aussi avait reconnu et apprécié le site de l'Ouarsenis lorsqu'il se décida à aller jusqu'à Tlemcen pour tenter de compromettre la puissance ziyanide. Et l'armée coloniale française avait assez tôt compris l'intérêt politique et militaire à surveiller puis à occuper l'Ouarsenis. Au cours de la lutte de libération nationale (1954-1962), le massif de l'Ouarsenis (en berbère ´´Rien de plus haut´´; point culminant: 1985 m), remarquable notamment par ses forêts de cèdres, a accueilli et abrité de nombreux groupes de l'Armée de libération nationale Le livre Les Cèdres de l'Ouarsenis(*) de Mohamed Boudiba me semble bien utile à lire, et je reste étonné qu'il n'ait pas produit grand effet en librairie. L'auteur a les références suffisantes (sa formation universitaire, sa profession d'avocat puis de conseiller juridique, sa passion pour la peinture et l'histoire de son pays) pour attirer et retenir l'attention du lecteur. Bien que Boudiba parle de roman, son ouvrage est un récit riche en informations et en péripéties guerrières. Il retrace la lutte de libération et ses prémisses. Il précise les sites où naissent et évoluent les activités sociopolitiques des populations de l'Ouarsenis et où ne tardera pas à éclater la guerre d'Algérie. «C'est une guerre populaire, écrit-il, violente et cruelle, qui va bouleverser tout ce qui vit à la surface de cette terre, les hommes jusqu'au dernier, et la nature jusqu'à la plus petite des plantes.» Rien d'étonnant à ce que l'Ouarsenis ne soit aussi le vaste théâtre de la Révolution armée pour l'indépendance nationale. «Le Pays des cèdres» va connaître une secousse encore plus forte que «le séisme du 9 septembre 1954»; et c'est tout l'Ouarsenis qui sera concerné, après qu'il «s'est rendormi paisiblement». En effet, «Au moment où l'horloge de l'église Sainte-Anne des cèdres a égrené la première heure de la Toussaint 1954, un séisme d'une tout autre nature a ébranlé l'est de l'Algérie; son onde de choc n'a pas encore touché le Pays des cèdres. L'Ouarsenis, insouciant et mystérieux, ignore que l'histoire vient de s'emparer brutalement, de cette première aube de novembre qui vient de le réveiller. Nulle âme ne se doute qu'il y a quelques heures seulement, la guerre d'Algérie vient d'éclater loin à l'est de ses montagnes.» L'auteur rappelle les glorieuses résistances des populations de l'Ouarsenis au corps expéditionnaire français et le courage et la victoire des insurgés à leur tête Bouamama «qui massacra la colonne du capitaine de Castries en avril 1882». Dix-huit chapitres couvrent le récit, plutôt les récits, des moudjahidine de l'Ouarsenis. Il y a de grandes aventures, des anecdotes qui mettent du droit dans l'action de résistance et de la détermination dans la lutte populaire pour se libérer du joug colonial. Le projet est réalisé. L'auteur aura raison d'avoir placé en sous-titre de son ouvrage: la guerre vécue. L'ouvrage de Mohamed Boudiba a le mérite de présenter avec un détail surprenant des événements historiques durant la Guerre d'Algérie de 1954 à 1962. Cependant, il ne faut pas s'attarder sur la qualité de l'écriture de ce premier essai mi-littéraire mi-documentaire. (*) LES CÈDRES DE L'OUARSENIS de Mohamed Boudiba OPU, Alger, 2004, 285 pages.