Pyongyang accueille demain le président sud-coréen dans une réunion inédite entre les deux frères ennemis coréens. Historique est en effet cette rencontre qui réunira pour la seconde fois dans la capitale nord-coréenne les deux plus hauts dirigeants de la péninsule coréenne partagée depuis la guerre de 1950-53. Ce réchauffement entre les deux frères ennemis coréens se traduit par l'insigne honneur que Pyongyang fait au président sud-coréen en l'autorisant à franchir à pied la frontière, supersécurisée, entre les deux Etats. En autorisant le président Roh Moo-Hyun a traverser à pied la ligne de démarcation militaire, la Corée du Nord marque tout l'intérêt qu'elle porte à une rencontre qui sans doute confortera les relations actuelles entre les deux Corée, d'autant plus que depuis la mémorable rencontre des 13-14 juin 2000 entre Kim Jong-Il et son homologue Kim Dae-Jung, il y eut plus de bas que de hauts dans les relations entre Séoul et Pyongyang. Il faut noter cependant une substantielle amélioration, ces derniers mois, du climat général entre Pyongyang et Séoul. Les Sud-Coréens ne se sont pas trompés sur la symbolique de cette autorisation, comme le souligne le ministre sud-coréen de l'Unification, Lee Jae Joung, qui a estimé que «franchir à pied la ligne de démarcation militaire sera un moment historique et impressionnant». Le président nord-coréen Kim Jong-Il ne se déplaçant jamais hors des frontières de son pays, c'est un peu le monde qui doit aller à lui. Ce que n'hésitèrent pas à faire les Sud-Coréens -dont le prédécesseur de M.Roh avait déjà fait le voyage (par avion) de Pyongyang- qui ont mis les bouchées doubles depuis l'entame en 2000 du réchauffement intercoréen aux fins de mettre un terme à la situation dévalorisante pour les deux peuples par l'amélioration des relations entre les deux Etats avec la perspective de favoriser le regroupement de familles séparées depuis plusieurs décennies. Le sommet entre Kim Jon-Il et Roh Moo-Huyn prévu à la fin du mois d'août a été reporté au 2-4 octobre à la demande de Pyongyang suite aux graves inondations qui ont frappé la Corée du Nord. Sept ans après un sommet historique, les Corée, séparées depuis six décennies, se retrouvent à partir de demain à Pyongyang pour une nouvelle rencontre en pleine période de détente et sur fond d'avancées dans le dossier nucléaire nord-coréen. Cette avancée s'inscrit dans le cadre des efforts déployés par Séoul et Pyongyang pour dépasser les dernières défiances qui subsistent entre eux. Ce nouveau climat serein est illustré par le fait que, pour la première fois -en mai dernier- un train a traversé la frontière intercoréenne, montrant ainsi la détermination des deux capitales coréennes d'aller de l'avant pour en finir avec la situation à tout le moins anachronique existant entre le nord et le sud de la Corée. En tout état de cause, les Sud-Coréens estiment qu'il est maintenant grand temps de signer un traité de paix en bonne et due forme pour en finir avec cette situation de ni guerre ni paix qui n'a que trop duré. De fait, le dossier coréen est l'un des tout derniers contentieux, reliquat du XXe siècle. C'est du moins ce que pense l'ancien président sud-coréen, Kim Dae-Jung (1997-2003) - qui le premier rencontra Kim Jong-Il à Pyongyang en juin 2000 et signa avec lui la déclaration conjointe qui a ouvert la voie au réchauffement entre le Nord et le Sud - qui a estimé que «le sommet constituera un grand pas en avant pour la paix et les échanges entre les deux pays». Selon la présidence sud-coréenne, les deux présidents, Roh Moo-Hyun et Kim Jong-Il, mettront à profit cette opportunité de se retrouver à Pyongyang pour évoquer lors de leur rencontre (2-4 octobre) la signature formelle d'un traité de paix. L'anachronisme existant entre les deux Corée, relevé par Séoul, est que les deux pays, qui n'ont signé qu'un armistice en 1952, sont en principe toujours en guerre. Mais en l'état actuel des choses, Pyongyang attend surtout de son voisin du Sud qui reste son premier donateur, un surcroît d'aide alimentaire et d'assistance économique. Quoique placée dans un contexte essentiellement bilatéral, il faut s'attendre cependant, estiment les observateurs, que la question du nucléaire nord-coréen -qui ne figure pas au programme des deux présidents- tienne une bonne place dans leurs discussions au moment où la dénucléarisation de la Corée du Nord avance à grands pas, à la satisfaction de ses partenaires du groupe des six (USA, Russie, Chine, Japon et les deux Corée), cela en vue de la concrétisation de l'accord signé le 13 février à Pékin. La venue de Roh Moo-Hyun à Pyongyang montre néanmoins que les choses ont évolué positivement et que le dernier bastion du stalinisme s'ouvre peu à peu au monde alors que les barrières de l'ostracisme tombent les unes après les autres.